
La deuxième plus grande économie du monde pousse son exploration sous la croûte terrestre. Un domaine stratégique pour l'empire du Milieu.
Fin mai, la Chine a inauguré son premier trou de forage destiné à creuser un tunnel à plus de 10 000 mètres (33 tours Eiffel) sous la croûte terrestre. Derrière ce projet, deux objectifs affichés : l'exploration scientifique et l'extraction de minerai et de pétrole.
Un voyage vers l'inconnu terrestre
Le forage a commencé dans le bassin du Tarim (désert du Taklamakan*), situé dans la région autonome ouïghoure du Xinjiang (nord-ouest de la Chine). Il s'agit de percer 10 couches de strates continentales pour s'enfouir dans le système crétacé, une couche de roche stratifiée vieille de 145 millions d'années. Un projet hautement technique : l'équipement devra résister à des températures allant jusqu'à 200 degrés Celsius et à une pression atmosphérique environ 1 300 fois plus élevée qu'à la surface. Selon estimations, le forage devrait durer au moins 450 jours. « La difficulté de construction du projet de forage peut être comparée à un gros camion roulant sur deux câbles d'acier minces », a déclaré à l'agence de presse Xinhua, Sun Jinsheng, scientifique à l'Académie chinoise d'ingénierie. Les scientifiques chinois espèrent que l'exploration améliorera leur compréhension de la géologie profonde de la Terre, et leur permettra de mieux appréhender l'activité sismique et les risques de catastrophes naturelles.
L'extraction de matière première : un enjeu de souveraineté nationale
Outre le potentiel scientifique, l'exploration de la Terre profonde fait partie des domaines stratégiques définis par le président Xi Jinping. En 2021, lors d'un discours devant la communauté scientifique du pays, il l'avait décrit comme l'un des quatre domaines dans lesquels la Chine allait concentrer ses efforts. (Parmi les autres domaines : la mer profonde, « Deep blue » et l'espace lointain). Un projet qui illustre la volonté de la Chine de renforcer sa souveraineté nationale, comme l'avait indiqué en janvier 2023 le ministre chinois des Ressources naturelles, Wang Guanghua. Selon ses déclarations, l'approvisionnement en matières premières (fer, cuivre, nickel, pétrole, gaz naturel...) et en énergie au niveau national devra permettre à la Chine de se sevrer de sa « dépendance étrangère ».
Bien que la Chine possède les quatrièmes réserves de minerai brut au monde, elle a dû depuis 2011 importer près de 80 % de son minerai de fer. En cause : la majeure partie du minerai se trouve dans les profondeurs souterraines (très coûteuse à extraire et à traiter). Un exemple parmi d'autres, puisque la Chine est également le plus grand importateur de cuivre et de nickel. « Par conséquent, nous devons renforcer notre recherche fondamentale dans les sciences de la Terre profonde afin que nous puissions trouver et exploiter les ressources dont notre pays a besoin », avait alors déclaré le ministre. Le raffineur de pétrole public Sinopec est également impliqué dans le projet. L'entreprise aurait développé une technologie capable de forer « à travers le mont Everest souterrain en 100 jours » dans cette région riche en pétrole.
Actuellement, le plus grand forage au monde est le Kola Superdeep Borehole, d'une profondeur de 12 262 mètres. Situé dans l'Oblast en Russie, le trou a permis aux scientifiques de trouver eau et hydrogène. Parmi les autres découvertes scientifiques intéressantes : la présence de fossiles de plancton microscopiques à environ 6 000 mètres sous la surface.
*Le désert du Taklamakan constitue une écorégion terrestre définie par le Fonds mondial pour la nature (WWF), qui s'étend au-delà des limites géographiques du désert, et exclut la zone des forêts décidues et les steppes du bassin du Tarim.
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