un jeune homme en cravate assis dans un bistro

François Descraques, le petit génie des nouveaux formats web

© Solène Ballesta

Il avait tout prédit avant tout le monde. Une web série à succès, un roman immersif sur Twitter et un podcast d’improvisation plus tard, on peut le dire : François Descraques est l’un des créateurs des formats de fictions les plus innovants du web.

François Descraques est réputé pour investir les nouveaux médias et imaginer des formats innovants. Il y a dix ans, il se faisait connaître avec la série Le Visiteur du Futur, à une époque où la vidéo commençait à peine à envahir le web. Au bout de trois saisons autoproduites, la 4ème fut l’une des premières réalisations web à être produite par une chaîne de télévision (France 4).

En 2017, il s’empare de Twitter et imagine 3ème droite, une fiction horrifique racontée en temps réel sous forme de threads. Le compte réunira plus de 54 000 abonnés. « Je ne cherche pas à être totalement original, se défend-il. Je veux juste éviter que l’on compare ce que je fais avec un projet déjà existant et qui a forcément plus de moyens. C’était notamment le cas avec 3ème droite. Je n’étais pas le premier à faire de la fiction sur Twitter, mais c’était un domaine sur lequel il y avait un terrain encore vierge. »

Rendez-vous en terre inconnue

Investir les terrains vierges, c'est la force de François Descraques. Pas question de jouer les copycats et de se contenter de voler les recettes à succès des autres créateurs de contenus. Ce qu'il aime, c'est la contrainte, l'inconnu et la nouveauté. Alors quand il a annoncé qu'il allait lancer son podcast, forcément, il n'a pas fait comme tout le monde.

Un podcast entièrement improvisé

Résumer l’intrigue de Mystères à Saint-Jacut, la nouvelle fiction sonore créée par François Descraques, est assez compliqué, tant le concept de ce podcast est perché. On y suit les histoires alambiquées d’une famille de mafieux située dans une petite ville de Bretagne. On y croise des tueurs professionnels qui changent de vie (et de régime alimentaire), des savants fous et hypnotiseurs, et un antihéros champion international de pédalo.

Mystères à Saint-Jacut est une expérience qui dynamite les règles de la fiction audio. Plutôt que de réciter leurs lignes de dialogues, les acteurs doivent jouer en improvisation totale. Ils n’ont comme point de départ que la description de leur personnage et la trame globale de la scène.

Le résultat est évidemment hilarant d’autant que le créateur de ce « soapcast » (contraction de soap opera et podcast), comme il l’appelle, sait bien s’entourer. Parmi les voix de Saint-Jacut, on retrouve des acteurs, humoristes et youtubeurs bien connus comme Raphaël Descraques (son frère), Florent Dorin (Le Visiteur du Futur), Davy Mourrier, Monsieur Poulpe ou bien encore Yassine Belhoussse.

Pour être innovant, il faut fuir les contraintes...

Dans un paysage du podcast français dominé par une majorité de talkshows ou d’interviews, le format de Mystères à Saint-Jacut détonne forcément. Pourtant, cette idée de soap opera est surtout née grâce aux contraintes de la fiction : « Je suis fasciné depuis longtemps par les feuilletons comme Plus belle la Vie et la manière dont ils arrivent à faire vivre une ville entière avec des intrigues invraisemblables, explique-t-il. Je voulais faire une série du même genre, mais en audio pour me débarrasser des difficultés techniques liées au visuel. Avec un enregistrement d’une heure environ, je me disais aussi que je pouvais motiver les acteurs à participer sans leur prendre trop de temps dans leur journée. »

... et YouTube

Autre credo de François Descraques : s'évader de YouTube ! « Il y a dix ans quand on a commencé à mettre des vidéos sur internet il n’y avait pas du tout de formatage et on pouvait vraiment innover. Maintenant YouTube possède une culture bien établie qui favorise certains formats plutôt que d’autres. Ce n’est pas encore le cas dans l’univers des podcasts. Il est encore possible de créer des choses originales dans son coin et de se faire remarquer. »

À l’entendre, on se demande si une web série comme Le Visiteur du Futur pourrait connaître le même succès aujourd’hui. Après tout, l’époque des fictions tournées par des amateurs ou des semi-professionnels semble bien révolue. « Ce qui est assez triste, c’est que l’algorithme de YouTube restreint la visibilité pour ce genre de vidéo, explique-t-il. Aujourd’hui, une web-série autoproduite aurait du mal à trouver son public. Quand je me mets à la place des jeunes créatifs qui n’ont pas de moyens et qui veulent se faire connaître, je comprends très bien pourquoi ils font des vlogs plutôt que de la fiction. Il faut aussi rappeler que Le Visiteur a surtout connu le succès sur Dailymotion. À cette époque, la plateforme avait des curateurs qui regardaient les vidéos et décidaient de mettre en avant celles qui leur plaisaient le plus. C’est surtout grâce à eux qu’on a connu le succès. »  

Quand le web envahit le cinéma

À l’heure où les algorithmes de YouTube ont gagné la partie, seuls les grands studios de création de contenu comme Golden Moustache, Studios Bagel ou France.tv Slash arrivent à faire vivre la fiction sur le web. Pour François, l’avenir se situe plus du côté du cinéma. En octobre 2018, il avait annoncé que Le Visiteur du Futur allait être adapté pour le grand écran.

« On a de plus en plus de portes qui s’ouvrent sur ce plan, confie le réalisateur. On a des youtubeurs comme Ludovik ou Jérôme Niel qui participent régulièrement à des projets de longs métrages. Mais pour le moment, on reste dans l’entre-deux. Les gens du cinéma prennent assez peu de risques et on attend encore le projet qui fera tout voler en éclat ». On croise les doigts pour que ça soit le sien.

POUR ALLER PLUS LOIN :  

> SKAM : la série qui va (enfin ? ) réinventer le transmédia

> J'ai assisté au tournage d'une fiction sonore pour Sybel, le « Netflix du podcast » made in France

David-Julien Rahmil

David-Julien Rahmil

Squatteur de la rubrique Médias Mutants et Monde Créatif, j'explore les tréfonds du web et vous explique comment Internet nous rend toujours plus zinzin. Promis, demain, j'arrête Twitter.
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