Ils sont venus, ils ont vu mais ils n’ont pas bu. Qui sont ces millennials qui défient les conventions sociales et passent des soirées sans une seule goutte d’alcool ?
Après le boulot ou au déjeuner, dans un bar ou chez des potes, en vacances ou à la rentrée, en famille ou à un événement pro… l’alcool est de toutes les occasions, bien ancré dans les habitudes. Pourtant certains millennials délaissent binouze, vinasse et cocktails à la mode. Lassitude, santé, introspection personnelle… leurs motivations sont multiples. Les obstacles, eux, se ressemblent : pression sociale et manque d’alternatives festives à l’alcool.
« Tant qu’on n’arrête pas, on ne peut pas se rendre compte d’une éventuelle dépendance »
Guillaume, 27 ans, n’a pas bu d’alcool depuis 8 mois. Au départ, il a voulu se tester sur une période donnée. Tester sa volonté mais aussi sa dépendance à la substance. L’alcool étant omniprésent, « tant qu’on n’arrête pas, on ne peut pas se rendre compte d’une éventuelle dépendance. » Début novembre 2018, il a donc posé son dernier verre. Objectif : un mois sans boire une goutte d’alcool. Un défi qu’il relève sans trop de difficultés. « Ce n’était pas si compliqué, » se souvient-il.
Son mois d’abstinence totale réussi, le jeune directeur artistique a repris le cours normal de ses soirées. En buvant un verre. Ou deux. Ou trois… Le 29 janvier 2019, c’était la fois de trop. « Le lendemain matin, je me suis retrouvé avec une horrible gueule de bois. » Un bon mal de crâne qui ne lui avait pas manqué lors de son test. Et qui l’a même décidé à transformer l’expérience en mode de vie. Convaincu que l’alcool est un véritable poison, Guillaume a donc dit au revoir aux veisalgies pour de bon.
Entre les événements pro et les soirées perso, les occasions sociales où la boisson coule à flots ne manquent pas. Mais rien qui ne semble ébranler la volonté de Guillaume. Lorsqu’on lui demande si c’est socialement difficile de ne pas boire, il hausse les épaules. « Non, pas vraiment. » S’abstenir demande quand même quelques petits ajustements. « Pendant les trois premiers mois, on me demandait pourquoi je ne buvais pas. On s’étonnait. On essayait même de me faire boire. Et puis après, ça passe. » Il rappelle aussi que son choix n’est pas un cas isolé. Parmi ses amis, certains n’ont jamais bu d’alcool. « Et ça n’étonne plus personne qu’ils commandent un cocktail sans alcool. Avec le temps, ça devient pareil pour moi. »
L’abstème n’a cependant pas renoncé pour toujours aux plaisirs des boissons alcoolisées. « Une chose est sûre, je ne commanderai plus jamais ça », dit-il en pointant du doigt une pinte de bière blonde dans un gobelet en plastique sur la table d’à côté. Affranchi de la pression sociale, il choisit désormais la qualité à la quantité. « S’il y a, par exemple, une bière brune très spéciale qui me tente réellement, j’en boirai. Mais c’est hors de question de boire de la bière générique, simplement « parce qu’il faut boire ».
Pour celui qui voulait « déshabituer son corps » à la consommation d’alcool, le pari est réussi et le bilan globalement positif. Il affiche fièrement un poids stabilisé à -4 kilos et « une peau bien plus belle qu’avant. » Sans faire de prosélytisme, il a même converti sa famille à la bière sans alcool. « Au début, ils en achetaient pour me faire plaisir. Maintenant, ils ne boivent plus que ça. »
« Tout le monde dit qu'on n'a pas besoin d'alcool pour s'amuser mais personne ne le fait »
« L'omniprésence de l'alcool m’a toujours un peu gênée. J’ai toujours trouvé bizarre que le fait de ne pas boire soit considéré comme une anomalie » confie Flore, 24 ans, responsable communication dans le milieu associatif. Ce jour-là, elle a commandé une bière mais depuis quelques mois ce n'est plus automatique.
