Sur le réseau social, les marques qui s’en sortent le mieux ne se comportent pas vraiment comme des marques. Et l'appli de cours de langues est un maître en la matière.
Duo – le hibou mascotte de Duolingo – s’avance d’un pas lourd, le corps déformé par un filtre. « On my way to start drama for no reason » (en chemin pour aller faire un drame sans aucune raison), indique la légende. Une vidéo plus tard, le voilà assailli par les paparazzi, pansements sur le nez, sortant visiblement d'une opération de chirurgie esthétique. Le compte TikTok de l’appli de cours de langues enchaîne assez habilement humour potache et blagues absurdes, parfois sans aucun rapport avec l'apprentissage des langues étrangères. Et cela semble fonctionner. Depuis son lancement en février 2021, le compte réunit 2,3 millions d’abonnés. Pas mal pour une entreprise. C’est plus que McDonald's (1,9 million d’abonnés) ou Zara (1,1 million d’abonnés), ou encore Jacquemus (184,6 mille abonnés), marque de luxe chouchou de la Gen Z, qui s'en sort pourtant bien sur Instagram.
Certaines publications de Duolingo cumulent plus de 20 millions de vues et 5 millions de likes.
Certes, avec un gros hibou vert qui fait déjà rire une partie de la toile en guise de mascotte, c’est tout de suite plus facile. Mais Duolingo aurait pu se contenter de reprendre quelques blagues sur ses notifications culpabilisantes, déjà transformées en mèmes par le web. Au lieu de ça, l’appli se comporte plus comme un influenceur TikTok que comme une marque. Elle se moque d’elle-même et n’hésite pas à faire un peu n’importe quoi devant la caméra. « Plus nos publications sont chaotiques, plus nos abonnés TikTok nous prennent au sérieux. Ils se disent "oh ils sont marrants, pas juste marrants, mais vraiment marrants" », résume à Protocol Zaria Parvez, en charge du compte TikTok de l’application.
Chief TikTok Officer
Zaria Parvez explique ne pas chercher à avoir plus d’inscrits sur Duolingo grâce à TikTok, son but – comme n’importe quel autre utilisateur TikTok – est d’avoir plus de reconnaissance, plus d'abonnés et une collab' avec Dua Lipa (running joke du compte de Duolingo). « Le réseau social ne tient pas à ce que vous vous preniez au sérieux, explique Zaria Parvez. Il ne tient pas à ce que tout soit parfaitement bien filmé et édité ». Pour elle, la clé de la réussite reste de laisser ce poste à de jeunes salariés, qui saisissent la dynamique de TikTok. Elle-même a été embauchée chez Duolingo juste après l’université.
Les marques l’ont bien compris. Les annonces pour recruter des « Chief TikTok Officers » s’adressent clairement à de jeunes (voire très jeunes) candidats, quitte à demander au stagiaire de s’en charger, comme la néobanque Vybe ou le média Numerama.
Pas vraiment de l’authenticité, mais de l’absurdité
Dans une tribune pour The Drum, la creative strategist Emily Gorey estime que Duolingo illustre bien ce saut vers l’absurde, voire le non professionnalisme (qui n’est pas, pointe-t-elle, cette pseudo authenticité vantée par les marques… personne n’est dupe ! ) que sont en train de faire les entreprises sur TikTok, poussées par la génération Z.
La madame ne s'appelle pas Zara Parvez. C'est Zaria Parvez.
Merci - nous rectifions.