
Génération « fourre-tout », les millennials font encore l’objet de fantasmes et de projections hasardeuses. Pourtant, les 18/34 ans refuseraient de se définir. Ok, Boomer ? Mais que cache cette lapidaire (et lacunaire) formule ?
Que nous dit le lancement, très attendu, de LeLive de Webedia, qui se positionne comme la Web TV de référence des 15/34 ans ? Créer une télé pour cette tranche d’âge, mission impossible ? En tout cas, s’adresser à cette cible, qui n'est souvent prête à aucune concession en termes de sincérité et de spontanéité, ne s’improvise pas. C’est d’ailleurs le quotidien de Claire Sassonia (Groupe Cerise) et Julien Chavanes (NEON) qui parlent tous les jours à une génération aussi hétérogène que complexe.
Une population sous pression
« Surtout il fallait, coûte que coûte, revenir à cette réalité de l'enfance, réalité grave, héroïque, mystérieuse, que d'humbles détails alimentent et dont l'interrogatoire des grandes personnes dérange brutalement la féérie. », écrivait Jean Cocteau dans ses Enfants Terribles, il y a plus d’un siècle. Les 18/34 ans, sont-ils ces nouveaux enfants terribles à la recherche de féérie ? Comment peut-il en être autrement face à notre époque qui les regarde et qui les somme de trouver les réponses à tous nos maux et défis contemporains ? Comment peut-il en être autrement quand on leur donne la responsabilité de renverser l’insoutenable ?
Anxieuse, cette tranche d’âge l’est tout autant, voire plus, que le reste de la société. Saviez-vous qu’ils sont plus de la moitié à se dire convaincus qu’une attaque nucléaire aura lieu dans les 10 prochaines années ? De quoi rendre nos millennials nostalgiques d’une époque qu’ils n’ont pas connue ? C’est la thèse de Jean-Laurent Cassely, l’auteur de No Fake, Contre-histoire de notre quête d’authenticité, qui évoque « un hommage de la génération millennial à la France de Jean Gabin et de Jean-Pierre Marielle, celle des Trente glorieuses, des petits troquets, de la Nationale 7 ou du Formica, une période qui nous paraît aujourd'hui tout à la fois vintage et profondément tournée vers l’avenir. »
Anxieux, nostalgiques, privés de certitudes et de repères, ils font voler en éclats toutes nos normes et nos codes : « C’est une génération qui refuse de se définir et qui est traversée par des interrogations. Elle est dans une quête identitaire et ça la définit presque. J’ai l’impression qu’il y a plein d’étiquettes qu’elle rejette et c’est peut-être sa marque de fabrique », explique Julien Chavanes, rédacteur en chef de NEON.
…et qui s’engage !
Égoïste, fainéante, individualiste, cruelle, égocentrique, la génération millennial ? Vraiment ? « Il y a une partie de cette génération qui est très engagée et parfois révoltée, notamment autour des questions de genre et de féminisme », tempère Julien Chavanes. Même constat chez le groupe Cerise qui a changé sa façon de travailler ses sujets et qui désormais s’appuie sur les influenceurs pour répondre à cette soif inextinguible d’engagements. « On travaille beaucoup plus, depuis un an, avec des influenceurs qui vont porter nos sujets d’engagement et qui vont être des ambassadeurs et prendre la parole sur des sujets comme le cyberharcèlement ou le bodypositivisme, c’est quelque chose de nouveau », confirme Claire Sassonia, la directrice générale déléguée des médias Oh! My Mag et Gentside.
Aussi, la récente critique des bullshit jobs et le besoin qui se fait de plus en plus urgent d’avoir un emploi qui correspond à leurs valeurs grandissent les rangs des Paumé.e.s. Vous savez, ces jeunes qui disent non au CDI et à la vie bien rangée qui va avec ? Il faut lire les récits de cette communauté d’entraide et d’échange pour saisir à quel point ils et elles sont nombreux à étouffer de nos schémas de vie hérités du XXème siècle…
Ici, tout, et tout de suite !
Difficile d’évoquer les 18/34 ans sans parler de leur relation à la temporalité. Ce sont des digital natives, ils sont ultra-connectés, lit-on régulièrement. Et pourtant, ils s’adonnent encore volontiers à la lecture et prêtent de plus en plus souvent leurs oreilles aux podcasts. « Nos utilisateurs ne sont pas que dans une consommation frénétique de contenus, d’actualités et de buzz, il y a des moments où ils veulent se poser sur un sujet. Donc on va avoir des formats plus longs, des témoignages et des analyses », explique Claire Sassonia. Les millennials ne seraient donc pas uniquement avides de snack content ? « Les lecteurs, eux aussi, sont pris "à la gorge" par cette hystérie de l’information et par ce flux permanent de news. Le podcast permet de créer des petites bulles où on s’arrête. C’est quelque chose qu’on a envie de tester et d’arpenter. Proposer du reportage, du documentaire audio, on réfléchit à tout ça », répond Julien Chavanes.
Les petites bulles où l’on s’arrête, c’est aussi la spécialité de Netflix qui demeure la marque préférée de cette population. C’est que la plateforme a tout misé sur sa proximité avec ses audiences, des contenus sur-mesure et de l’accessibilité. « On est là pour accompagner, pour expliquer et libérer la parole. Ça c’est une culture qu’on insuffle aux équipes, c’est un travail au quotidien. C’est comme si on parlait à nos amis, c’est vraiment une guideline dans nos rédactions », développe Claire Sassonia. Parler à ses audiences comme à un ami ? Une chose est sûre, si la génération des millennials n’a pas envie de se définir, elle veut rompre aussi avec tout paternalisme. « Typiquement, sur Oh ! My Mag, nos équipes savent qu’elles doivent être dans la bienveillance et jamais dans le jugement et l’injonction. On n’est pas là pour dire ce qu’il faut faire ou ne pas faire, et ça c’est un peu ce qu’a fait la presse féminine traditionnelle pendant des années. Dire que la tendance c’est ça, ce n’est pas du tout notre approche », précise-t-elle.
Et pour aller plus loin dans cette mission et offrir son expertise sur les 18/34 ans, Prisma Media Solutions lance Jüngster, une cellule de brand content s’appuyant sur le savoir-faire et la caution de ses marques pour permettre aux annonceurs de communiquer efficacement avec cette cible. Autrement dit le trait d’union entre marques médias et annonceurs.
Demain, au lieu de leur retourner un tentant « Ok, millennials », pourquoi ne pas plutôt faire confiance à la continuité qui lie toutes nos générations ? Parce qu’au fond de chacun de nous sommeille sans doute un enfant terrible en quête de féérie…
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