Comme tout le monde, les discours de prévention sur la consommation d'alcool, elle les connaît. Mais elle était néanmoins considérée à une époque comme « une grande buveuse ». C'est en regardant la vidéo d'une de ses Youtubeuses préférées évoquant sa sobriété qu'elle a eu le déclic. Alors que l’influenceuse évoque les recommandations de l'OMS en matière de consommation d'alcool – soit pas plus de 2 unités d'alcool par jour et pas plus de 14 par semaine, Flore évalue son propre usage de la boisson. « Une pinte de bière, c'est deux unités d'alcool. Donc en une seule soirée, je pouvais atteindre mon quota hebdomadaire. »
Une prise de conscience qui l'a forcée à repenser son rapport aux boissons alcoolisées plus globalement. Entre habitude sociale, recherche d'ivresse et enivrement émotionnel, elle juge sa consommation « pas très saine. » Elle ne boit que lors d'occasions sociales, sauf que « c'est 4 ou 5 soirs dans la semaine. »
Depuis, Flore a décidé de limiter sa consommation et d'éviter « les automatismes ». Il n'est donc plus rare de la voir en train de siroter un soft. Mais ça n'a rien d'évident. Et si on lui demande si c'est dur, la réponse est sans appel : « oui, c'est difficile. »
Pour Flore, commander un jus de fruit allait de pair avec la peur « de passer pour quelqu'un qui a un problème avec l'alcool. » Comme Ruby Warrington, l'une des grandes figures du mouvement Sober Curious aux États-Unis, Flore déplore une vision manichéenne des problématiques liées à l'alcool. « Soit on est alcoolique et on a un problème avec l'alcool. Soit on n'est pas alcoolique et tout va bien. » Malgré ses cheveux roses, elle voit plutôt les choses en gris et explique qu'on peut « avoir une mauvaise relation avec l'alcool sans pour autant être alcoolique. »
« Tout le monde dit qu'on n'a pas besoin d'alcool pour s'amuser mais personne ne le fait », constate-t-elle en souriant. Fidèle à sa volonté de limiter sa consommation d'alcool, Flore est même allée danser complètement sobre. Une première depuis les boums du collège. Malgré quelques appréhensions, elle a passé une aussi bonne soirée que si elle avait commandé des cocktails. Et un meilleur lendemain matin, « sans gueule de bois ». Son objectif : augmenter le nombre de ces soirées sans boire d’alcool.
« On passe forcément pour la "relou" de la soirée »
Noémie, 34 ans, n’a pas attendu que la tendance de l’abstinence prenne. Il y a 5 ans, cette cheffe d’entreprise a décidé d’arrêter l’alcool à cause d'une consommation quotidienne avec son compagnon. « Tous les soirs, on ouvrait une bouteille pour boire un verre. Et puis, au bout de quelques temps, on finissait la bouteille. » se remémore-t-elle. Ajoutez à cela l’alcool social et Noémie se retrouve rapidement en surconsommation. À l’époque, elle buvait au minimum deux à trois verres par jour en semaine. Le week-end, « ça pouvait être beaucoup plus. »
Du jour au lendemain, Noémie a pris la décision d’arrêter net. Adieu, petit verre de vin nocturne. Bye bye, pintes de blondes vidées mécaniquement. Au revoir, shots de fin de soirée. Bonjour, pression sociale et manque d’options. « Dans les événements pro, il y a souvent beaucoup de champagne et pas grand-chose d’autre. » déplore-t-elle.
Même après 5 ans, ne pas boire demeure une barrière sociale. Lors de soirées bondées, l’abstinence de Noémie passe inaperçue. C’est en petit comité que ça se gâte et qu’elle passe forcément « pour la "relou" de la soirée. »
Sa décision est radicale. Et Noémie préfère la garder pour elle, car « c’est un choix de consommation personnel, c’est comme manger bio, pas besoin d’en faire un sujet. » Pourtant son abstinence questionne. « Une femme en couple entre 27 et 35 ans qui ne boit pas, on va forcément lui demander si elle est enceinte. » Une question récurrente qui exaspère Noémie. Elle a donc développé une tactique simple pour éviter les regards et les interrogations. En soirée chez des amis, elle se fait servir un verre, qu’elle ne boit pas. « Ça évite pas mal d’incursions dans ma vie privée », confie-t-elle.
L’abstinence n’est pas que dissimulations et sentiment d’exclusion. La cheffe d’entreprise évoque aussi les bons côtés de sa consommation limitée. En tête des bénéfices : la fin des gueules de bois qui « améliore vraiment les week-ends. » De façon plus globale, elle mentionne surtout l’impression « d’avoir beaucoup plus le contrôle de [sa] vie. »
Celle qui a dit adieu à l’ivresse il y a 5 ans note une évolution positive ces derniers temps. Tendance oblige, les substituts de boissons alcoolisées sont de plus en plus accessibles. « On trouve plus de bières sans alcool dans les bars. Pas partout mais ça se développe. Ils sont souvent en rupture de stock, d’ailleurs », raconte-t-elle. Même dans les soirées privées, la fausse bière prend ses marques. Une augmentation de l’offre et surtout de la demande. « Entre les femmes enceintes et ceux qui conduisent, de plus en plus de gens apportent des bières sans alcool », conclut Noémie.
Désormais, il arrive à Noémie de boire un verre de temps en temps, « quand il y a un très bon vin ou un super whisky ». Consommer (beaucoup) moins mais mieux, donc.
POUR ALLER PLUS LOIN
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