Un jeune homme l'ai choqué en gros plan

Atlas du Numérique : 5 chiffres contre-intuitifs sur nos vies en ligne

Atlas du Numérique (Sciences Po Les Presses) à paraître le 27 octobre fait un état des lieux des différentes facettes de nos vies numérisées. Un livre qui permet notamment de dépasser certains mythes tenaces liés à Internet.  

Les algorithmes nous privent de libre arbitre, les réseaux sociaux sont venus à bout de la vie privée, tout le monde peut participer au grand village global qu’est le web... Les visions caricaturales du web négatives comme positives perdurent. Dans Atlas du Numérique, les auteurs proposent une analyse empirique du numérique et de ses effets sous forme de cartes, graphiques et explications. Un livre fourmillant d'informations, qui permet entre autres de dépasser certains mythes tenaces sur le numérique. Voici 5 chiffres qui en sont extraits. 

Les fake news ne sont partagées que par une extrême minorité 

0,01 % des utilisateurs Twitter en France relaient des fake news. Souvent ils ont le même profil : une identité masquée sous pseudonyme, un nombre de tweets par jour élevé, ils partagent des informations partisanes et expriment des avis négatifs. Ils sont aussi souvent aux extrêmes de l’échiquier politique, notamment à l’extrême droite. Le partage de fake news serait donc surtout lié à des motivations politiques, plus qu’une absence d’esprit critique. 

Source : d’après les travaux de recherche de Manon Berriche qui réalise actuellement une thèse de sociologie sous la direction de Dominique Cardon et de Sophie Pène à l'École d'Affaires Publiques de Sciences Po.

Les algorithmes de recommandation ne jouent pas un rôle si déterminant dans notre écoute de la musique 

Selon une étude menée sur 8 600 utilisateurs Deezer, seule une minorité (989) a une écoute plutôt algorithmique. La majorité a un profil plus "organique", c'est-à-dire qu'elle écoute des titres sans se fier aux recommandations algorithmiques, ni aux recommandations éditoriales (les playlists élaborées par les éditeurs de la plateforme). Selon les chercheurs, les écoutes algorithmiques correspondent à des contextes d’écoute particuliers : travaux ménagers, activités sportives, situations exigeant de la concentration… Par ailleurs, malgré l’ampleur du catalogue des plateformes de streaming, ce sont 100 artistes qui trustent la très grande majorité des écoutes. 

Source : Manuel Moussallam, Deezer Researcg / Quentin Villermet et al. “Follow the Guide : Disentangling Human and Algorithmic Curation in Online Music Concumption”, 2021

En Asie et en Afrique, une minorité de personnes accèdent à Internet 

Seuls 45 % des habitants d’Asie et 29 % de ceux d’Afrique avaient accès à internet en 2020. La couverture internet s’est considérablement accélérée dans les années 2010, en particulier en Afrique, mais il reste d'importantes différences d’un pays à l’autre. Cela s’explique par le manque d’équipement et des tarifications très variables. En République centrafricaine, 2GB de données mobiles représentaient en 2021 41 % du revenu national brut mensuel par habitant, contre 0,6 % en France. 

Source : ITU, ICT Price Baskets, 2021 

La vaste majorité des mouvements sociaux nés sur le web échouent à se faire connaître

Black Lives Matter, Me Too, les Gilets Jaunes… Il faudrait être malhonnête pour dire que le numérique ne permet pas d’organiser des luttes sociales massives en facilitant le travail d’organisation et de communication des militants. Toutefois, les auteurs d'Atlas du Numérique rappellent que la plupart échouent à trouver un public. Au Royaume-Uni, 94 % de toutes les pétitions déposées sur la plateforme nationale ne récoltent pas plus de 500 signatures. C’est une règle par ailleurs vraie pour l’ensemble du web : ce sont toujours une minorité d’acteurs qui captent la majorité de l’attention. 

Il y a plus d’influenceurs populaires que d’influenceuses populaires françaises sur Instagram

Le déséquilibre entre hommes et femmes se maintient sur le web, voire s’amplifie, note les auteurs. Sur toutes plateformes confondues, la part des femmes créatrices de contenu est moins importante que celle des hommes dans le top 50 des chaînes les plus suivies de France. Y compris sur Instagram, où elles sont les plus nombreuses. On compte 40 % de femmes créatrices de contenu. Et les 3 premiers comptes qui ont le plus d’abonnés sont tenus par des hommes ou par des équipes mixtes. YouTube est la plateforme la plus inégalitaire. En France, les femmes ne composent que 8% du top 50 des vidéastes, et elles se limitent à certaines thématiques : lifestyle, alors que les hommes s’investissent dans une plus grande diversité de sujets.  

Sources : compilation des données et base de données (19 000 chaînes YouTube) élaborée par Emma Gauthier (LISIS, Université Gustave Eiffel). 

Pour creuser ces sujets et en explorer bien d’autres : Atlas du Numérique, sous la direction de Dominique Cardon, Sylvain Parasie et Donato Ricci, Atelier de cartographie de Sciences Po, 25 euros.

Marine Protais

À la rubrique "Tech à suivre" de L'ADN depuis 2019. J'écris sur notre rapport ambigu au numérique, les bizarreries produites par les intelligences artificielles et les biotechnologies.

Discutez en temps réel, anonymement et en privé, avec une autre personne inspirée par cet article.

Viens on en parle !
commentaires

Participer à la conversation

Laisser un commentaire