
Notre sociabilité serait comme un biceps qu'il faut étirer et fortifier.
Au lieu de manier l'extenseur et la corde à sauter, il s'agit d'empoigner son téléphone pour discuter (pas par texto) et de sortir boire un café.
Social fitness : le néologisme qui en dit long
Dernier né des néologismes américains, le social fitness définit notre « capacité à s'engager dans des relations personnelles et professionnelles productives, à interagir positivement avec différents réseaux, et à utiliser des ressources qui favorisent le bien-être général. Le "social fitness" est comme n'importe quelle autre discipline : plus vous le pratiquez, plus vos relations seront fortes », décrit le site Health.mil. Pour stimuler sa fibre sociale, plusieurs recommandations : développer ses compétences en communication, dédier du temps aux personnes qui comptent et pratiquer des activités permettant de se lier aux autres. Un néologisme qui en dit long sur notre incapacité croissante à former des liens sociaux.
En 1938, des chercheurs de Harvard ont entrepris au travers d'une étude d'envergure de découvrir ce qui rendait les gens heureux. Pour cela, ils ont recruté 724 étudiants dont ils ont décortiqué la vie, des troubles de l'enfance aux premiers amours en passant par les difficultés matérielles. Aujourd'hui, la Harvard Study of Adult Development s'est étendue à trois générations et à plus de 1 300 descendants des sujets d'origine, dont certains ont même cédé leur cerveau à la science. Quatre-vingt-cinq ans après l'initiative des scientifiques, une conclusion très nette émerge : plus que la richesse, le quotient intellectuel ou la classe sociale, ce sont les relations sociales solides qui font le bonheur.
Lutter contre la solitude et l'isolement
Fort de cette conclusion, Bob Waldinger, professeur en psychiatrie au sein de la Harvard Medical School et co-auteur de The Good Life, propose plusieurs pistes pour exercer sa fibre sociale. Parmi elles : rédiger de son vivant l'eulogie d'une personne aimée et la lui partager, se faire des amis au boulot, honorer ses rendez-vous et multiplier les différents groupes avec lesquels interagir (les élèves apprenant comme vous le Wolof, les bénévoles de la SPA, vos camarades de poterie...). Une étude américaine de 2016 stipule en effet que les personnes intégrées à différents cercles sociaux sont plus heureuses que les autres.
Mais tous les moyens sont bons, affirme le psychiatre, qu'il s'agisse de bavarder avec ses voisins de palier ou converser avec la personne assise à côté de vous sur la ligne 5. « C'est toujours un peu étrange lorsque quelqu'un à vos côtés dans le métro ou au restaurant engage une conversation, aussi anodine soit-elle. Je prédis – peut-être s'agit-il d'un vœu pieux – que 2023 changera cela. Plus d'étrangers commenceront à converser entre eux dans les lieux publics à propos de choses anodines ou importantes. Cela nous donnera l'impression d'habiter le monde plutôt que d'avoir l'impression de le traverser chacun de notre côté ; de nouvelles idées seront diffusées et débattues comme si nous étions dans un salon français », décrypte la journaliste Anna Kodé pour The New York Times dans un article prospectiviste. Un pronostic qui serait la bienvenue. En France, 1 Français sur 4 se déclare touché par la solitude et sans aucun cercle social. Un état qui selon Matthieu Chaigne, expert en sciences comportementales et auteur de l'ouvrage La fabrique des solitaires (avril 2022, éditions L'Aube) serait – entre autres – imputable à la prolifération des réseaux sociaux, à la rupture territoriale, au télétravail ou encore à l'extension du domaine de la marchandisation.
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