Pourquoi arrêter quand on peut juste diminuer ? En cette période de Dry January, défi qui propose de ne pas boire d'alcool pendant un mois, les alcooliers font la promotion du Damp January. Une initiative controversée.
Selon Santé Publique, la France est l'un des plus gros consommateurs d’alcool au monde (sixième rang parmi les 34 pays de l’OCDE). Une consommation élevée qui serait à l’origine de plus de 40 000 décès par an, soit deuxième cause de mortalité « évitable » après le tabac. Dans ce contexte, le Dry January (janvier sec), autrement appelé « mois sans alcool », représente un enjeu de santé publique majeur. Pourtant, alors que le défi voit ses adeptes augmenter chaque année, les alcooliers organisent la riposte avec l'élaboration d'un nouveau concept : le Damp January (janvier humide).
Un tiers des Français prêt à tenter le Dry January
Pour beaucoup d'entre nous, le début d'une nouvelle année est synonyme de bonnes résolutions. Depuis une dizaine d'années, des millions de personnes entament la nouvelle année avec le même objectif : ne pas consommer d'alcool durant un mois. Connue sous le nom de Dry January, cette initiative invite les gens à s'abstenir de boire de l'alcool pendant le premier mois de l'année. Un concept qui séduit, puisque selon un sondage BVA, 35 % des Français se disent prêts à tenter l'expérience en 2023 alors qu'ils étaient moins de 10 % il y a 3 ans. Une bonne chose, non ? Pas pour tout le monde.
Le Damp January, le cousin décontracté du Dry January
Face au succès du Dry January, plusieurs alcooliers font la promotion d'un nouveau concept : le Damp January. Le principe ? Si vous n'êtes pas prêt à vous engager à 31 jours sans alcool, ou si la sobriété totale n'est pas un objectif, le Damp January est fait pour vous. L'idée ? Vous avez l'habitude de boire deux verres de vin au dîner ? Réduisez à un. Vous préférez les boissons à forte teneur en alcool ? Optez pour « une nouvelle catégorie dite "alternative" composée de nouvelles créations ou de réinterprétations de cocktails iconiques avec un degré d’alcool inférieur aux versions originales », comme le propose la Maison Cointreau.
En effet, toute diminution de consommation d'alcool offre de nombreux avantages pour la santé : baisse de la glycémie et de la pression artérielle, meilleur sommeil et mémoire, diminution des risques cardiovasculaires... De plus, selon certains spécialistes, commencer par des petits changements s'avérerait à long terme plus efficace lorsqu'il s'agit de créer de nouvelles habitudes et d'en abandonner de mauvaises.
Le Damp January, ou comment détourner un message de santé publique
La question du calendrier a toutefois de quoi laisser dubitatif. Pourquoi sur les 12 mois de l'année avoir précisément choisi janvier ? Le Damp February ou le Damp August serait-il moins efficace ? Et plus largement, pourquoi ne pas inviter à réduire sa consommation d'alcool toute l'année ? Selon Romain Gomet, médecin et administrateur de la fédération Addiction, le choix du mois ne relève pas du simple hasard : « S’il n’y avait pas cette idée de contrer le Dry January, cette initiative serait intéressante. Mais là, il y a clairement un détournement du message de santé pour créer de la confusion et pousser à la consommation. »
Cité par le journal Libération, Bernard Basset, président de l’association Addictions France, va plus loin et critique le concept même du Damp January : « S’abriter derrière une pseudo-réduction, c’est un prétexte pour continuer à faire boire et ne pas évaluer son rapport à l’alcool. C’est un contre-feu de plus du lobby alcoolier qui se sent menacé par le Dry January. » Le Damp January ne serait-il donc qu'une basse opération marketing, qui sous couvert de se soucier de la santé des consommateurs chercherait à entretenir leur dépendance ?
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