Mark Zuckerberg

Facebook Files : pourquoi ce nouveau scandale Facebook est différent des autres

Un scandale ? Facebook en a vu d’autres et il se porte plutôt bien, merci pour lui. Oui, mais le contexte et la nature de celui-ci sont inédits et pourraient changer la donne, analyse la presse américaine. 

Parce que Facebook est plus faible que jamais

Les documents internes partagés par l’ex-salariée Frances Haugen (et complétés par les enquêtes du Wall Street Journal) montrent que Facebook sait tout ce que ses plateformes provoquent – discours haineux, polarisation du débat politique, impact sur la santé mentale – sans rien y faire. Mais pour le New York Times, les Facebook Files témoignent aussi d'une entreprise plus affaiblie qu’on ne le pense. Facebook est en danger, affirme Kevin Roose, journaliste du quotidien new-yorkais.

Il ne s’agit pas vraiment d’un danger législatif ni financier (pour le moment en tout cas), mais d’un lent déclin. « Le type de déclin que n’importe quelle personne ayant regardé de près une entreprise mourir peut reconnaître. » Il y a certains signes qui ne trompent pas : usure des salariés talentueux, direction de plus en plus paranoïaque, pivots successifs… 

La principale cause du déclin de Facebook ? L’importante baisse du nombre de jeunes utilisateurs. Des recherches internes montrent que l’utilisation journalière de Facebook déclinera de 45 % d’ici à 2023. Même Instagram, qui jusqu’ici rattrapait le vieillissement de Facebook, commence à faiblir. Le réseau social perd des parts de marché face à la montée de TikTok. Or les jeunes utilisateurs, souvent précurseurs de tendances, sont particulièrement ciblés par les annonceurs, et sont donc les plus intéressants pour Facebook. Pour Kevin Roose, les tentatives désespérées de cibler les pré-ados (le projet avorté d'un Instagram for kids) n’est pas le signe d’un réseau social puissant, mais celui d’une entreprise en perte de pertinence. 

En parallèle, Facebook se développe activement dans les pays en développement, alors que la régulation des contenus y est bien moins importante – un autre point soulevé par les Facebook Files. Pas forcément un combo très heureux donc. 

Une bonne nouvelle pour les détracteurs de la firme ? Pas forcément. Le New York Times rappelle que la fin d’un réseau social est rarement agréable à regarder. « L’histoire que raconte ces documents est assez claire et ce n’est pas une jolie histoire. Les jeunes utilisateurs de Facebook fuient la plateforme pour TikTok et Snapchat, et les plus vieux postent des mèmes anti-vaccins et se disputent au sujet de la politique. » (...) « Les prochaines années de Facebook pourraient être pires que les précédentes, surtout si l’entreprise décide de réduire ses efforts de recherche interne et d'intégrité à la suite des fuites. »

Parce que Facebook aura du mal à se défiler devant les autorités

Pendant ces quatre dernières années de scandales réguliers, Facebook s’en est toujours sorti en ne racontant pas toute la vérité aux autorités gouvernementales et à ses investisseurs. C’est d’ailleurs ce que vont tenter de prouver les avocats de Frances Haugen auprès de la SEC. Mais cette fois, les documents parlent d’eux-mêmes et ils viennent de l'intérieur (et en très grande quantité), analyse Recode (Vox). En avril, une autre lanceuse d'alerte Sophie Zhang avait accusé Facebook de servir à la manipulation politique, documents internes à l'appui, mais n'avait pas porté plainte.

Sur le cas d’Instagram et de son effet sur la santé mentale des jeunes filles, Facebook a tenté de discréditer ses propres chercheurs, qualifiant de sensationnaliste et de limitée leur propre étude. Mais cette stratégie paraît délicate à tenir sur le long terme, et sur plus de 10 000 pages de documents. Certains chercheurs de l’entreprise se sont d’ailleurs dits embarrassés par cette posture. 

« Le fait que l'entreprise conteste les principales conclusions des recherches de ses salariés montre à quel point les rapports issus des documents du lanceur d'alerte sont préjudiciables et à quel point l'entreprise s'apprête à changer son récit », explique Vox.

Parce que Mark Zuckerberg ne s’excuse pas

La réaction de Facebook aux accusations est elle-même assez différente de ce qu’on a pu voir auparavant. Mark Zuckerberg n’est plus désolé. Lui qui nous avait habitués à de longues excuses développées sur sa page Facebook ou devant le Congrès, suivies de reconnaissance de responsabilité et de promesses de changement, a changé sa tactique. Depuis les révélations des Facebook Files, Facebook est agressif et défiant, explique le Washington Post. Et notons que le patron de Facebook n'a pour le moment pas répondu directement aux accusations, laissant l'honneur à d'autres cadres de l'entreprise.

Les porte-paroles de l’entreprise – dont le vice-président Nick Clegg – ont tenté de discréditer les propos de la lanceuse d’alerte, et ceux des chercheurs de Facebook. Le signe que la situation leur échappe ?

Marine Protais

À la rubrique "Tech à suivre" de L'ADN depuis 2019. J'écris sur notre rapport ambigu au numérique, les bizarreries produites par les intelligences artificielles et les biotechnologies.
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