
Est-il possible de lutter contre le réchauffement climatique tout en nourrissant la planète ? La réponse des chercheurs est oui. Et en plus, ce sera bon pour l’économie.
Alors que la colère gronde chez les agriculteurs, une récente étude internationale conclut que les systèmes alimentaires actuels détruisent plus de valeur qu'ils n'en créent et en appelle à une réforme urgente. Selon les chercheurs, une refonte globale des systèmes alimentaires pourrait rapporter 10 000 milliards de dollars par an et sauver des millions de vies. Bonne nouvelle : selon les estimations de FSEC (le Food System Economics Commission) le coût de la transformation serait bien inférieur aux avantages potentiels.
Qu'est-ce que le « système alimentaire » ?
Le « système alimentaire » fait référence aux moyens à l'échelle nationale par lesquels les aliments sont produits, commercialisés et consommés. Elle est intrinsèquement liée aux aspects politiques, économiques, sociaux, culturels et écologiques d’une nation. Mais si le modèle actuel a permis d’assurer la sécurité alimentaire au XXème siècle, il est aujourd'hui démontré que l’agriculture intensive pratiquée depuis les années 60 dégrade les écosystèmes et impact notre espérance de vie. Selon Johan Rockström, à la tête de l’Institut de Potsdam pour la recherche sur les effets du dérèglement climatique (PIK) et coauteur du rapport, une refonte radicale des systèmes alimentaires est nécessaire, voire « vitale ». Qu'est-ce que cela implique ? De « renoncer à la monoculture, d’abandonner certaines pratiques courantes comme le labourage, de revoir l’utilisation des engrais et d’éviter de s’étendre dans la nature encore préservée », indique le chercheur.
10 000 milliards de dollars par an
Dans un rapport publié par la Food System Economics Commission, une équipe de chercheurs a évalué les moyens par lesquels le système alimentaire pourrait économiquement être amélioré. Pendant 4 ans, ils ont mené une analyse coûts/avantages du scénario alimentaire mondial actuel pour estimer les impacts économiques, sociaux et environnementaux d’un changement politique mondial optimisé. Leurs conclusions ont révélé que transformer le système alimentaire mondial pour aller vers un modèle plus durable, meilleur pour la santé, le climat et la biodiversité pourrait générer des gains économiques pouvant atteindre 10 000 milliards de dollars par an (1,7 à 12 % de gains de PIB), tandis que les politiques et la mise en œuvre nécessaires pour répondre à ces transformations coûteraient à peine 0,2 à 0,4 % du PIB mondial. « Les coûts de l'inaction pour transformer un système alimentaire défaillant dépasseront probablement les estimations de cette évaluation, étant donné que le monde continue d'avancer rapidement sur une voie extrêmement dangereuse. Il est probable que non seulement nous dépasserons la limite de 1,5°C, mais nous sommes également confrontés à des décennies de dépassement », a déclaré Johan Rockström, directeur de l'Institut de Potsdam pour la recherche sur l'impact climatique (PIK) et directeur du FSEC.
Sauver 174 millions de vies
Pour en arriver à ces conclusions, les scientifiques ont réalisé une modélisation complète des impacts de deux futurs possibles. Dans le parcours « Tendances actuelles », le rapport nous projette en 2050, sur la base des engagements pris lors par les décideurs politiques actuels (COP, Accords de Paris...). Conclusion : 640 millions de personnes (dont 121 millions d'enfants) seront touchées par l'insécurité alimentaire et souffriront d'insuffisance pondérale. L'obésité quant à elle augmentera de 70 % au niveau mondial. Les systèmes alimentaires continueront à être responsables d’un tiers des émissions mondiales de gaz à effet de serre, contribuant à un réchauffement de 2,7 degrés d’ici la fin du siècle par rapport aux périodes préindustrielles. Enfin, la probabilité d’évènements extrêmes augmentant considérablement, la production alimentaire deviendra de plus en plus vulnérable au changement climatique.
Mais bonne nouvelle, selon le FSEC, le système alimentaire pourrait au contraire contribuer de manière significative à faire des économies et apporter des solutions aux défis sanitaires et climatiques. Ainsi, dans le cadre de la modélisation « Transformation du système alimentaire », (qui traduit les services écologiques, culturels, environnementaux et de santé sous forme monétaire) les économistes ont démontré que d'ici 2050, de meilleures politiques et pratiques agricoles (plus de fruits et légumes, moins de viande, baisse des énergies fossiles...) pourraient conduire à l'éradication de la dénutrition et, à sauver 174 millions de vies d'une mort prématurée due à des maladies chroniques liées à l'alimentation. La recherche indique également que les systèmes alimentaires pourraient devenir des puits nets de carbone d’ici 2040, contribuant ainsi à limiter le réchauffement climatique, tout en protégeant 1,4 milliard d’hectares supplémentaires de terres et en inversant la perte de biodiversité. En outre, selon les experts cette refonte permettrait à 400 millions de travailleurs agricoles dans le monde de bénéficier d’un revenu suffisant. Enfin, le rapport souligne l’impact profond des régimes alimentaires sur le climat économique et les résultats écologiques. « L'adoption mondiale d'un régime alimentaire à prédominance végétale représente environ 75 % des bénéfices totaux pour la santé et l'environnement de la transformation du système alimentaire et contribuerait en moyenne à hauteur de 2 % supplémentaires par an au PIB mondial. »
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