
Liberté personnelle, féminisme, éco-anxiété... Pour de nombreuses femmes, la maternité n’est plus un passage obligé pour s'épanouir, indique une étude IFOP.
Si la maternité a longtemps été perçue comme un accomplissement de la féminité, un sondage IFOP réalisé pour le magazine Elle révèle que le mot d'ordre serait plutôt désormais : « Je pense à moi d’abord ». Selon l'enquête, 30 % des Françaises de 18 à 49 ans ne veulent pas d'enfants et assument leur choix sans tabou.
Les Françaises expriment leur désir de ne pas « faire famille »
En 2006, la maternité était un idéal pour 98 % des Françaises. Mais ça, c'était avant. Aujourd'hui, 13 % des Françaises âgées de 15 ans et plus (+ 11 points depuis 2006) expriment leur souhait d'une vie sans enfant. Un chiffre qui grimpe à 31 % chez les femmes sans enfant en âge et en capacité de procréer. Un désir de ne pas vouloir « faire famille » qui apparaît, selon François Kraus, directeur du pôle « Genre, sexualités et santé sexuelle » de l’IFOP, comme : « symptomatique de la capacité croissante des Françaises à s’affranchir des injonctions à la parentalité et, plus largement, du modèle liant intrinsèquement féminité et maternité ».

Childfree or not childfree ?
Assumant ainsi leur choix, 30% des femmes en âge de procréer (18-49 ans) et sans enfants déclare ne pas souhaiter « avoir d’enfants, que ce soit maintenant ou plus tard ». Le signe d’un changement culturel majeur dans le rapport des Françaises à la maternité. « Le fait que l’infécondité volontaire ait un tel nombre d’adeptes chez les plus féministes et les plus écologistes tend à montrer que ce choix serait plutôt le fruit d’une vision construite et élaborée de la société, de la planète et des rapports de genre », souligne François Kraus.

Quand féminité ne rime plus avec maternité
Alors que l’équation « féminité = maternité » a longtemps été présentée comme quelque chose d’intangible, elle semble devenue caduque en quelques décennies seulement. Ainsi, une Française sur trois âgée de 15 ans et plus estime que la maternité n’est pas « nécessaire ou souhaitable au bonheur d’une femme », soit trois fois plus qu’il y a une vingtaine d’années (12% en 2000).
François Kraus voit dans cette dissociation croissante du lien entre maternité et féminité, une nouvelle définition du féminin « qui n’intègre pas le principe essentialisant selon lequel on a forcément besoin d’être mère pour être une femme accomplie. « Cette rupture quasi anthropologique, c'est aussi la défaite des préceptes conservateurs et religieux qui ont toujours essayé de reléguer la femme à son rôle de procréatrice en charge de la sphère domestique. »

Quand maternité ne rime plus avec conjugalité
Autre révélation du sondage, le couple n'est plus considéré comme un préalable indispensable pour avoir un enfant. Ainsi, près d’une Française sur deux déclare qu’elle pourrait se lancer seule dans l’aventure en étant célibataire. Des chiffres qui confirment ceux de l’Agence de la biomédecine qui indiquait qu’un an après l’ouverture de la PMA pour toutes, les femmes célibataires avaient été plus nombreuses que les couples de femmes à avoir eu recours à cette technique. Une dissociation entre projet maternel et projet matrimonial qui selon François Kraus est le signe « d’une révolution sociétale qui permet une autonomie totale de la femme par rapport à l’homme ».

La maternité perçue comme un frein à l’épanouissement personnel
Interrogées sur les motifs de leur non-désir d’enfants, les femmes évoquent principalement la volonté de vouloir rester indépendantes et maîtresses de leur destin. Deux motifs jusque-là plutôt associés à la gent masculine… Autres raisons évoquées : les différentes crises qui touchent le monde. 39 % des femmes évoquent les risques liés au climat, 37 % les crises politiques et sociales et 35 % la crainte de surpopulation.

Pour Francois Kraus : « Cette enquête montre que les motifs d’ordre politique (éco-anxiété, féminisme, insécurité…) arrivent loin derrière des logiques beaucoup plus individualistes. Comme pour tous ces hommes qui retardent l’échéance de la paternité, on semble être avant tout dans le "Je pense à moi d’abord". Pour une gent féminine française qui se distingue par des degrés élevés de sécularisation, d’activité professionnelle et de conscience féministe, le choix de l’infécondité volontaire semble donc exprimer un rejet de la "charge maternelle" associée généralement à la naissance d’un enfant. Pour les natalistes de tout poil qui s’en inquiéteraient, il sera donc difficile de ne pas voir dans l’inégale répartition des tâches parentales une des causes structurelles de cette infécondité volontaire croissante des Françaises. »
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