Augmentation des abonnements, problème de rentabilité, précarisation des scénaristes et des acteurs… Les plateformes de streaming semblent avoir épuisé leur modèle économique.
Nos soirées télé se ressemblent toutes. On allume l'écran du salon pour regarder cette super-série-dont-tout-le-monde-parle, on fouille parmi les plateformes auxquelles on est abonnés où trouver ce joyau, on découvre qu'il faut souscrire à un service en plus à 10 euros par mois pour y avoir accès, et on se jure qu'on mettra fin à cet abonnement une fois passé le mois d'essai gratuit. Bien évidemment, on oublie constamment de le faire, après avoir bingé la série-dont-tout-le-monde-parlait (et qui est devenue ringarde entre-temps).
La surmerdification des plateformes
Au bout d'un an, vous vous rendez compte que vous dépensez plus de 50 euros en abonnements divers par mois tandis que la qualité des séries que l'on vous propose ne cesse de diminuer et que vous mettez toujours autant de temps à choisir ce que vous voulez regarder, faute de hype. Ce phénomène que vous vivez en tant que spectateur – l'impression de constamment se faire voler par les plateformes de streaming – a un nom. Il s'agit de l'Enshittification, un concept théorisé par le journaliste et auteur Cory Doctorow et que l'on pourrait traduire par le terme « surmerdification ». D'après Doctorow, ce concept décrit le cycle de vie des plateformes sociales et vidéo. Ces dernières proposent un service inédit qui devient indispensable. Pour se rentabiliser, elle commence à abuser de leurs utilisateurs en augmentant les prix ou en les maintenant captifs. Enfin elles se retournent contre leurs clients professionnels (les vendeurs ou producteurs de contenus), pour récupérer l'intégralité de la valeur et mourir.
L'Enshittification est un véritable doigt accusateur pointé vers les parcours de développement des plateformes numériques comme Facebook ou Amazon qui sont sensiblement les mêmes. La plupart reposent sur un démarrage et une croissance forcée qui se fait généralement à perte en se reposant sur des levées de fonds. Vient ensuite le moment de traire les utilisateurs en leur imposant des hausses de prix et des conditions d'utilisations verrouillées pour les rendre plus captifs. Enfin, ce sont les fournisseurs de contenus ou bien les vendeurs présents sur ces plateformes qui sont essorés jusqu'à ce qu'une nouvelle plateforme – plus fraîche et plus authentique – rafle la mise en tapant dans une nouvelle génération d'utilisateurs.
Traire, en vain, les utilisateurs
L'histoire de Netflix, mais aussi des autres services de streaming entre totalement dans ce principe de « surmerdification ». Dans un article de The Atlantic, on comprend qu'en plus d'inclure des augmentations de prix, de la publicité et des restrictions de partage de compte, les plateformes de streaming proposent un modèle économique intenable aux studios, acteurs et scénaristes qui produisent le contenu nécessaire. La question de la redistribution des droits de diffusion est d'ailleurs au centre des revendications des scénaristes et des acteurs en grève. Ces entrées d'argent qui interviennent à chaque rediffusion de films ou de séries se sont réduites à peau de chagrin avec l'arrivée des plateformes de streaming.
Si Netflix reste pour le moment rentable, elle a entraîné derrière elle la naissance d'autres plateformes similaires qui s'enfoncent encore plus dans l'Enshittification. Comme le révèle le Wall Street Journal, la plupart des services de streaming ont augmenté leur prix de 25% pour une offre sans publicité. Cette augmentation a naturellement conduit les utilisateurs à des stratégies d'économie consistant généralement à s'abonner pour un ou deux mois avant de suspendre les paiements pour attendre une nouvelle série à regarder. Cette inflation des prix ne compense toujours pas les pertes de ces plateformes, qui atteignent plus de 20 milliards de dollars depuis leur lancement en 2020.
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