Le reportage de David Perrotin pour Loopsider montrant un producteur de musique se faire passer à tabac par plusieurs policiers a été vu plus de 20 millions de fois en 24h.
En langue anglaise, l’expression « perfect storm » (tempête parfaite) désigne une succession d'évènements qui produisent un résultat inhabituel, puissant ou mauvais. C’est exactement comme cela que l’on peut désigner le reportage de Loopsider sur le passage à tabac du producteur de musique Michel Zecler, par les forces de l’ordre.
Ça s'est passé samedi à Paris. 15 minutes de coups et d'insultes racistes.
La folle scène de violences policières que nous révélons est tout simplement inouie et édifiante.
Il faut la regarder jusqu'au bout pour mesurer toute l'ampleur du problème. pic.twitter.com/vV00dOtmsg
— Loopsider (@Loopsidernews) November 26, 2020
Pourquoi tant de retweets ?
Publiée le 26 novembre au matin, la vidéo réalisée par David Perrotin décortique une séquence glaçante d’une quinzaine de minutes avec l’aide de la victime. Très rapidement, le post va être massivement partagé sur les réseaux sociaux. Sur Twitter, la plateforme de veille Visibrain indique que le tweet du média va générer 302 045 partages (en comptant le nombre de citations du tweet et le retweet de ces citations). Quelques heures plus tard, la vidéo a déjà été vue plus de 2,6 millions de fois.
2,6 millions de vues en à peine 4h30 pour la vidéo Loopsider de Michel tabassé par les flics, des dizaines de milliers de RT. Je sais pas si c'est un record, mais en 12 ans sur Twitter, pas le souvenir d'avoir déjà vu une telle viralité pour un document d'actu française.
— Alexandre Hervaud (@AlexHervaud) November 26, 2020
24h plus tard, l’affaire, dans sa globalité, a fait l'objet de 293 538 tweets publiés tandis que la vidéo accumule plus de 20 millions de vues et que Libération en fait sa Une. « On a déjà réalisé des audiences très fortes avec ce type de sujet et notamment le reportage sur le jeune Gabriel, 14 ans, qui s’était fait violemment interpeller en juin dernier, raconte Johan Hufnagel, co-fondateur du média. Mais je n’avais encore jamais vu une vidéo monter aussi rapidement et créer un tel écho médiatique. »
Anatomie d’un sujet explosif
Pour comprendre cet écho médiatique, il faut réunir les pièces du puzzle. En premier lieu, le média lui-même joue un rôle. Depuis deux ans et l’arrivée de David Perrotin dans ses équipes, Loopsider a couvert de nombreux sujets sur la violence policière. « On a parlé des Gilets jaunes, mais aussi de l’affaire Théo ou Adama, explique Johan Hufnagel. C’est une thématique qui passe souvent sous les radars des grands médias, mais qui intéresse très fortement le public le plus concerné, c’est-à-dire les personnes racisées et les habitants des quartiers populaires. »
Là-dessus, viennent s’ajouter les images en elles-mêmes qui sont d’une précision et d’une violence rare. Filmée principalement depuis une caméra de surveillance située à l’entrée du studio de Michel Zecler, la séquence est aussi prise à l’extérieur grâce à deux voisins situés sur le trottoir d’en face et au-dessus de l’entrée. Le témoignage de la victime, qui explique en temps réel ce qui se passe rajoute une force dramatique incroyable à l’histoire.
C’est une nouvelle pièce que nous apportons au dossier de l’agression de Michel Zecler.
Cette vidéo d’un voisin montre sous un autre angle l’agression et sa violence inouïe.
« Ils auraient pu le tuer. » pic.twitter.com/G60NtRNnC9— Loopsider (@Loopsidernews) November 27, 2020
Enfin, le fait que beaucoup de gens se soient identifiés à la victime (de nombreuses copies du reportage ont tourné sur Instagram), la succession de violences policières de ces derniers jours, et la mobilisation contre l’article 24 de la loi sécurité globale viennent compléter le tableau et donner la force nécessaire pour que le reportage explose.
Et maintenant ? On filme la police
Aux États-Unis, démarrer une caméra quand on croise un policier est devenue un véritable réflexe de survie. Il faut dire que les hommes noirs vivant sur le continent américain ont deux fois plus de risque de se faire tuer par la police que les blancs. En France, la pratique est, elle aussi, entrée dans les mœurs. « En France, ça commence à faire un petit bout de temps que les habitants des quartiers populaires filment la police, ajoute Johan Hufnagel. C’est même entré dans la culture populaire quand on voit que c’est le sujet central du film Les Misérables. Mais le plus dingue, c’est de se dire que le pouvoir en place, sous l’influence des syndicats de police, tente justement d'interdire cette pratique. Même aux États-Unis, ils n’essayent pas d’imposer cette chose-là. »
Alors que les policiers mis en cause par la vidéo viennent juste d’être relevés de leurs fonctions, le constat est sans appel : filmer la police est dorénavant le meilleur moyen de se protéger et de faire avancer la justice.
Participer à la conversation