
Le greenwashing confine à l’art de la dissimulation et affûte ses stratégies. Tour d'horizon.
Les entreprises sont devenues expertes dans l’art de tromper sur leurs actions écologiques. Des nouvelles stratégies sophistiquées qui nécessitent un nouveau vocabulaire. Le Think Thank Planet Tracker a identifié six nuances de greenwashing à surveiller
Greenhushing : le mutisme imposé ou choisi
Voyez le greenhushing (silence écologique) comme l'inverse du greenwashing ou plutôt comme une conséquence de ce dernier. En effet, si de nombreuses marques se précipitent au balcon pour vanter leurs pratiques eco-friendly et verdir leur image, d'autres, au contraire, font le choix du silence écologique. Plusieurs raisons peuvent expliquer le choix de l'éco-silence. Si pour certaines, il s'agit d'échapper à l’attention d'ONG et d'associations écologistes pour préserver leur image de marque, d'autres, qui agissent en faveur de l’environnement par conviction, se refuseraient à surfer sur la vague de l'opportunisme environnemental. Enfin, il y aurait celles qui, plutôt que de se voir reprocher de ne pas « en faire assez », préfèrent se taire.
Greenshifting : l’inversion de responsabilité
Selon Planet Tracker, le greenshifting vise à « rejeter la faute sur le consommateur » en le rendant responsable en partie des pollutions. Le think tank prend pour exemple la campagne de publicité « Connaissez votre empreinte carbone » de BP qui invitait ses clients à partager leurs engagements en matière de réduction des émissions. Slogan : « La première étape pour réduire vos émissions est de savoir où vous en êtes ». Bonne question, mais où en est BP ? À l’époque, plus de 96 % de ses dépenses annuelles étaient encore consacrées au pétrole et au gaz, selon l’association caritative environnementale ClientEarth.
Shell s'est également fait épingler pour cette pratique. Alors que la firme pétrolière demandait aux internautes ce qu'ils étaient prêts à faire « pour contribuer à réduire leurs émissions de CO2 », la Suédoise Greta Thunberg s'était invitée dans les commentaires. Son message : « Je ne sais pas ce qu'il en est pour vous, mais moi, je suis prête à dénoncer les entreprises de combustibles fossiles qui, en toute connaissance de cause, détruisent les conditions de vies futures pour d'innombrables générations à des fins lucratives, puis tentent de détourner l'attention des gens et d'empêcher un véritable changement systémique par le biais d'interminables campagnes de greenwashing. » La politicienne américaine Alexandria Ocasio-Cortez en avait rajouté une couche : « Je suis prête à vous demander des comptes pour avoir menti sur le changement climatique pendant trente ans, alors que vous saviez secrètement depuis le début que les émissions de combustibles fossiles allaient détruire notre planète. »
Greencrowding : l’art de se cacher dans la masse
Le greencrowding désigne quant à lui « une forme sophistiquée d'écoblanchiment qui consiste à se cacher dans un groupe et se déplacer au rythme de celui qui adopte le plus lentement possible les politiques de développement durable. » Planet Tracker cite l'exemple de l’Alliance To End Plastic Waste (AEPW – Alliance pour mettre fin aux déchets plastiques). Objectif déclaré : « mettre fin aux déchets plastiques dans l'environnement et protéger la planète ». Huit des 20 principaux producteurs de déchets plastiques à usage unique font partie de l’AEPW. On y trouve des géants du pétrole comme ExxonMobil et Shell mais aussi Sealed Air (société d'emballage plastique) où encore PepsiCo. Mais qu’est-ce qui se cache derrière les ambitions affichées ? Des objectifs d'investissement faibles et des cotisations moyennes qui ont chuté de 56 % au cours de ses trois premières années de fonctionnement, révèle Planet Tracker. Spoiler : la majorité des membres de l’Alliance font également partie de l'American Chemistry Council (ACC), l'un des plus puissants lobbys industriels au monde qui se bat, entre autres, pour le maintien des sacs en plastique.
Greenligthing : l’arbre qui cache la forêt
Détourner l’attention des activités néfastes pour l’environnement en communiquant sur des projets écologiques, c'est ce qu'on appelle du greenligthing. Une pratique courante dans l'industrie automobile par exemple, où les constructeurs vantent les mérites de leurs véhicules électriques, qui ne représentent souvent qu'une faible partie de leur production. TotalEnergies, est également adepte de cette tactique. Le groupe qui se présente comme un « acteur majeur de la transition énergétique » communique essentiellement sur ses investissements dans les énergies renouvelables (5 milliards en 2023) pour faire oublier ses investissements fossiles (12 milliards en 2023) et autres projets climaticides.
Greenlabelling : le marketing vert
Emballages écologiques, symboles végétaux, formulations trompeuses… Plus connu, le Greenlabelling (ou étiquetage écologique) consiste à qualifier un produit comme vert ou durable alors qu’il ne l’est pas vraiment. Une stratégie utilisée en 2022 par la marque de lessive Persil pour vanter ses nouveaux barils issus de bouteilles recyclées et sa « nouvelle formule détachante à base de plantes ». Une campagne sanctionnée par l'Advertising Standards Authority (Autorité britannique des normes de publicité) pour qui la marque n'avait pas réussi à apporter la preuve que « le nouveau produit était plus durable que le précédent. »
Greenrinsing : entretenir la confusion
Le Greenrinsing consiste à modifier régulièrement ses objectifs environnementaux (de type ESG-Environmental, Social and Governance) avant qu’ils ne soient atteints. C'est le cas par exemple de Coca-Cola, l'un des plus grands pollueurs plastiques au monde, qui entre 2020 et 2022, a baissé son objectif d’utilisation de matériaux d’emballage recyclés de 50 % à 25 % d’ici 2030. Dans son dernier rapport sur le développement durable, Coca-Cola identifiait 47 risques pouvant conduire au « non-respect des objectifs de développement durable » (marge de manœuvre pour de futurs rétropédalages ? ).
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