Portable avec appli Toasty

Toasty, l’app de shopping qui veut rendre « désirables et fun » les marques éco-responsables

© Toasty

L’éco-anxiété ne fait pas vendre. L’application de shopping social Toasty préfère donc miser sur une interface pop, gamifiée et proche du réseau social pour vendre des produits dits écoresponsables.  

Exit le vert et la sobriété des habituels sites marchands de marques écoresponsables, sur l’appli française Toasty vous trouverez un mix de couleurs pastel et flashy, des quiz, et des émojis. L’application lancée fin septembre 2022 se définit comme une « discovery shopping app », comprenez une appli sur laquelle on peut acheter, mais aussi découvrir de nouvelles marques. Ici, elles sont sélectionnées pour leur côté « écoresponsables », avancent les fondateurs. Elles sont choisies selon différents critères : lieu de fabrication, matériaux utilisés, chaînes d’approvisionnements… 

On trouve du CBD « sans solvants chimiques », des vêtements upcyclés, des croquettes sans antibiotiques… Quelque 800 enseignes sont déjà référencées sur l’application. Toasty organise par ailleurs des ventes privées. Chaque jour une nouvelle marque est en vente éphémère pendant deux semaines avec des réductions de 20 à 40 % en moyenne. 

« Aujourd’hui quand on pense à une marque de sneakers écoresponsables on pense à Veja et c’est à peu près tout, observe Arnaud Willieme, cofondateur de l’app. Or, il existe au moins une vingtaine d’alternatives, mais on ne les connaît pas bien car ce sont encore de petites marques. » L’ambition de Toasty est donc de les faire découvrir à ses utilisateurs (ils sont 3 000 par semaine aujourd’hui), à grand renfort de fonctionnalités proches du réseau social, voire du jeu mobile. 

Pas d’éco-anxiété, mais du fun

Toasty se voit aussi comme un média, du moins un producteur de contenus « fun et engageants ». « On ne propose volontairement pas de contenus sur l’éco-anxiété, ni sur l’urgence climatique. Le but c’est de rendre désirable le responsable », expose Arnaud Willieme. En ligne de mire : les « écolos indécis », plutôt que les consommateurs déjà très sensibilisés à l’environnement – et qui par ailleurs ont peut-être déjà fait le choix de limiter leur consommation, voire d’arrêter de consommer certains biens.  

On trouve ainsi des fiches descriptives de marques que les utilisateurs peuvent noter, des liens vers des articles de presse sur la seconde main ou l'alimentation équilibrée, des minipodcasts que l’on peut partager sur les réseaux sociaux, mais aussi des quiz (type : combien de litres d’eau pour fabriquer un jean ? ). Arnaud Willieme pense à ajouter plus de fonctionnalités de ce type pour « gamifier l’ensemble du parcours d’achat ». « À terme, on aimerait intégrer des quiz sur des marques précises, une bonne réponse pourrait permettre à l’utilisateur de remporter une réduction supplémentaire. » Le fondateur songe aussi à un moyen de faire réaliser aux utilisateurs Toasty des « missions » pour les marques (une vidéo postée sur l’application par exemple), afin d’être récompensés. 

Inspirée des applis chinoises

L’interface est selon l’entrepreneur ce qui lui permettra de se distinguer de la concurrence – déjà féroce sur le marché de la vente privée. « On teste des fonctionnalités toutes les deux semaines », avance-t-il. Toasty n’hésite pas à emprunter certaines features aux réseaux sociaux, et à des applications chinoises comme Little Red Book, une plateforme de « shopping social » qui permet aux consommateurs d'interagir avec les marques. Le fil d’actualité de la petite appli française est par exemple pensé comme celui TikTok. « Il ne s’agit pas d’un scroll infini comme sur Instagram où vous faites défiler les contenus sans avoir à vous y arrêter, là le scroll s’arrête sur chaque contenu « comme sur TikTok où les vidéos se lancent automatiquement « pour inciter l’utilisateur à consulter ce contenu. »

L’expérience se veut aussi personnalisée. Lors de l’inscription, Toasty se renseigne sur les préférences de l’utilisateur et personnalise les contenus affichés en fonction de ses choix. « À terme, on aimerait mettre en place un algorithme de personnalisation, qui adapte le contenu selon ce que vous aimez, partagez… » Le live shopping est aussi en ligne de mire, même si pour le moment Arnaud Willieme estime que la tendance n’a pas encore tout à fait pris en France.

Responsable, mais surconsommation quand même 

On peut souligner le paradoxe de cette appli qui (comme son concurrent Choose d’ailleurs) pousse à la consommation via des fonctionnalités toujours plus engageantes, addictives et gamifiées, tout en voulant mettre en avant des marques « responsables ». 

Une illustration de ce que l’anthropologue Fanny Parise nomme le « mythe du capitalisme responsable », poussée par une catégorie de consommateurs baptisés par la chercheuse « enfants gâtés ». « Ils vont déplacer certaines pratiques de consommation ou d'usage et mettre en place des modifications de leurs routines quotidiennes qui vont être maîtrisées, expliquait-elle dans une interview accordée à L’ADN. C'est le changement au prix du moindre effort qui va permettre, par l'acte d'achat, de se donner bonne conscience en se pensant acteur de la transition éco-environnementale. Mais le résultat va surtout permettre de maintenir le système en place dans nos sociétés. »

Marine Protais

À la rubrique "Tech à suivre" de L'ADN depuis 2019. J'écris sur notre rapport ambigu au numérique, les bizarreries produites par les intelligences artificielles et les biotechnologies.
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