un youtubeur au milieu de liasses de billets

Patreon, affiliation, crypto : comment les youtubeurs se passent de la « YouTube monnaie »

© Mister Beast via YouTube

Les créateurs ne comptent plus uniquement sur la plateforme YouTube pour gagner de l’argent. Une étude décrypte les quatre grandes stratégies alternatives de monétisation de contenu.

On le sait, bien gagner sa vie sur YouTube grâce aux revenus publicitaires (qui ont pourtant explosé des taux records) est devenu extrêmement difficile. Une grosse majorité de créateurs peine à trouver un modèle véritablement rentable, alors que la plateforme leur demande de produire toujours plus de contenus. Pour compenser le caractère aléatoire de leurs revenus, certains youtubeurs ont développé des stratégies de monétisation qui se déploient en dehors du contrôle de la plateforme. Ces stratégies ont été analysées par une équipe de chercheurs de l’université de Cornell Tech (New York City). Ces derniers ont déterminé que 61 % des chaînes YouTube ont désormais recours à ces alternatives. Voici leurs résultats. 

Quelles sont les quatre stratégies de monétisation alternatives ?

L’étude identifie quatre grandes stratégies alternatives pour monétiser son contenu YouTube : 

• 51 % des chaînes ont recours au marketing d'affiliation, avec une publicité réalisée par le youtubeur et un lien avec réduction vers un site marchand

• 28,4 % des chaînes font appel aux dons et encouragent l'abonnement à des plateformes de financement participatif comme Patreon

• 11,3 % des chaînes se diversifient dans la vente de produits ou de services, le plus souvent du merchandising

• 0,7 % des chaînes organisent des campagnes de dons en cryptomonnaies

Quelle stratégie de monétisation pour quel contenu ?

Pour les chercheurs, l'adoption de l'une ou l'autre de ces stratégies change en fonction de la typologie de contenu. Mais l'affiliation marketing reste la stratégie la plus employée. Les chaînes de mode et d’accessoires plébiscitent cette stratégie à 83,5 %. Il en va de même pour 47,5 % des chaînes de gaming. Toutefois ces créateurs de contenu vont aussi pratiquer la demande des dons (49,7 %) et la vente de marchandise (18,3 %). Les chaînes consacrées aux people et aux vlogs, ainsi que celles consacrées aux sciences et technologies plébiscitent le marketing affilié pour (respectivement) 50,4 et 77,8 % d’entre elles. 

L’impact de la popularité sur la monétisation

L’étude compare les différentes stratégies en fonction de la popularité de la chaîne YouTube. Les plus populaires ont massivement recours à la vente de produits et au marketing affilié : 12,5 % des chaînes ayant plus de 440 K abonnés le font, pour seulement 3,6 % des chaînes ayant moins de 12,7 K. Les chercheurs notent que le don en crypto concerne autant les chaînes les plus populaires que les moins populaires. Le Bitcoin, le Litecoin et l’Ether sont ainsi les crypto les plus réclamées. En revanche, l’appel aux dons en monnaie régulière est très peu présent sur les chaînes les plus populaires. 

Plus une chaîne est monétisée, plus elle produit de vidéo

Sans trancher le débat, les chercheurs notent qu’il existe une corrélation entre la monétisation et l’augmentation de la productivité d’un créateur. On compte en moyenne trois vidéos par mois pour les chaînes non monétisées contre 5,5 vidéos par mois pour celles qui le sont. Les chercheurs estiment que les créateurs décident généralement de produire plus de contenu de manière professionnelle et soutenue ; de ce fait, ils lancent une campagne de monétisation pour accompagner cette montée en qualité ou en quantité. Il est aussi possible que les créateurs ressentent une forme de pression à la production à partir du moment où une communauté les finance via des dons ou des crypto. Dans le cas de youtubeurs très populaires comme Mister Beast, la monétisation est de plus en plus indispensable pour produire des vidéos régulières qui ont pour impératif de performer.

Des stratégies alternatives au profit de la fachosphère

Sur l’ensemble du corpus, les chercheurs ont identifié 10 % de chaînes appartenant à des mouvances d’extrême droite, à la sphère complotiste ou bien à la manosphère (un mouvement misogyne et antiféministe). Ces dernières sont bien souvent régulées par la plateforme qui a recours à l’arme de la démonétisation. Pour contrer cette forme de censure, ces chaînes mettent en place des stratégies de monétisation alternatives bien plus agressives que les chaînes « classiques ». Ainsi, 68 % d'entre elles y ont recours pour au moins une de leurs vidéos, contre 56 % pour les chaînes plus traditionnelles. L’usage de Patreon est aussi plus développé chez les youtubeurs d'extrême droite et complotistes (48 % contre 28 % pour le reste des chaînes). Pour échapper aux tentatives de régulation de la part des plateformes de financement participatif, 11 % de ces chaînes demandent une participation en crypto ou bien se focalisent dans la vente de produits dérivés.

Le rapport note que YouTube remplit bien son rôle de garde-fou en démonétisant les chaînes problématiques, mais que ces dernières font preuve de créativité dans la recherche de ressources pour continuer d’exister. 

David-Julien Rahmil

David-Julien Rahmil

Squatteur de la rubrique Médias Mutants et Monde Créatif, j'explore les tréfonds du web et vous explique comment Internet nous rend toujours plus zinzin. Promis, demain, j'arrête Twitter.
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