complot

Quel parcours pour les fausses informations en ligne ?

© Black Lollipop via Getty Image

Qui sont exactement les complotistes et quelles sont leurs méthodes ? Un rapport répond à ces questions.

On a beaucoup écrit sur les conséquences des fake news et des théories du complot, mais beaucoup moins sur leur naissance et la manière dont elles se propagent en ligne. C’est justement le sujet du rapport du Conseil national du numérique qui vient de sortir et qui s’intitule « Récits et contre-récits. Itinéraire des fausses informations en ligne ». Rédigé par Rahaf Harfoush anthropologue numérique et Adrien Basdevant, avocat spécialisé sur l'impact des technologies sur la société, le rapport s’emploie à faire un état des lieux des mécanismes de la désinformation en ligne, un an avant l'élection présidentielle.

Qui sont les créateurs de complots ?

Le rapport identifie, par l’intermédiaire du Docteur en Sciences Politiques de l'Université de Rennes 1 Julien Giry, plusieurs profils de créateurs et de propagateurs de théories conspirationnistes. En premier lieu, il y a les leaders conspirationnistes, de « véritables professionnels qui ne vivent que par et pour le complot ». Ce sont avant tout des entrepreneurs politiques qui tirent leurs revenus de cette activité. Ils sont relativement peu nombreux, mais très influents et vont créer un méta récit dont le but est de relier toutes les théories entre elles afin d’expliquer l’état du monde. Juste en dessous, on trouve les citoyens enquêteurs, 100 fois plus nombreux que les leaders. Happés par un événement, ils vont se plonger dedans et questionner la version officielle qui est présentée par les médias. Cette quête peut être déclenchée par un motif personnel ou des convictions politiques. Dans les deux cas, ce sont eux qui servent de rouage à la désinformation.

La sphère des profiteurs

Au-delà, on trouve d’autres profils et notamment une galaxie d’arnaqueurs, de militants et d’humoristes qui se nourrissent du complotisme. Les premiers créent des pages web semblables à des médias et relaient les fausses informations pour tirer des revenus publicitaires. Les seconds utilisent les fausses informations pour privilégier leur candidat politique. Enfin le dernier groupe rassemble un ensemble de comptes reprenant la logique du Gorafi afin de créer de la viralité sur de fausses informations sous couvert d’humour.

Diffusion du complot

Pour comprendre comment une théorie du complot se diffuse, le rapport rappelle avant tout le fonctionnement de notre pensée. D’après le psychologue Daniel Kahneman, nous avons deux systèmes cognitifs. Le premier, par défaut fait appel à l’intuition tandis que le second, plus analytique, est aussi plus coûteux en énergie. Cet état de fait explique pourquoi les biais de confirmation et les millefeuilles argumentatifs sur lesquels reposent les théories de complot sont particulièrement attirants pour notre cerveau. S’ajoute à cela le besoin de validation socio‑identitaire et de distinction. Ces mécanismes permettent de retrouver une forme de sociabilité en ligne tout en donnant la sensation d'être un élu possédant un savoir caché.

C’est la faute des algos

La viralité des contenus complotistes s’explique aussi par le système algorithmique qui met en avant les contenus permettant de mieux capter l’attention. En rendant visibles des contenus basés sur la controverse, la désinformation et l’extrémisme, on répond exactement à ce qu’attendent les plateformes sociales. Il ne faut pas non plus oublier comment les grands événements traumatiques génèrent automatiquement du contenu complotiste qui sera bien souvent monétisé sur les plateformes. Une étude de 2018 menée par Jonathan Albright, chercheur en journalisme et information, a montré que sur 9000 vidéos complotistes répertoriées sur YouTube, les 50 plus regardés concernaient des événements de fusillades dans des écoles.

Qanon change la donne

Enfin, le rapport note que depuis l’apparition du mouvement QAnon, le complotisme a subi une nouvelle évolution en intégrant une composante de jeu de pistes collaboratif centré autour de questions vagues et ouvertes comme « qui contrôle le récit ? », plutôt que d’affirmations péremptoires. Quand on voit à quel point ce fonctionnement a permis une diffusion massive des théories complotistes à travers le monde, il y a de quoi s’inquiéter pour les années à venir.

David-Julien Rahmil

David-Julien Rahmil

Squatteur de la rubrique Médias Mutants et Monde Créatif, j'explore les tréfonds du web et vous explique comment Internet nous rend toujours plus zinzin. Promis, demain, j'arrête Twitter.

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