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NFT ou comment la spéculation est devenue un business model

© Gremlin

Les NFT, c’est LE phénomène qui agite les amateurs d’art en général, d’art numérique en particulier et tous les spéculateurs qui gravitent autour… Mais est-ce que les NFT peuvent devenir un business model sur d'autres marchés ?

C'est quoi un NFT ?

Pas de panique ! Si vous ne savez pas ce qu'est un NFT, ce n'est pas (encore) trop honteux. Car le phénomène a à peine une décennie, et son fabuleux emballement ne date que de quelques mois.

Petit cours de rattrapage express.

On est le 11 mars 2021, chez Christie's. Ce jour-là, Mike Winkelmann, artiste américain d'art numérique surnommé Beeple, vend une de ses œuvres pour la somme faramineuse de 69,3 millions de dollars. Et ce phénoménal prix est sidérant pour au moins trois raisons.

  1. D’abord parce qu’en une seule vente, Mike Winkelmann qui n’avait jamais rien vendu à plus de 100 euros, a réussi le tour de force d'entrer dans le top 3 des artistes vivants les plus chers du monde, derrière David Hockney et Jeff Koons.
  2. Ensuite, parce que l'œuvre vendue est une œuvre numérique, elle est immatérielle donc. Tous les jours : les 5 000 premiers jours peut être consultée par n'importe qui, n'importe quand et depuis n'importe quel appareil.
  3. Et enfin, la chose la plus étonnante : l'œuvre a été vendue en format NFT !

Mais tout cela ne vous dit pas ce qu'est un NFT. Un NFT, littéralement, c’est  « non fongible token », « jeton non fongible » en français. Il est stocké dans la blockchain, ce qui le rend unique et infalsifiable. Comme un certificat d'authenticité, il est associé à un objet digital ou physique. C'est le moyen de créer de la rareté sur des objets numériques qui peuvent être dupliqués à des milliards d'exemplaires. Vous ne voyez pas l'intérêt ? Il est pourtant très clair pour ceux qui l'ont compris. Les NFT sont le moyen de vendre, éventuellement très cher, ce qui circulait gratuitement sur Internet – de créer de la valeur donc – et surtout de développer de nouveaux marchés à la spéculation.

Pourquoi le phénomène des NFT s'emballe en 2021

Les premiers certificats d'authenticité liés à la blockchain sont apparus dès 2014. Mais ce n'est qu'en 2017 que sont apparus les premiers projets artistiques basés sur des NFT. Cette année-là, les CryptoPunk, collection de petits dessins de personnages pixellisés, se sont vendus sous cette forme.

Pourquoi ce phénomène marginal a-t-il explosé depuis 2020 ?

Les NFT ont suivi la prise de valeur des cryptomonnaies. En mars 2020, 1 ether valait moins de 200 dollars. En mars 2021, il en vaut près de 1 200. Or les NFT sont souvent vendus dans cette monnaie numérique – assurant ainsi une plus-value quasi mécanique aux objets acquis de cette manière.

Par ailleurs, la pandémie a mis le monde de l'art à l'arrêt. Les artistes ont vu donc dans les NFT un modèle économique de remplacement.

Enfin, on voit émerger autant de plateformes pour acheter des NFT que d'applis pour en créer. Du coup, le marché, tout en restant encore un peu complexe à manier, commence à rendre la pratique plus accessible.

Est-ce que d'autres marchés pourraient s'intéresser au NFT ?

Le secteur du sport est très attiré par ce nouveau mode de financement. La NBA a notamment été pionnière sur le sujet. Depuis 2020, elle permet aux fans de baskets d’acheter et de collectionner des extraits de match, des extraits vidéo des moments forts. Il faut sans doute y voir comme une version 3.0 de la carte Panini. Ici, la petite carte en papier est une courte vidéo, et elle est certifiée par un NFT. Le fan ne détient pas de droits lorsque l’extrait est diffusé, mais il obtient celui de revendiquer que ces images sont à lui... et de revendre son NFT avec peut-être une plus-value.

Chez StockX, la plateforme d'achat et de vente de sneakers de collection, Olivier Van Castel, VP International, ne semble pas trouver aberrant d'imaginer de telles transactions. Il avait confié à Alice Huot lors d'une interview : « Une marque pourrait mettre en vente des sneakers et les acheteurs recevraient le titre de propriété mais pas le produit lui-même. Ils pourraient le revendre sans que les chaussures ne quittent les locaux de StockX où ils sont authentifiés. »

Les limites du modèle des NFT

À l’origine des NFT, l'entrepreneur Anil Dash et l'artiste Kevin McCoy. L'un et l'autre étaient impressionnés par le foisonnement créatif de la plateforme Tumblr. Mais ils déploraient également que les œuvres soient reprises, copiées, plagiées sans vérification possible et sans assurer de rémunération à leurs auteurs. À l’époque, ils avaient créé un moyen d’authentifier les œuvres via la blockchain. Ce n'était pas encore des NFT, mais des “Graphiques monétisés”.

Aujourd'hui, Anil Dash regrette que les NFT n’aient plus rien à voir avec son projet de départ. Dans The Atlantic, il évoque au moins trois dérives des NFT.

  1. La valeur réelle des œuvres peut dépendre du cours de la cryptomonnaie qui la soutient... et n'a plus rien à voir avec sa qualité réelle,
  2. Les NFT restent réservés aux amateurs éclairés des cryptomonnaies et créent donc de vraies ruptures sociales,
  3. Les NFT comme les cryptomonnaies ont un bilan écologique épouvantable.

Les NFT font-ils partie d'une tendance plus vaste ?

Dans le phénomène des NFT, on voit à l'œuvre cette fameuse économie des avatars. Il s'agit d'une économie full numérique : on achète des biens numériques, sur des plateformes numériques avec de la monnaie numérique. L'économie des avatars est particulièrement développée sur le marché du gaming, où la vente d'armes et de skins constitue déjà une ligne de revenus importante pour les éditeurs... Et voilà qu'elle arrive sur le marché de l'art.

Autre tendance de fond : le conso'trading. À présent, le consommateur est invité non plus seulement à acheter mais carrément à investir. Une tendance sur laquelle nous reviendrons dans l'émission de la semaine prochaine et dans le numéro 27 de la revue de L'ADN.

Pour en savoir plus sur les NFT, vous pouvez revoir notre émission Tendances du 16 avril 2021.

Béatrice Sutter

J'ai une passion - prendre le pouls de l'époque - et deux amours - le numérique et la transition écologique. Je dirige la rédaction de L'ADN depuis sa création : une course de fond, un sprint - un job palpitant.

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