Un casque répété sur un fond rose

Comment les « mèmes audio » ont envahi TikTok et Twitch

Les extraits audio sont devenus aussi viraux que les mèmes visuels, et des entreprises en profitent. 

« Oh no Oh no Oh no no no », si vous passez du temps sur TikTok, cet air plaintif vous est certainement resté dans le crâne quelques jours. Ou alors était-ce peut-être ce court extrait de Running up that Hill de Kate Bush également repris dans une foultitude de vidéos ? La plateforme a le chic pour rendre virale des sons

« Une monnaie culturelle plus forte que l’image »

Dans son récent rapport Digital Content, plongée dans le futur des contenus, Marie Dollé, Benoît Zante et Quentin Franque qualifient la tendance d’« audio virale ». Cette nouvelle ère du mème audio est qualifiée par le New York Times d’« une époque où les unités sonores reproductibles sont une monnaie culturelle aussi forte, sinon plus, que les images et le texte ». 

Le quotidien illustre son sujet avec une vidéo particulièrement symptomatique. Elle a été postée sur TikTok par le créateur Chris Gleason en mars 2020. On le voit en dialogue avec lui-même. « Moi débattant avec moi-même, me demandant si je dois créer un faux compte juste pour poster des commentaires sous mes vidéos », écrit-il en légende. Ses deux « moi » s’échangent quelques mots façon télé réalité sur fond de musique inquiétante :  Nobody’s gonna know / They’re gonna know / how would they know ?  (Personne ne saura/ils sauront/comment le sauraient-ils ? » .  La vidéo a été vue 1,4 million de fois, mais en réalité sa portée est bien plus importante, puisque la phrase Nobody knows, how would they know? et son intonation auraient été utilisées dans au moins 335 000 autres vidéos. Des créateurs ont repris ce son pour illustrer une petite saynète, faire du lypsinc (doublage)... L’actrice Shay Mitchell s’en est notamment servie pour annoncer sa grossesse (3,4 millions de vues). Un restaurant l’utilise pour faire une démonstration de découpe de pizza (8,1 millions de vues). 

@eucharistina

me debating myself on whether or not i should make a fake account just to post comments on my videos #comedy #reality #kuwtk #drama #fyp #foryou

♬ how would they know bad girls club - Chris Gleason

Le son est suffisamment générique pour s’appliquer à de nombreuses situations, il est court et l’effet est à la fois dramatique et comique. Du pain béni pour TikTok. « La voix de Gleason, plus que Gleason lui-même, est la star : sur la section commentaires de la vidéo originale, des personnes expriment leur surprise d'avoir enfin trouvé la source après avoir remonté le fil. (...) Des millions de personnes connaissent la voix de Chris Gleason mais n'ont aucune idée de son apparence », écrit le New York Times.

Comcrete, concrete ? 

Un mème audio peut aussi se résumer à un mot répété plusieurs fois avec un accent ou une intonation un peu étrange. Comme ici le mot « concrete » (béton en anglais).  

Créer son propre mème visuel à partir d’un modèle n’est pas très chronophage, mais il faut malgré tout utiliser un outil de retouche photo, ajouter du texte à la main. Ici, la reproduction de mème audio se fait de manière instantanée en quelques clics, et surtout sans jamais sortir de l’application TikTok. 

Des bibliothèques de sons prêts à l’emploi 

Le phénomène est très prégnant sur TikTok. Mais il existe ailleurs. Sur Twitch, les streamers usent et abusent de petits effets sonores. On entend régulièrement le « Woww » version animé japonais, un cri façon film d’horreur ou encore « FBI Opens Up ». Parfois, le son est lancé lorsqu’un utilisateur « offre un sub », c’est-à-dire fait un don au streamer. 

@blerp

our discord is always full of iconic moments like these! #blerp #discord #discordmemes

♬ Unholy - Sam Smith & Kim Petras

Des entreprises ont fait de la tendance leur beurre. Marie Dollé cite deux d’entre elles : Voicy, qui s’autoqualifie de Gyphy de l’audio, et Blerp. On trouve sur ces plateformes des bibliothèques de sons, prêts à l’emploi, que les créateurs de contenus peuvent réutiliser. Blerp propose une extension aux streamers de Twitch et de YouTube. Celle-ci permet aux abonnés de lancer des sons pendant les lives, parfois moyennant quelques euros. Et Blerp prend une commission sur la transaction.

                                 

Marine Protais

À la rubrique "Tech à suivre" de L'ADN depuis 2019. J'écris sur notre rapport ambigu au numérique, les bizarreries produites par les intelligences artificielles et les biotechnologies.
commentaires

Participer à la conversation

Laisser un commentaire