un homme devant un écran noir sur lequel il est écrit The future is private

Facebook F8 : après trois ans de scandales, l'empire contre-attaque

© FLDphotos via Getty Image

Lors de la conférence annuelle F8, Mark Zuckerberg a annoncé de grands changements pour Facebook. Pour tourner la page des scandales à répétition et mieux s’adapter aux nouveaux usages, le réseau social va passer d’une « place de village » à un « salon numérique ». Explications.

« The future is private »

« From town square to living room »

« Becoming a Privacy-Focused social platform »

Voici les 3 phrases chocs auxquelles Mark Zuckerberg avait déjà préparé son audience et qui ont été abordées lors du dernier F8, la conférence annuelle de Facebook à destination des développeurs, start-up et entrepreneurs tenue les 30 avril et 1er mai à San José en Californie.

Pourquoi cette volonté d’aller vers plus de respect de la vie privée et de l’intimité de ses utilisateurs ? Bien sûr, le scandale Cambridge Analytica est toujours présent dans les esprits et le fondateur de Facebook continue de vouloir y répondre. Mais sa motivation s’applique surtout à retrouver la confiance de ses utilisateurs actuels et futurs. Comme le dit si bien le patron de Facebook, « la notion de privacy nous donne la liberté d’être nous-même ». Comprenez ici : les utilisateurs doivent se sentir à l’aise pour poster et consommer du contenu et donc donner de la valeur au réseau.

Vers un réseau à double vitesse

On connaissait bien la « Digital Town Square » ou « place du village numérique ». Il s’agit du Facebook classique, ouvert et incitant au partage public. C’est sur lui que les annonceurs communiquent et ciblent leurs audiences. Ce modèle était synthétisé par le slogan « making the world more open and connected ». Le Facebook de demain est plus centré sur les conversations en plus petits groupes. Ces dernières se feront via des communications privées sécurisées auxquelles même Facebook n’aura pas accès. Il s’agit du Living Room (le salon) qui porte les nouvelles valeurs du réseau : « bring the world closer together », annoncé il y a deux ans maintenant.

Cette évolution de la Digital Town Square au Digital Living Room, portée par Zuckerberg, a été de nombreuses fois reprise par l’ensemble des speakers lors du F8 et donne un nouveau souffle au réseau social, devenu au fil des années davantage un média social qu’un réseau social. En effet, nous sommes passés d’une plateforme sur laquelle nous consommions le contenu partagé par nos amis à une plateforme sur laquelle nous consommons le contenu que nos amis consomment... et qui est le plus souvent poussé par des médias et annonceurs.

Cette déclaration marque ainsi le retour des communautés au sens premier du terme, ou encore des tribus : la tribu familiale, la tribu amicale ou encore la tribu à laquelle chacun peut appartenir par passion, par intérêt ou par statut.

Rendre les groupes aussi centraux que les amis

“Make communities as central as friends”, c’est la promesse de la nouvelle identité et du nouveau design de l’application Facebook, nommée FB5 car étant la cinquième itération majeure depuis la création du service.

Hier, nous allions sur Facebook pour nous connecter avec les personnes que nous connaissions, les amis que nous cotoyions au quotidien et ceux que l’on avait perdus de vue. Aujourd’hui, lorsqu’on se rend sur Facebook, c’est aussi pour se connecter à des personnes que l’on ne connaît pas mais qui partagent nos intérêts… ce sont nos tribus !

Et bientôt, nous nous connecterons également à Facebook pour trouver notre âme sœur… Enfin, pas encore en France pour le moment, où le service Facebook Dating n’a pas encore de date officielle de lancement.

Quelle place pour les annonceurs au sein des groupes ?

Bien sûr, les groupes ont de la valeur pour leurs 400 millions de membres présents aujourd’hui sur Facebook. Ils peuvent aussi en avoir pour les annonceurs s’ils sont utilisés intelligemment et de manière authentique. Lors du F8, plusieurs exemples de groupes ont été présentés lors de la session dédiée au sujet. On retiendra Airbnb avec sa communauté d’hôtes, Adidas et ses communautés de runners ou encore Conde Nast et le groupe WWT (Women Who Travel).

Le groupe WWT obtient ainsi trois fois plus d’engagement que la page principale de la marque, avec une croissance de 154% par an. Plusieurs avantages peuvent être relevés derrière cette animation de groupe : la création d’une communauté d’ambassadeurs réellement engagés et le sourcing de contenus authentiques et ré-utilisables en animation pour la marque sur ses autres canaux et pages officielles.

