
Une équipe du MIT a développé un moniteur à ultrasons capable de dépister le cancer du sein. L'appareil pourrait sauver 12 millions de vies par an.
En 2015, Canan Dağdeviren travaillait comme postdoctorante au MIT lorsque sa tante Fatma est diagnostiquée d'une forme agressive de cancer du sein. La chercheuse qui se concentre sur la création d'appareils flexibles capables de capturer des données biométriques imagine alors la conception d'un soutien-gorge électronique doté d'un échographe intégré. Sa fonction : scanner les seins et de détecter les cancers avant qu'ils ne se propagent. Six ans et demi plus tard, celle qui dirige désormais le groupe de recherche Conformable Decoders au MIT Media Lab, a donné vie au croquis improvisé quelques années plus tôt. La dernière invention de son équipe : un patch à ultrasons portable et flexible qui se place dans le bonnet d'un soutien-gorge, maintenu par des aimants. « Maintenant, la technologie n'est plus un rêve sur un morceau de papier, c'est réel. Il est désormais possible de détecter les anomalies sur la poitrine des femmes. »

Un patch moins dangereux qu'une mammographie
La mammographie est à ce jour la meilleure méthode de dépistage du cancer du sein à disposition des médecins. Toutefois, les radiations qu'implique un tel examen limitent la fréquence à laquelle l'acte peut-être effectué. Il est généralement réalisé tous les deux à trois ans pour les femmes à partir de 40 ou 50 ans. En plus d'être inconfortable, la procédure consistant à écraser le tissu mammaire entre deux plaques peut également déformer une tumeur la rendant plus difficile à visualiser. Enfin, les mammographies détectent difficilement les cancers chez les femmes ayant un tissu mammaire dense. Le patch à ultrasons créé par Canan Dağdeviren et son équipe – un design en nid d'abeille de la taille d'une paume, réalisé avec une imprimante 3D – épouse, quant à lui, la forme du sein et permet de capturer des données en temps réel. À terme, ces datas pourront être transmises directement à une application accessible sur smartphone (actuellement, l'appareil doit être connecté à un appareil à ultrasons pour visualiser les images.) « Vous pouvez capturer les données pendant que vous sirotez votre café », explique Canan Dağdeviren.
La réponse à un enjeu de santé publique
L'appareil vise à répondre à un enjeu de santé publique colossal. En effet, une femme sur huit recevra un diagnostic de cancer du sein au cours de sa vie. En 2020, le cancer du sein a provoqué 685 000 décès dans le monde. Dans son premier article publié en juillet 2023 dans la revue Science Advances, l'équipe a démontré que son scanner pouvait détecter des kystes jusqu'à 0,3 centimètre de diamètre dans les seins d'une femme de 71 ans. Ils se préparent désormais à mener un essai à plus grande échelle avec davantage de participants. En permettant de scanner régulièrement les seins (730 points de données), le patch à ultrasons offre la possibilité de détecter rapidement les masses malignes qui pourraient se former à l'intérieur de la poitrine. Canan Dağdeviren estime à 12 millions par an le nombre de vies que son innovation pourrait sauver rapporte le média Wired.
Étendre l'usage de cette technologie à d'autres pathologies
Mais la chercheuse voit plus loin et ne compte pas limiter l'usage de sa technologie à la détection du cancer du sein. « Le reste du corps humain doit également être inspecté ». La chercheuse envisage de créer sa propre entreprise dès lors qu'elle aura obtenu l'approbation de la Food and Drug Administration. Dans un premier temps elle souhaite rendre accessible sa technologie aux femmes à haut risque comme elle, celles qui ont des antécédents familiaux de cancer du sein. Elle souhaite également que le programme atteigne les populations féminines mal desservies, comme les femmes noires, ainsi que les femmes des pays pauvres qui accèdent difficilement aux programmes de dépistage. À terme, elle veut donner aux gens la possibilité de savoir ce qui se passe dans leur corps chaque jour, de la même manière que nous vérifions les prévisions météorologiques. « N'est-ce pas drôle, vous savez tout sur l'extérieur – comment se fait-il que vous ne connaissiez pas votre propre intérieur ? »
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