
Envers et contre tout, les « delulu girls » y croient, même lorsque l'objet de leur passion les éconduit inlassablement. Et pour elles, c'est un véritable art de vivre.
Ce type qui ne t'écrit que lorsqu'il est à 3 grammes après 23 heures ? C'est l'homme de ta vie, il a juste peur de la force de ses sentiments. Ton ex se remarie ? C'est pour te rendre jalouse. Ton plan du moment prend toujours des plombes pour te répondre ? Normal, il est en deuil à la suite du décès de son hamster. Harry Styles ? Vous êtes fait pour être ensemble, la vie se chargera de vous réunir. Bienvenue dans le monde des autoproclamées delulu girls, ces filles qui sur TikTok embrassent le fait d'être delusionnal, c'est-à-dire de se faire des illusions. Et elles partagent leur vision de l'amour avec tout le monde.
C'est quoi être delulu ?
Delulu était originellement le sobriquet utilisé pour qualifier les fans de K-pop certains d'avoir une chance de conclure avec leur idole. Aujourd'hui, être delulu est une manière en vogue sur les réseaux de concevoir l'amour. Si en principe l'étiquette n'est pas genrée, le phénomène concerne sur les réseaux principalement des jeunes femmes. Pas complètement érotomanes non plus, elles ont toutefois élevé la naïveté et la croyance fervente en leur bonne étoile au rang d'art de vivre. En deux mots, elles « préfèrent simplement romantiser à l’excès leur situation, ignorant complètement les signes indiquant qu’elle ne va pas vers l’objectif qu’elles s’étaient fixé : généralement, une relation saine », résume Vice. Sur TikTok, Isabelleunhinged (surnom que l'on pourrait traduire par Isabelle la déséquilibrée) se décrit dans sa bio comme « Impératrice de Delululand ». Avec sa communauté, elle partage ses atermoiements amoureux, comme cette fois où elle a vécu la mort d'une relation d'un mois « comme si c'était la fin d'un mariage. »
Pourquoi les delulu sont delulu ?
Et Isabelle n'est pas seule : le #delulu agrège plus de 2,7 milliards de vues sur TikTok. « Nous sommes contraintes au délire. Nous en avons besoin car sans cela, nous n’avons rien d’autre », explique l' « Impératrice ». Point de vue partagé par Kelsey Soles, qui compte plus d'un million d'abonnés et confie au média américain : « C’est tellement la merde en ce moment. Le monde est en feu. (...) C'est horrible. » Pour elle, la propension au delulu proviendrait entre autres de la profusion de choix générée par les applications de rencontre. Si les app permettent en principe de parler avec tout le monde, elles conduisent les utilisateurs à « ne jamais se satisfaire de rien. » Autre moteur à delulu, le flou artistique dont on pare volontairement nos relations. Selon un sondage YPulse, plus personne n'a envie de poser les termes : 20 % des Z déclarent avoir déjà expérimenté le situationship, une forme de relation amoureuse sans engagement, et 35 % affirment préférer les relations indéfinies. « Nous savons souvent si peu de choses sur l’autre qu’il reste beaucoup d’espace pour projeter sur elle nos espoirs, nos rêves, les choses que nous pourrions vouloir », déclare Josh Smith, spécialiste dans l'accompagnement des couples. Pour Layla, 20 ans, être delulu découle aussi de l'ennui de l'époque, qui conduit à rêver d'autre chose et d'ailleurs. Une raison de plus pour s'adonner au quantum jumping probablement.
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