Les acheteurs se sont précipités dans les magasins de l'enseigne pour rafler la boisson énergisante lancée par les influenceurs KSI et Logan Paul. Au risque d'y perdre la vie.
Ce n'est pas la première fois que les grandes surfaces s'imposent comme le théâtre d’opérations aussi gênantes que sauvages. Récemment, ce sont TJ Maxx, HomeGoods et Marshalls aux États-Unis qui ont vu affluer dans leurs allées des mères au foyer très énervées et prêtes à tout pour mettre la main sur les pots en céramiques de la créatrice Rae Dunn. Avant cela, il y avait eu aussi la ruée vers les pulls de Noël Lidl en Belgique. Aujourd'hui, c'est chez Aldi que les clients sont en effervescence.
Mon royaume pour une boisson
Dès l'aube, ils ont fait la queue pour mettre la main sur une bouteille de Prime Hydration. Ils en sont même parfois venus aux mains. La scène se déroule en Grande-Bretagne chez Aldi, l'enseigne allemande spécialisée dans le hard discount. À Londres, Plymouth ou encore Bolton, des bouteilles en plastique dont le contenu est censé favoriser la prise de muscle et l’hydratation ont provoqué files d'attente, ruées et empoignades ébouriffées. Pour éviter les échauffourées, l'enseigne avait pourtant pris des mesures, limitant les quantités vendues à 6 bouteilles - une pour chaque parfum proposé - par acheteur.
Vendue 1,99 livres et distribuée en quantité limitée, la boisson lancée l'été dernier aux États-Unis est le produit de la collaboration de deux influenceurs américains très pénibles, KSI et Logan Paul, connus pour sévir sur YouTube, s'adonner à la boxe et imaginer des jeux NFT bidon. Filmée par un client à Chelmsford dans l'Essex, une vidéo montre des acheteurs se débattant pour s'emparer des bouteilles de 500 millilitres et des enfants plongeant dans le présentoir. Les consommateurs ne se sont pas arrêtés en si bon chemin, puisqu'une bouteille aux couleurs criardes a même été mise en vente sur eBay. Prix de vente : 10 000 livres.
@KSI @prime_tracker @PrimeHydrate Wtffffffff 💀 Aldi Chelmsford on a mad one 💀💀💀💀 pic.twitter.com/eFdURa8vbD
— Lewis (@LABS240519) December 29, 2022
Low cost : le nouveau cool
L'engouement autour des lancements de produits au sein d'enseignes ultra low cost n'est pas nouveau. Dans Le goût du moche (Flammarion, 2021), la journaliste Alice Pfeiffer décortique l'esthétique dite cheap, qui loin d'être encore stigmatisante, s'impose désormais comme subversion des normes bourgeoises, normes prescriptrices de l'élégance et du mauvais goût. Ainsi, cette esthétique du bon marché s'affilierait presque à une revanche de classe. Dans Libération, Balla Fofana observe : « Lidl promet à sa clientèle la fin du déclassement et de la honte sociale. Elle n’est plus composée d’acheteurs lambda qui se rendent en loucedé dans un magasin froid, distant et avare en communication. Tels le Futé d’Agence tous risques, ils sont à l’affût des bons plans et font des achats tendance sans que leurs comptes en banque fassent des loopings. »
Aux États-Unis, les enseignes hard discount ont même donné naissance à des sous-cultures bien spécifiques. Entre eux, les fans de la marque Aldi se reconnaissent en poussant des cris aigus d'oiseaux ( « caw-caw ! » ) dans les rayons de produits surgelés. Mais pour les croiser, mieux vaut arpenter la célèbre Aisle of Shame (ou AOS), pour « rayon de la honte. » C'est ainsi que les adeptes de la marque, qui dans des groupes privés sur Facebook se refilent bon plans et astuces conso, ont rebaptisé le rayon où selon les arrivages s'entassent lasagnes vegan, robots ménagers ou assortiments de lingerie à prix cassés. Comme ils l'expliquent dans Atlas Obscure : « Cela rend les courses très amusantes ! (...) Et après la pandémie on en a bien besoin ! »
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