Une femme en train de regarder un portant de vêtements

Trois femmes qui aident à rendre la mode plus durable

© Becca McHaffie via Unsplash

Du vintage, des culottes écolos, et de l’accompagnement de grandes boîtes. Trois parcours de femmes animées par une même conviction : il est temps de changer la mode.

À l’occasion du festival de l’économie engagée, Les Canaux dédient une semaine à la mode responsable. Et c’est pas du luxe : avec 56 millions de tonnes de vêtements produits chaque année, la mode a des effets catastrophiques sur la planète et la santé. Pollution des eaux, hyper fast fashion, matériaux dangereux… Il y a du pain sur la planche si l’on veut que le secteur avance dans le bon sens.

Zoom sur trois personnalités qui s’engagent pour un modèle plus vertueux.

Camille Greco, cofondatrice de CrushON

D’un côté, on a le boom et l’attrait du vintage. De l’autre, une offre pas toujours accessible au plus grand nombre. Il n’en fallait pas plus pour que Camille Greco, aux côtés de ses deux cofondateurs, ait l’idée de CrushON, une marketplace de vêtements vintage.

« Nous sommes tous les trois fans de seconde main, confie Camille. Les avantages du vintage sont multiples : des petits prix, un style unique, et surtout un meilleur impact environnemental qu’un vêtement neuf. Sauf que les freins sont aussi nombreux : il faut toujours se déplacer, farfouiller dans de grands bacs de naphtaline pas super sexy, et surtout il n’y a pas forcément d’offre à proximité ». À l’époque, il existait déjà certains services de vide-dressing entre particuliers, mais sans vrai critère de sélection pour les vêtements. Avec CrushON, c’est différent. Quand le site voit le jour en 2018, Camille est encore étudiante. Mais ça n’empêche pas l’offre de séduire trois friperies. « Aujourd’hui, elles sont mille à être représentées chez nous », expose Camille avec fierté. Au total, ce sont cinquante mille personnes qui utilisent le service à travers la France, la Belgique et la Suisse. La majorité est jeune – entre 16 et 35 ans. Leurs ambitions ? « Trouver des solutions. » Camille note deux profils majoritaires. « D’un côté on a le consommateur éthique, qui veut changer les choses, de l’autre celui qui veut shopper des pièces uniques. Mais les deux ne sont pas incompatibles ! »

Quand on l’interroge sur ses motivations, on sent que Camille est engagée. « On a largement assez de vêtements sur Terre pour vêtir plusieurs générations. L’industrie est en totale dérive pour la Terre et les êtres humains. C’est complètement opaque. » Une industrie opaque, mais pour elle, c’est clair : « le vintage est la solution directe à une mode plus circulaire aujourd’hui. » Pour celle qui a connu l’envers des paillettes après une école de mode, il est urgent de changer les dessous du secteur. « Les consommateurs ne sont pas encore suffisamment informés ni sensibilisés sur le sujet. Si les marques de fast fashion existent encore, c’est qu’il y a une demande. » Pour elle, cela passera par la mise en lumière d'initiatives positives – pourquoi pas via des partenariats avec de grandes marques.  « On parle beaucoup de "greenwashing", mais la moindre démarche positive est bonne à prendre pour éveiller les consciences. »

Laurine Vaudet, cofondatrice de Bombo

Le vintage, c’est bien joli, mais le système a ses limites. En l’occurrence, on ne va pas (encore) acheter ses sous-vêtements en friperie. C’est le point de départ de Bombo. Avant Bombo, Laurine Vaudet et les deux autres cofondatrices de la marque n’avaient pas de connaissance, autre que passionnelle, de la mode. « On s’interrogeait sur nos pratiques, notre consommation. » Leur premier constat ? Il n’existe pas de produits qui s’intéressent à la fois à l’intimité de la femme et à l’écologie. Il n’en fallait pas plus pour que les trois amies se décident : leur marque de culottes sera écoresponsable. Made in Portugal.

