trois streameurs déguisés en juge

Sur Twitch, le tribunal des bannis dédramatise les comportements toxiques

© Squeezie via YouTube

Depuis 2020, les streameurs transforment les demandes de réhabilitation des membres de leur communauté bannis en véritable divertissement.

« Baise ta daronne, sale pute ». Ce message infamant qui s’affiche sur un écran géant, c’est Kunkkarea, jeune homme de 21 ans, qui l’a écrit dans le chat du streameur Gotaga. À cause de cette insulte, il a été banni du stream, condamné en quelque sorte à ne plus pouvoir interagir avec son streameur préféré. Cependant, Kunkkarea a l’occasion de se racheter en participant à un petit rituel devenu au fil des ans un véritable moment phare pour les streameurs : le tribunal des bannis.

Marquer les limites de la communauté

Bien connu sur Twitch et mis en scène avec décors et costumes sur la chaîne YouTube de Squeezie, le tribunal des bannis consiste à passer en revue les messages de justification et d’excuse des followers expulsés du chat. D’après le journaliste Vincent Manilève, cette pratique existe depuis 2020, date à laquelle Twitch a mis en place une fonctionnalité permettant de demander l'annulation d'un ban. Les utilisateurs en profitent généralement pour glisser un petit mot en leur faveur ou expliquer pourquoi ils ont fauté.

En rendant visibles ces demandes, les streameurs en profitent pour créer un moment amusant, lors duquel le chat fait office de jury. C’est aussi l’occasion de définir les bornes de l’acceptable au sein de sa communauté ; bornes qui dépendent évidemment du streameur et de l’ambiance qu’il veut instaurer dans ses émissions. Pour les streameurs Dany et Raz par exemple, le tribunal permet de faire une séparation claire entre véritables trolls insultants (souvent d’extrême droite) et internautes pouvant faire des blagues discutables.

Rire de la toxicité, c'est cool ?

L’autre intérêt de ce rituel est aussi de mettre en avant le travail des modérateurs qui officient sur les chats. La plupart des streameurs font appel à leurs followers les plus fidèles pour assurer, de manière bénévole, ce travail essentiel. Dans le cas de Kunkkarea, l’insulte était justement dirigée contre le modérateur qui l’a banni : l’occasion pour Gotaga de rappeler que ce sont des humains derrière des écrans qui font office de tampons entre des éléments toxiques du chat et les streameurs. Si ces derniers ne font pas dans la dentelle et peuvent légitimement bannir à la moindre insulte, la recontextualisation qu’impose le tribunal des bannis permet d’adopter une position plus clémente.

Comme le rappelle Squeezie au début de sa vidéo, l'idée du tribunal des bannis n’est pas de rendre le harcèlement amusant, mais plutôt de confronter le comportement d’un individu IRL (dans la vie réelle) par rapport à celui adopté derrière un écran. Reste que l’émission de Squeezie a bien évidemment sélectionné des bannis dont les méfaits sont relativement peu graves. On pourra reprocher au concept, qui se veut grand public, de manquer de streameuses. Ces dernières reçoivent régulièrement des remarques sur leur physique, des insultes ou des menaces de viol dans leur chat, un contenu qui prête beaucoup moins à sourire.

David-Julien Rahmil

David-Julien Rahmil

Squatteur de la rubrique Médias Mutants et Monde Créatif, j'explore les tréfonds du web et vous explique comment Internet nous rend toujours plus zinzin. Promis, demain, j'arrête Twitter.
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