Logos de spotify, deezer et apple music sur fond d'argent

« J’ai acheté des streams sur Spotify » : la pratique controversée qui agite l’industrie musicale

© montage Marin Tézenas

Pour conquérir les Charts, certains artistes font appel à des services d’achat de lectures sur les plateformes de streaming musical. Un moyen de gonfler ses stats, certes, mais au risque de salir son image d'artiste...

« Tu ne peux pas t'acheter du goût, mais tu peux t'acheter des streams et des vues », chante le rappeur français Alpha Wann. Et il n'est pas le seul à dénoncer cette pratique qui plombe la crédibilité des artistes au sein de l’industrie musicale. Quel objectif visent les artistes qui se prêtent à une telle manœuvre ? Gonfler leur nombre d’écoutes sur les plateformes type Deezer ou Spotify, et faire passer leur production pour un succès. Pour les aider à tricher, des dizaines de sites internet proposent leurs services, pour des sommes plus ou moins accessibles. Est-ce légal ? Contrôlable ? Qu’en pensent les géants du streaming ? Le média suisse Tataki a mené l’enquête.

Une pratique excessivement facile d’accès

Aujourd'hui, pour évaluer la cote d’un artiste, il est normal de parler stats. À l’ère où le gros de la consommation de musique passe par les plateformes de streaming musical type Spotify, Apple Music, Deezer, Amazon Music... les chiffres ont leur importance et, surtout, ils n’ont jamais été aussi visibles. Alors pour les faire monter, certains musiciens sont prêts à faire quelques entorses. Pour comprendre comment cela fonctionne, les journalistes de Tataki ont enregistré un morceau (ironiquement appelé « Paie tes bots » ), puis l’ont téléchargé sur les plateformes. Ensuite, ils ont utilisé des outils qui proposent de faire gonfler leur audience. Vous connaissez l'achat de like sur les posts, de fans pour les influenceurs, ou de commentaires sympas ? C'est le même principe. Certains sites proposent aux artistes d'acheter des écoutes sur les morceaux qu'ils ont mis en ligne. Niveau budget, cela varie selon la plateforme de diffusion. Sur le site Boostium par exemple, 25 000 streams sur Spotify valent 89 €, alors que 20 000 écoutes en valent 299 € sur Deezer. Selon Mélissa Afsin, journaliste chez Tataki, le prix d'une écoute sur Spotify dépend aussi du pays d’origine de la lecture. Disons qu’un stream français et un stream vénézuélien ne valent pas le même prix, puisqu’ils ne comptent pas dans les mêmes classements.

Au cours d'un reportage bien ficelé, l'équipe de Tataki a mené l'enquête. © Tataki sur YouTube

L'expérience menée sur le morceau des journalistes de Tataki a en partie porté ses fruits. Sur Deezer, le titre n'a pas obtenu les écoutes promises, soit grâce aux outils de régulation de la plateforme, soit à cause d'une arnaque. En revanche, sur Spotify, c’est une autre histoire. Le son « Paie tes bots » comptabilise pas loin de 19 000 streams, émanant principalement de deux villes inconnues. Bingo.

Le double impact de la fraude au stream

Plusieurs enseignements sont à retenir d'une telle expérience. D'abord, les plateformes de streaming ont de véritables carences pour lutter contre les fraudeurs. Ensuite, cette fraude pénalise tous les artistes car les performances surévaluées des uns font passer celles des autres pour des échecs. Inutile de préciser pourquoi ce type de pratiques est largement raillé et déprécié par les artistes en règle générale. Le rappeur Booba n'a pas caché sa colère contre Ninho quand celui-ci est passé numéro 1 du top album, en apparaissant mystérieusement au sommet des Charts dans de nombreux pays asiatiques, réputés pour leurs fermes à streams. À bon entendeur, salut.

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