Un chat en costume dans un bureau

« Resenteeism » au travail : la démission silencieuse tourne à l'aigre

© Dreamstudio et Tim Newman

Au boulot, il y a ceux partis avec la Grande Démission. Et ceux qui sont restés. Il y a de l'acrimonie dans l'air.

Il n'en fallait pas beaucoup pour claquer la porte de son entreprise lorsque la Grande Démission battait son plein. Quelques mois plus tard, pris entre les licenciements massifs et l'inflation galopante, les travailleurs américains se montreraient plus frileux et circonspects. Mais toujours aussi désabusés. Bienvenue dans le resenteeism, une ère post-quiet quitting, où l'effervescence mi-colérique mi-joyeuse des débuts a été supplantée par une apathie sourde et une profonde crispation.

C'est quoi le « resenteeism » ?

Le terme resenteeism aurait été formulé pour la première fois par le fournisseur de logiciels de gestion du personnel RotaCloud. Formé à partir du verbe to resent (être irrité par quelque chose, éprouver du ressentiment...), il traduit un sentiment d'exaspération assumé et généralisé envers son employeur. D'après un sondage de 2022, près de la moitié des Américains déclaraient qu'ils détestaient tant leur travail qu'ils ne le souhaiteraient même pas à leur pire ennemi... Récemment, la journaliste Bianca London proposait dans Glamour UK une définition du dernier néologisme à la mode qui se diffuse au bureau : « Le fait de rester dans un emploi qui vous rend fondamentalement malheureux, par sécurité ou manque d'options, et de commencer à ne plus le supporter et à le faire savoir à tous ceux qui vous entourent ». Sans faux-semblant, sans filtre, sans aucune forme de subtilité. Un état d'esprit qui n'aurait rien de très étonnant dans un contexte de stagnation ou réduction des salaires et d’actualité anxiogène : « Les employés qui se sentent sous-évalués, sous-estimés et inquiets pour leur avenir ne seront jamais heureux dans leur travail », souligne Pam Hinds, responsable du personnel chez RotaCloud

Pour la journaliste britannique, le resenteeism, fruit d'un burn-out larvé et de la conviction d'accomplir un travail qui dans l'ensemble ne sert pas à grand-chose, ne serait finalement que l'héritier naturel du quiet quitting. Héritier légèrement plus angoissé et irrité. Et plus contagieux aussi. « Ceux qui souffrent de ressentiment éprouvent beaucoup plus de frustration face à leur situation actuelle, ce qui peut se propager aux autres employés », observe la journaliste. Même constat chez Fortune, qui note que du côté des patrons non plus la propagation du resenteeism n'augure rien de bon. « Les travailleurs sont moins subtils à propos de leur apathie ou de leur frustration pure et simple, et cette attitude est susceptible de se répandre au bureau, comme autrefois le phénomène du présentéisme. Un moral en berne peut diminuer la productivité et créer plus de conflits. »

Les open spaces de la colère

Rien de très neuf en somme, si ce n'est l'émergence d'un nouveau terme censé encapsuler un changement d'ambiance plus ou moins généralisé. Mais si la virulence des propos tenus à l'encontre du monde du travail n'est plus l'apanage des Z, ces derniers demeurent les fers de lance de la contestation. Suite aux récentes vagues de licenciements, les employés s'organisent collectivement pour partager conseils et contenus éducatifs relatifs au droit du travail. L’utilisatrice TikTok alberta.nyc, ingénieur chez Google et « tech cynic » autoproclamée, a réalisé des contenus sur l'importance des syndicats dans la tech. Dans une récente vidéo, elle montre la copie de ce qui serait selon NBC une copie de la lettre écrite par le syndicat d'Alphabet en soutien aux collègues virés du jour au lendemain.

Lorsque l'utilisatrice hiitsmeming (qui a aujourd'hui effacé son compte) a confié sur TikTok qu'elle avait été licenciée par Meta un mois avant la naissance de son bébé, d'autres créateurs ont republié sa vidéo en y insérant des conseils pour souscrire à une assurance maladie moins onéreuse. Fin 2022, alors que les licenciements se suivent et se ressemblent, la tiktokeuse millennialcorpmom a exhorté les travailleurs à se familiariser avec le droit du travail propre à chaque État afin qu'ils puissent percevoir la totalité de leur indemnité, tandis que sur TikTok toujours, Celine Hui a encouragé sa communauté à négocier ses indemnités de départ avant d'accepter de signer tout document juridique. Aux armes, travailleurs. Un an plus tard, les enseignements de Karl Marx diffusés via la plateforme par des salariés remontés semblent avoir porté leurs fruits.

Laure Coromines

Laure Coromines

Je parle des choses que les gens font sur Internet et dans la vraie vie. Fan de mumblecore movies, de jolies montagnes et de lolcats.
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