Une femme qui lit sur son smartphone, allongée

Booktok, binge-reading... comment lit-on en 2021 ?

© AleksandarNakic via GettyImages

Entre la pandémie de Covid-19 qui a bousculé notre quotidien, les outils numériques qui changent nos pratiques culturelles et les réseaux sociaux sur lesquels on met en scène nos passions, on ne lit plus tout à fait comme avant. On fait le point avec François Delporte, cofondateur de l'application Rocambole.

Renouveau du roman-feuilleton, pour certains. Netflix de la lecture, pour d’autres. Depuis juin 2018, l’application Rocambole propose des « séries à lire », des histoires à découvrir par épisodes de 5 minutes de lecture. Une nouvelle façon de consommer – et produire – de la littérature en prise avec les usages numériques, les grandes tendances culturelles du moment et les pratiques des réseaux sociaux. Le cofondateur de Rocambole, François Delporte, décrypte avec nous les nouveaux usages lecture qui émergent.

Entre les néo-book clubs, les comptes de recommandation et les millions de #books sur Instagram, la littérature fait partie des grandes tendances des réseaux. Comment cette pratique culturelle se traduit-elle sur les différents réseaux sociaux ?

François Delporte : La lecture est une activité assez paradoxale puisque c’est une activité solitaire qu’on a ensuite envie de partager. Sur les réseaux sociaux, on a d’abord vu les booktubeurs sur YouTube. Il n’y avait pas d’esthétique spécifique et ces influenceurs se concentraient sur le contenu. Avec l’émergence d’Instagram, la pratique a dérivé vers le #bookstagram. Sur ce réseau les utilisateurs font beaucoup plus appel à l'imaginaire, avec notamment des mises en scènes visuelles. La tendance la plus récente est sur TikTok avec le Booktok (ndlr : 6,8 milliards de vues). Sur ce réseau social, les internautes mettent l’accent sur l'émotion. Il ne s’agit pas seulement de présenter le scénario d’un roman mais de partager ce qu’on a ressenti en le lisant. C’est un format narrateur avec des vidéos très courtes, selon les codes de la plateforme. Et ça cartonne.

@_merto

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♬ RAWWWWWW - Zane

Chez Rocambole, vous avez développé un système interne de production de séries à lire pour coller au plus près des tendances actuelles. Quelles sont celles que vous voyez émerger ?

F. D. : Actuellement, on observe deux grandes tendances lecture. En premier : le biopic. Et notamment les biopics de personnages féminins. Il y a une vraie appétence pour les parcours de femmes inspirants et méconnus. C’est quelque chose qui peut facilement s’intégrer dans d’autres tendances plus larges. Par exemple, après le succès du Jeu de la dame sur Netflix, nous avons sorti une série sur l’histoire vraie de la joueuse d’échecs, Judit Polgar. Autre grande tendance : tous les types de récit, fictif ou non, qui traitent de serial killers ou de huis clos meurtrier.

La littérature a toujours eu comme pouvoir de fédérer des communautés. Se fédèrent-elles différemment aujourd’hui ?

F. D. : Historiquement, les lecteurs choisissaient un genre. Aujourd'hui, ce sont les thématiques qui remportent l'adhésion. Plutôt que de se réunir pour parler du genre fantastique, les lecteurs et lectrices vont plutôt se regrouper pour parler « culture geek ». Peu importe le genre, c’est l’intérêt pour une thématique qui attire les lecteurs car ça va correspondre à un univers dans lequel ils aiment s'évader et s’épanouir. À ce titre, il nous paraît plus pertinent de classer nos séries par collection – sport, culture geek, gastronomie, amour – plutôt que par genre – biographie, thriller, fantastique…

La pandémie de Covid-19 a bousculé nos pratiques et usages. Avez-vous constaté un « effet Covid » chez Rocambole ?

F. D. :  Au moment du premier confinement, Rocambole cumulait 2 000 épisodes lus par mois. Aujourd'hui, nous comptons 70 000 épisodes par mois. Bien sûr, cette hausse s’accompagne de raisons structurelles comme notre levée de fonds. Mais le contexte, et le fait de passer plus de temps chez nous, a joué de façon indéniable. Parmi nos utilisateurs, on observe ainsi une proportion égale de citadins et d’urbains. On remarque aussi que 35% des lectures ont lieu entre 22h et minuit. Les formats très courts et sériels ne sont donc pas uniquement destinés à faire passer le temps dans les transports. Au contraire, il y a une vraie appétence pour ces nouveaux formats et cette nouvelle façon de pratiquer la lecture.

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