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Space X : les secrets de son agilité

Avec Mastercard
© Space X via Unsplash

Du haut de ses 19 ans, l’agence spatiale Space X, créée par Elon Musk, rajeunit le modèle aérospatial né il y a seulement 63 ans avec la NASA. Comment ? En s’inspirant du fonctionnement start-up et de la philosophie de la Silicon Valley : résilience, agilité et rupture. Embarquement immédiat au cœur du système Space X.  

À l’occasion du Mastercard Innovation Forum du 26 novembre 2020, Garrett Reisman, senior advisor chez Space X et ancien astronaute de la NASA, nous explique la philosophie et le modèle de l’entreprise.

Start (me) up and down

Autrefois surnommé le « savant fou » de la Silicon Valley, Elon Musk la quitte sans regret, en 2020, pour le Texas. Toutefois, au cœur du réacteur de la machine Space X, l’accent est mis sur la philosophie californienne. Une force face à la NASA : « La plus grande différence que j’ai constatée entre la NASA, que j’ai quittée début 2011 et Space X, c’est la rapidité de décision (…), il suffit parfois d’une réunion ou d’une semaine pour prendre une décision qui nous aurait nécessité peut-être une année à la NASA », confie Garrett Reisman. Et « si Space X en est capable, c’est grâce à son agilité », ajoute l’ancien astronaute, des étoiles dans les yeux.

Enfermée dans des carcans administratifs et de production, l’agence américaine qui a envoyé le premier Homme sur la Lune est à la peine selon Garrett Reisman. En arrière-plan, alors que fusée et drapeau des États-Unis ornent les murs, le senior advisor émousse la grosse machine spatiale américaine. Selon lui, « La NASA a du mal à fonctionner ainsi car comme les sociétés traditionnelles, elle travaille avec de nombreux sous-traitants et fournisseurs. Dans ce contexte, tout changement est vraiment très coûteux ». Et de vanter l’entreprise qui a envoyé la première voiture dans l’espace : « Chez Space X, nous fabriquons les moteurs, la structure, les réservoirs… Et cette intégration verticale s’accompagne de l’agilité à corriger les erreurs liées à de mauvaises décisions prises à la hâte ».

Prendre conscience de ses erreurs pour mieux les corriger, oui. Mais attention au reste. Pour Cédric Mao, cofondateur de Fly The Nest, « l’esprit start-up ne dure que trois ans ». Comme l’amour…

De l’importance d’accepter l’échec

Houston, nous avons un problème. Oui, mais que faire ? Selon Garrett Reisman, la NASA tente de les éviter le plus possible, ce qui l’empêche d’agir et d’innover. Si pour Victor Hugo, « la curiosité d’avoir peur existe », il n’en est pas moins sûr pour l’agence spatiale historique. Et la peur de l’échec en fait largement partie. Pour l’ancien résident de la station spatiale internationale, « la capacité à accepter les échecs est une autre grande différence entre Space X et la NASA. Au cours de son histoire, la NASA a connu de grandes tragédies et chacune d’entre elles (Apollo 1, Challenger, Columbia) a renforcé son aversion au risque. Après l’accident de Columbia, nous étions arrivés au point où, plutôt que d’essayer de gérer les risques, nous visions le zéro risque ».

Échec et mat, donc ? Si la tour de contrôle texane est devenue fébrile, une ouverture existe néanmoins. Réduire cette peur, ce risque, en misant sur l’innovation : « Lorsqu’on en arrive à viser le risque zéro, il est très, très difficile d’essayer d’innover réellement. Space X n’a pas ce passé et jouit de l’état d’esprit de la Silicon Valley : essayer des nouveautés, créer la rupture, se dire que l’immobilisme est l’ennemi, et qu’il y a forcément une meilleure solution ». Viser la Lune, donc.

Nouvelles technologies et entreprises exogènes 

Pour Space X, l’innovation se conjugue au pluriel. Elle se retrouve autant dans les nouvelles technologies que dans les idées et le monde entrepreneurial. Une philosophie qui évolue en pilote automatique au sein de l’agence… et des navettes ! « Les nouvelles technologies sont un formidable outil pour le vol spatial. La capsule Crew Dragon est très différente des navettes sur lesquelles j’ai pu voler. C’est un vaisseau spatial beaucoup plus intelligent, grâce à la puissance de ses algorithmes, de ses logiciels et de son électronique. Beaucoup d’actions que nous avons été entraînés à maîtriser manuellement », déclare avec fierté Garrett Reisman.

Et sur le terrain ? Alors que les petits hommes verts n’ont pas encore fait leur apparition, l’être humain, quant à lui, peuple toujours la planète Terre. Et ses habitudes restent les mêmes : produire plus (et aller plus haut). La pluralité des entreprises et leurs avancées, confèrent à Space X une place d’acteur et d’observateur du microcosme entrepreneurial. Si les agences spatiales ne sont pas légions, rien ne l’empêche de regarder ce qu’il se passe ailleurs (sur Terre) : « Space X a la volonté de regarder les autres secteurs d’activités pour trouver des solutions et de mettre à profit les percées réalisées dans des secteurs plus en avance que nous. Nous avons par exemple recruté un directeur de la production dans le secteur automobile. Il nous a permis de passer de quatre fusées par an à quarante ! ». De toute évidence, l’Objectif Lune d’Hergé n’est donc plus qu’un vieux souvenir.


Pour accéder au replay de cette keynote "Conquérir l'espace autrement:



Vincent Thobel

Après des débuts en radio, Vincent Thobel se dirige vers la presse écrite où il dépeint la société de la Russie au Moyen-Orient en tant qu’indépendant puis pour le magazine NEON. Il met ensuite cap vers le lifestyle et la gastronomie pour Rue89 et L’Express avant de devenir chef de projet éditorial pour le Groupe Figaro. Il rejoint L’ADN en 2019.
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