Ici, pas question de penser en termes de collections. « On voulait justement s’éloigner de cette idée, qui est associée à l’idée de nouveauté, de besoin. C’est complètement obsolète. Aujourd’hui, on prend une autre direction : celle de créer des basiques écoresponsables qu’on puisse garder longtemps. » On ne parle pas là de sous-vêtements hyper résistants de grand-maman… Mais de culottes résolument tech ! Fabriquées en SeaCell, une matière à base d’algues très transparente en matière de traçabilité, leurs vertus sont nombreuses. Pour l’environnement, déjà, c’est une bonne nouvelle : le SeaCell consomme beaucoup moins d’eau que le coton bio. Pour nous, ensuite. « Les propriétés du SeaCell sont très bonnes pour la peau, à tel point qu’on l’utilise parfois dans le domaine médical. » Soucieuses d’aller au bout de la démarche écoresponsable, Laurine et ses équipes ont appris à teindre leurs produits à l’aide de teintures naturelles et végétales. Au passage, elles apprennent l’histoire des couleurs et cultivent une envie : celle de développer des ateliers et des kits pour nous apprendre à entretenir et nous réapproprier nos vêtements. Déterminée, Laurine est convaincue que ne pas venir du monde de la mode lui permet de « rêver plus fort », et de penser sans limites au futur de l’industrie. Et force est d'admettre que l'utopie est belle – celle « d’aimer nos corps et la planète avec ».

Clotilde Champetier, responsable du pôle Economie Circulaire pour l'association Orée

Chez Orée, on accompagne des acteurs de tous horizons. Entreprises, associations, fédérations… « En fait, on aide tout le monde à améliorer ses pratiques environnementales ! » résume, enthousiaste, Clotilde Champetier. Au sein du réseau, trois métiers : expliquer, accompagner et créer des espaces de rencontre. Parmi ses nombreuses missions, Clotilde travaille notamment avec les acteurs du textile au sein de l’éco-organisme Re_Fashion. Objectif : mettre en place une plateforme d’écoconception. Outils, informations, méthodologies, ressources…, tout est mis en commun pour permettre aux entreprises textiles d’éco-concevoir leurs vêtements.

Son poste d’observatrice privilégiée lui permet de dessiner de grandes tendances. Parmi les plus notables, elle assiste, réjouie, à de plus en plus de collaborations « entre marques traditionnelles et solutions émergentes » . « Il y a une réelle prise de conscience vis-à-vis des enjeux environnementaux », note-t-elle. Bien sûr, cela ne concerne pas que la mode. Mais il est encourageant de voir qu’un secteur traditionnel et parfois un peu verrouillé s’ouvre à la nouveauté. Prudence toutefois, rien n’est gagné… « Face aux nouvelles initiatives, certaines entreprises sont réfractaires. Elles continuent de penser qu’on peut produire à bas coût sans se soucier de l’environnement ni des gens. D’autres sont indécises. Elles sentent que le vent tourne, mais ça n’est pas facile. Enfin, il y a les précurseurs, qui portent haut les projets engagés. » Heureusement, elle voit de plus en plus d'indécis se poser des questions, puis agir. « Ce qui est certain, c’est que rien ne peut bouger si les personnes à la tête de ces entreprises ne s’engagent pas. » Elle encourage donc les dirigeants à bouger... ainsi que les consommateurs et consommatrices qui voudraient s’engager : « La législation peut changer ! Et il est tout à fait en notre pouvoir de faire pression sur les instances régulatrices. »

Alors, on se lance ?


Pour visionner le replay de la conférence du 23 juin 2021, c’est par ici :

Mélanie Roosen

Mélanie Roosen est rédactrice en chef web pour L'ADN. Ses sujets de prédilection ? L'innovation et l'engagement des entreprises, qu'il s'agisse de problématiques RH, RSE, de leurs missions, leur organisation, leur stratégie ou leur modèle économique.
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