Facebook avait anticipé cet usage et cette nouvelle importance donnée aux groupes dans son application, en les outillant avec des solutions pertinentes pour les annonceurs. L’objectif est ainsi de leur permettre de mieux connaître les insights de leurs groupes et les performances des contenus partagés au sein du groupe via le Facebook Pixel for Groups.

Vers une famille d’applications communautaires ?

Sur les 400 millions de membres de groupes présents sur Facebook, 100 millions de membres figurent dans, environ, 340K groupes de gaming. Les gamers forment ainsi la première communauté sur Facebook ! Pour répondre à cette communauté et manger des parts de marché à Twitch et aux serveurs Discord, Facebook a mis en place trois nouveautés. On trouve un onglet dédié à la découverte de jeu dans son service, une homepage web et, d’ici la fin de l’année, une application brandée Facebook Gaming, aujourd’hui déjà disponible aux Philippines.

Après avoir noté que ses utilisateurs consommaient les streams de jeux sur des durées courtes et en zappant régulièrement, Facebook travaille ainsi sur le fait de rendre les contenus gaming encore plus snackables. Une autre évolution reposant sur un usage identifié est le développement d’un chat en ligne dédié pour les groupes de gaming afin de faciliter l’interaction en temps réel entre les membres. Enfin, dans le but de libérer parfois la parole, Facebook va proposer la possibilité de demander à l'administrateur de poser une question au groupe en son nom de manière anonyme.

Et demain ? Verrons-nous Facebook développer autant d’applications que de communautés engagées ? Analyser les groupes les plus actifs et les plus volumineux pour ensuite leur proposer une expérience spécifique, enrichie et personnalisée pourrait être une stratégie intéressante. Les gamers servent-ils de test et verrons-nous prochainement des applications appliquées à d’autres communautés, telles que Facebook Sports, Facebook Music ou encore Facebook Travel ?

Des changements pour le business model de Facebook

98% des revenus de Facebook sont générés par les annonceurs via de l’achat média ciblé. Ainsi, la question de l’évolution du business model liée à ce pivot vers plus de messageries privées, aujourd’hui sous-exploitées en termes de diffusion média, se pose.

Une annonce n’est pas passée inaperçue et peut être un début de réponse : il s’agit de la centralisation des messageries privées Whatsapp, Messenger et Instagram direct, permettant à un utilisateur Whatsapp d’échanger directement avec un utilisateur Messenger ou Instagram. Pour rendre cette nécessité de rapprochement évidente à nos yeux, Facebook prend exemple sur des opérateurs telecom et nous fait remarquer, à juste titre, qu’il serait impensable aujourd’hui qu’un client Orange ne puisse envoyer de message à un client SFR. Cette interopérabilité permettra probablement à Facebook d’améliorer ses capacités de ciblage et la pertinence des outils publicitaires offerts à ses annonceurs.

Et la monnaie virtuelle, dans tout ça ? Avec bientôt la possibilité d’envoyer de l’argent à ses contacts sur Whatsapp, le fait de pouvoir acheter directement des produits via Instagram Checkout et la mise en avant du service Marketplace directement dans son application mère, Facebook multiplie les occasions d’avoir recours à un paiement en ligne et ouvre la voie au lancement de sa future monnaie, les Facebook Coins.

Une app, un usage

De manière générale, nous pouvons noter une vraie volonté de la part de Facebook d'angler et de spécialiser chaque plateforme autour des usages qui y sont développés :  

  • Facebook : pour se connecter à ses communautés en s’appuyant sur le développement et la découverte des groupes qui sont aujourd'hui des lieux à fort engagement sur la plateforme
  • Instagram : pour faciliter l’expression en utilisant les nouveaux modes de créations basés sur les stickers et la réalité augmentée
  • Messenger : pour se connecter aux personnes dont on est le plus proche, en utilisant les fonctionnalités de vidéos calls enrichis via le nouveau device Portal by Facebook par exemple

Face à ces défis, Facebook semble s’orienter vers le modèle chinois d’application tout-en-un et ainsi fournir une réponse à chaque besoin de ses utilisateurs pour les garder dans son écosystème. Les marchés européens et américains sont-ils prêts à faire confiance à un acteur unique proposant un service tout-en-un ?

 

 

Une tribune signée par : Benjamin Naïm (@benjaminnaim), Directeur Général Délégué d’Insign, présent à la conférence F8 s’étant tenue les 30 avril et 1er mai 2019 à San José, Californie. 

 

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