une fleur hybride faite de chairs et de cheveux

4 tendances artistiques qui interrogent notre rapport à la nature

© Patricia Piccinini, Bootflower, 2015 © Courtesy of the artist

Les tendances artistiques actuelles nous proposent une approche du vivant et de l’environnement qui émerveille autant qu’elle nous fait frémir.

Au-delà de l’humain avec le chimérisme

En génétique, le « chimérisme » désigne la présence de deux ADN distincts chez un sujet humain. Bien que ne se revendiquant pas comme tels, une poignée d’artistes Instagram, puisant aussi bien dans le grotesque que dans l’art corporel, utilisent leurs corps comme un matériau brut à transformer, repoussant par là même les limites de leur apparence humaine. Oreilles d’elfe, prothèses horrifiques, hybridation homme/animal, fusion des vêtements et de la peau… À l’instar du duo transformiste Fecal Matter ou du drag artist Salvjiia, qui réunissent à eux seuls plus d’un million d’abonnés (soit autant que les superstars de l’art contemporain Jeff Koons et Damien Hirst), ces adeptes d’une esthétique mutante fascinent par leurs transgressions et leur liberté de ton. Ils questionnent les fondements de notre identité biologique, et, ce faisant, de notre humanité.

Sur Instagram, les hashtags #posthuman et #posthumanism dédiés au « chimérisme » cumulent près de 40 000 publications depuis leur création, et servent de vitrine à des artistes comme l’Australienne Patricia Piccinini, dont le travail, à l’intersection des sciences et de la fiction, porte précisément sur les représentations du vivant.

Transcorporéité : quand notre chair et l’environnement ne font plus qu’un

Dans le film Annihilation d’Alex Garland (2018), une étrange zone baptisée « The Shimmer » modifie l’ADN de tous les organismes vivants qui s’y trouvent piégés, au point de créer toutes sortes d’hybrides entre végétaux, animaux et humains.

Cette question de la perméabilité du vivant est également au cœur des travaux de la chercheuse américaine Stacy Alaimo, à qui l’on doit le concept de « transcorporéité », soit l’idée que la substance de l’être humain est indissociable de son environnement. Parce que nous sommes en interconnexion permanente avec le monde non-humain (que ce soit via les échanges de micro-organismes ou les interactions avec les agents chimiques), nos identités corporelles sont plus poreuses qu’il n’y paraît et notre singularité humaine se trouve elle-même renégociée.

Une approche non anthropocentrique du vivant que l’on retrouve chez le philosophe britannique Timothy Morton, dont le concept de « dark ecology » nous invite à repenser de manière horizontale notre relation aux non-humains. Apparu en 2010, le terme a depuis fait son chemin sur les réseaux sociaux, générant près de 600 conversations sur Twitter en 2019. Sur Instagram, les quelques 3 000 publications associées au hashtag témoignent de sa résonance croissante dans la sphère artistique.

L’écofuturisme : Mad Max dans la verdure

Avec ses collections « Radiation » et « Marée noire » présentées cette année, la jeune styliste française Marine Serre a imposé dans l’imaginaire collectif sa vision écologique et radicale de la mode. Prenant appui sur une scénographie postapocalyptique, qui véhicule l’idée d’une nature contaminée, son esthétique « écofuturiste » s’inscrit pleinement dans le travail de fiction lancé depuis quelques années par une petite communauté de vidéastes et de digital artists. On peut citer Rick Farin et Nic Hamilton, qui travaillent tous deux sur les intersections possibles entre nature et technologie.

À rebours des représentations dystopiques, une imagerie visuelle où la ville et la nature tendent à fusionner de manière harmonieuse gagne en popularité sur Instagram. On peut trouver des illustrations de ce versant lumineux de l’ « écofuturisme » dans l’architecture biomimétique de Vincent Callebaut et, plus largement, dans l’optimisme du mouvement #solarpunk, qui peut se targuer de fidéliser sur Reddit une communauté de plus de 10 000 membres.

Field Recording : la complexité du vivant par le son

Enregistrer le vivant : telle est la discipline à laquelle s’adonnent un nombre croissant de musiciens pour témoigner des effets du dérèglement climatique. Diplômée en art et spécialisée en écologie des poissons, la norvégienne Jana Winderen est l’une des figures de proue du « field recording », cette pratique qui consiste à utiliser les dernières technologies d’enregistrement sonore pour étudier la diversité animale et révéler la complexité des environnements sauvages, souvent non préemptés par l’homme : banquise, fond des océans, forêts tropicales, massifs montagneux, etc.

À l’instar du pionnier britannique Chris Watson ou de l’audionaturaliste Marc Namblard, cette microcommunauté de chasseurs de sons sillonne les espaces vierges en quête de matière à exploiter, et opère à des fins tout autant musicales que scientifiques. Signe de l’engouement grandissant autour d’une discipline qui reste parfois mal comprise, plus de 75 000 publications sont associées au « field recording » sur Instagram. Sur la plateforme de streaming musical Bandcamp, on ne dénombre pas moins de 600 albums se réclamant du genre.


Cet article a été rédigé par Philippe Llewellyn, Anthony dos Santos et Ludovic Bajard de l'agence Uptowns.

Il est extrait de la revue 21 de L'ADN. Pour en savoir plus, cliquez sur ce lien.

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commentaires

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  1. Avatar Marine dit :

    Bonjour, cet article me paraît très intéressant, mais malheureusement les hyperliens sont non-fonctionnels.

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