Un téléphone vintage sur fond de drapeau russe

« Rejeter la Russie 20 ans en arrière » … Mykhailo Fedorov détaille la cyberguerre selon l’Ukraine

Au Paris Cyber Summit, Mykhailo Fedorov, vice-Premier ministre ukrainien en charge du numérique, a détaillé la stratégie de l’Ukraine en matière de cyberguerre. Elle ne se résumerait pas aux cyberattaques. 

Parmi les cyberattaques notables : la désorganisation de la vente d’alcool

On peut comprendre. Kiev préfère rester discrète sur les cyberattaques qu’elle mène contre la Russie. « Nous pourrons parler de nos plus grandes actions après la guerre, cela serait contre-productif de le faire maintenant », a précisé le vice-Premier ministre ukrainien, Mykhailo Fedorov lors d'une conférence de presse virtuelle organisée à l'occasion du Paris Cyber Summit ce 11 mai 2022. Il a tout de même avancé que « 80 systèmes russes » ont été « endommagés » depuis le début de la guerre. On notera trois belles prises : RuTube (la version YouTube russe, hors service depuis le 9 mai), le site du FSB et celui du Kremlin. Le ministre a par ailleurs souligné l’une des victoires de Kiev en matière de cyberattaque : l'attaque contre le système russe d’accise (taxation) de certains produits qui a permis de « désorganiser la vente d’alcool ». « Nous avons estimé que les gens avaient besoin d’être sobres pour écouter la propagande russe », a-t-il plaisanté. 

Ces attaques sont en partie menées par l’IT Army ukrainienne, un groupe de centaines de milliers de volontaires d’un peu partout dans le monde, que Mykhailo Fedorov a mobilisé dès le mois de mars. Le ministre n’a pas souhaité dévoiler la manière dont les cibles de cette armée volontaire sont fixées, ni ses relations précises avec l’État ukrainien. 

Organiser un blocus numérique pour « rejeter la Russie 20 ans en arrière »

Un autre axe important de la cyberguerre selon Mykhailo Fedorov est de couper la Russie des technologies occidentales qu’elle a l’habitude d’utiliser. « Nous incitons les sociétés numériques à ne plus travailler avec la Russie. Cela rejette le pays 20, voire 30 ans en arrière », a-t-il déclaré. « Des spécialistes de l’IT sont déjà en train de quitter le pays. » Plusieurs entreprises, dont Mastercard, Visa et Paypal, ont effectivement décidé de quitter la Russie. Mais certaines applications comme WhatsApp continuent d’être utilisées normalement dans le pays de Vladimir Poutine. Mykhailo Fedorov a renouvelé son souhait de les voir quitter le pays. Le ministre ukrainien a par ailleurs profité du forum parisien pour inciter les entreprises tech françaises à cesser leurs activités en Russie. Il dit être en discussion avec certaines d’entre elles, sans vouloir les nommer. 

Permettre aux citoyens de collecter des informations sur les troupes russes via une appli 

Pour Mykhailo Fedorov, la cyberguerre s’inscrit dans une stratégie plus large de transformation numérique du gouvernement entreprise dès 2019, date de l’arrivée de Volodymyr Zelensky au pouvoir. Le ministre ukrainien a notamment mis en avant Diia, une application qui permet aux Ukrainiens d’accéder à divers services administratifs, et qui collecte par ailleurs des données sur la population. Elle est utilisée par 17 millions de personnes. Diia sert désormais à divers services nécessaires en temps de guerre. 

« Nous avons mis au point un service qui permet aux personnes dans les zones de combats d’obtenir les aides de l'État auxquelles elles ont droit. Le système géolocalise la personne, à partir de là elle peut recevoir automatiquement son virement ». Diia permet également aux citoyens ukrainiens de déclarer les dommages causés par la guerre ; ce service aurait déjà été utilisé par 500 000 personnes. Mykhailo Fedorov a par ailleurs cité un chatbot qui permet de mettre en place un service de renseignement crowdsourcé. Chaque citoyen peut se géolocaliser grâce à ce chatbot, et fournir des informations sur les troupes ennemies. De quoi compléter les images satellites, a-t-il précisé. 

Marine Protais

À la rubrique "Tech à suivre" de L'ADN depuis 2019. J'écris sur notre rapport ambigu au numérique, les bizarreries produites par les intelligences artificielles et les biotechnologies.
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