C’est la première fois qu’une chaîne de supermarchés est assignée sur la base du devoir de vigilance. En cause : les produits à base de viande bovine d’Amérique du Sud, qui contribuent à la déforestation.
Plus de transparence… et des millions d’euros de dédommagement. C’est ce que demandent onze ONG françaises, brésiliennes et américaines au groupe de supermarchés Casino, pour son implication dans la déforestation amazonienne, et la spoliation de terres autochtones.
Devoir de vigilance
Les ONG mobilisées invoquent la loi sur le devoir de vigilance pour motiver leur décision. Le texte de loi oblige les entreprises basées en France et y employant plus de 5 000 personnes (ou plus de 10 000 à travers le monde) à prendre des mesures pour prévenir les atteintes aux droits humains et à l’environnement. Or, le groupe Casino est accusé de vendre de la viande provenant d’élevages bovins extensifs du Brésil et de Colombie, mais aussi de détériorer les terres ancestrales de populations autochtones. C’est la première fois qu’un distributeur alimentaire est épinglé sur le sujet. En France, Total avait déjà été mis au banc des accusés pour ses activités en Ouganda.
Un « risque pour la planète entière »
Pour porter les intérêts de la coalition, le cabinet américain Seattle Avocats, qui évoque un « risque pour la planète entière ». Casino travaillerait en effet avec quatre fermes impliquées dans la déforestation illégale et la mainmise sur des terres amazoniennes. Elles seraient responsables de la déforestation de 5 000 hectares au profit de l’élevage bovin, selon Envol Vert, l’une des associations mobilisées. Au total, 52 produits vendus régulièrement par la chaîne sont incriminés.
Le manque de vigilance de #Casino doit être puni! 11ONG assignent le gp pr qu’il respecte la loi sur le devoir de vigilance & prenne des mesures pr mettre fin aux violations des droits humains, à la santé et l’environnemt causées par ses partenaires en Amérique latine#DoubleJeu pic.twitter.com/A5h2UWfqBf
— Envol Vert France (@Envolvert) March 3, 2021
Ces accusations font écho à de nombreuses revendications, dont celles de la juriste Valérie Cabanes, qui souhaite que l'on reconnaisse le crime d'écocide. Dans son livre, Un nouveau droit pour la Terre, elle regrette que les multinationales aient co-écrit des règles commerciales internationales qui leur permettent une certaine immunité.
Casino dément
De leur côté, les équipes de Casino sont formelles : tout est clean niveau traçabilité. Le Groupe « se conforme scrupuleusement à ses obligations légales », promet l’avocat de Casino dans un entretien accordé à l’AFP. Sur son site, Casino se veut rassurant : sa filiale brésilienne (GPA) déploierait une politique « systématique et rigoureuse de contrôle de l’origine de la viande bovine livrée par ses fournisseurs ». Problème : les ONG dénoncent des vérifications qui ne concernent que trois fournisseurs et omettent volontairement « les fermes indirectes » qui sont aussi impliquées – et qui représentent 59% de la déforestation, rappelle Envol Vert.
Combat écologique et bataille économique
Si les associations obtiennent gain de cause – à savoir, une meilleure traçabilité dans la chaîne d’approvisionnement et des millions d’euros de dédommagement déboursés pour les peuples autochtones ainsi que pour les ONG mobilisées –, la chaîne de supermarchés pourrait sérieusement revoir son implantation sur le continent. Or, en 2020, l’Amérique du Sud représentait 46% des ventes du groupe Casino. L’audience devrait avoir lieu d’ici un an : Casino sera peut-être obligé de revoir ses pratiques, mais pas les fermes incriminées. Et l’on peut douter du fait qu’elles changent leur modus operandi. Casino condamné, la place sera donc libre pour tout autre distributeur peu scrupuleux.
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