apprendre l attention a nos enfants

La guerre de l'attention est déclarée ! Mais on peut la gagner...

Nos capacités d'attention sont malmenées par les outils numérique ? Bonne nouvelle ! Le neuroscientifique Jean-Philippe Lachaux a lancé le projet ATOLE pour apprendre à nos enfants à se concentrer.

Un jour ou l’autre, on s’est tous posé la question. Pourquoi je ne parviens pas à rester concentré ? Pourquoi suis-je si facilement distrait ?

« On entend beaucoup parler des problèmes de concentration et d’attention mais à aucun moment on nous explique comment ça marche. Personne n’a jamais pensé à mettre cet enseignement au programme… »

Pourtant, comment un enseignant peut-il espérer transmettre s’il ne sait pas capter l’attention ? Comment un élève pourrait-il apprendre s’il ne parvient pas à se concentrer ?

Le neuroscientifique Jean-Philippe Lachaux est un pro de l’attention. C’est son sujet de recherche à l’Inserm, et il y a consacré plusieurs ouvrages grand public. En gros, il annonce de bonnes nouvelles. Oui, nous avons tous des problèmes d’attention. Oui, il est possible de les rectifier.

« Nous sommes constamment sollicités. Il s’agit donc d’apprendre à vivre avec ces sollicitations comme un marin le fait avec les vents et les courants. »

Tout est parti de là. « Des enseignants me prenaient à partie. Ils me réclamaient des outils pour mettre en pratique les résultats de mes recherches. Mais je n’ai aucune idée de la manière dont fonctionne une classe. J’ai donc accepté à la condition qu’ils le fassent avec moi. »

Ainsi est né le projet ATOLE, le programme de formation de l’ATtention à l’écOLE, entre le chercheur et une trentaine d’enseignants volontaires. « Le lundi, on testait sur quelques classes, et la semaine suivante, on voyait ce qui avait fonctionné. » Très concrètement, ATOLE propose des exercices, répartis en séquences de 1 à 10. Un exemple parmi d’autres : on place les enfants deux par deux, face à face, mains levées. La consigne ressemble à un jeu. Ils doivent tenir ensemble un ballon, et tandis que l’un fait des mouvements, l’autre doit le suivre. Le professeur explique que s’ils peuvent synchroniser si facilement leurs gestes, c’est grâce à ce contact physique qui les relie. Puis, on retire le ballon, et on les distrait. Ils constatent alors qu’il est plus difficile d’être en phase avec l’autre. À partir de là, le professeur peut établir un code. Quand il dit « contact », il leur signifie qu’il a besoin que tout le monde se connecte. « J’ai été très surpris par les résultats. Selon les professeurs, ce simple exercice change tout. »

Selon l’âge des élèves, le parcours sera plus ou moins rapide, la forme des exercices différente. Les enseignants consacrent environ une demi-heure par semaine à ces jeux, et rapidement ils les insèrent dans toute la vie de la classe. Les effets ont été mesurés et les résultats sont plus qu’encourageants. Au bout de trois mois, les capacités de concentration des enfants ayant suivi ATOLE progressent. « Les professeurs pensent que nos tests sont insuffisants et ne capturent pas tous les apports du programme. Selon eux, il leur apporte beaucoup plus. Il améliore l’ambiance globale entre les élèves, et la relation entre eux et leur classe. Nous réfléchissons à d’autres outils d’évaluation, des séquences filmées, des questionnaires… »

De manière organique, le programme se diffuse. Il est déjà appliqué dans près de 450 classes, et chaque semaine, Jean-Philippe Lachaux reçoit plusieurs dizaines de nouvelles demandes d’enseignants. « Nous voulons diffuser le plus largement possible. Nous allons ouvrir un site Web qui donnera accès à tous les exercices. L'apprentissage de l'attention est un enjeu sociétal majeur. C’est une vague de fond qui n’est pas quantifiée mais il y a tellement de témoignages convergents que l’on commence à accepter qu’il se passe quelque chose. Que ce soit nous ou d’autres qui le fassions, tous les gamins en 6e devraient connaître ce qu’est l’attention pour qu’ils puissent être libres de l’utiliser à leur manière. » Jean-Philippe Lachaux alterne désormais ses travaux en laboratoire et sa collaboration avec les enseignants. Une recherche appliquée qui donne tout son sens à sa « mission de service public », conclut-il.

Et là, on se surprend à avoir envie de liker....

 

À LIRE 

Jean-Philippe Lachaux, Les Petites Bulles de l’attention. Se concentrer dans un monde de distractions, Odile Jacob, 2016.

Jean-Philippe Lachaux, Le Cerveau funambule. Comprendre et apprivoiser son attention grâce aux neurosciences, Odile Jacob, 2015.

 


Ce texte est paru dans le numéro 14 de la revue de L’ADN consacré à la Transmission. Pour vous la procurer, cliquez ici.


 

Jean-Philippe Lachaux : Le cerveau à l'heure de l'hyperconnexion

Béatrice Sutter

J'ai une passion - prendre le pouls de l'époque - et deux amours - le numérique et la transition écologique. Je dirige la rédaction de L'ADN depuis sa création : une course de fond, un sprint - un job palpitant.
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