Fraises, Tabasco et café sur fond vert amande

Osmo, la startup qui veut inventer un « Shazam des odeurs »

© Pixabay

Vous l’ignorez peut-être, mais nous sommes à court d’odeurs. Et cette startup née chez Google dit avoir trouvé une solution.

Votre bougie au santal est en voie de disparition. Votre parfum au vétiver subit la pénurie de plein fouet. Et votre eau de Cologne à base de musc d’origine animale n’est pas très nouveau monde-friendly. Pas de panique : comme toujours la Silicon Valley a une solution. Elle nous vient d’Osmo, une jeune pousse née dans les laboratoires de Google qui souhaite développer des substituts aux odeurs difficiles à sourcer et en créer de nouvelles. 

Océan et sauce chili

Concrètement, Osmo a développé un algorithme capable de prédire l’odeur d’une molécule d’après sa structure. Sa technologie s’appuie sur une « carte des odeurs » composée grâce à l’intelligence artificielle, explique Wired. Leur logiciel a été « entraîné » sur 5 000 molécules disponibles dans les catalogues de parfums. L’IA a ensuite appris à reconnaître les associations entre une molécule et sa perception. Une tâche peu aisée puisqu’un petit changement de structure peut changer complètement l’odeur d’une molécule, « de rose à œuf pourri », selon Alex Wiltschko, chercheur en neurosciences et PDG d’Osmo. 

Grâce à ce logiciel, la startup a pu prédire l’odeur de 400 molécules qui n’avaient jamais été testées en laboratoire, dont une mélangeant l’odeur de pastèque à celui de l’océan et une autre la sauce chili. Bien sûr des alternatives chimiques existent déjà à certaines odeurs naturelles. Pas pour toutes cependant. Et cela reste un procédé encore long et très manuel. L’industrie du parfum, qui pèse 30 milliards de dollars, serait particulièrement intéressée par une technique permettant de trouver plus facilement et rapidement des substituts. Osmo a donc flairé (pardon) le bon filon. « Composer des ingrédients sûrs, durables et renouvelables qui ne nécessitent pas que nous nous servions dans la nature représente une énorme opportunité », estime Alex Wiltschko, PDG d’Osmo. L’idée a en tout cas séduit les investisseurs qui ont investi 60 millions de dollars dans la startup. 

Chasser les moustiques

Christophe Laudamiel, un maître parfumeur français interrogé par Wired, voit lui aussi l’intérêt potentiel de la technologie d’Osmo. « Il n'y a que quelques entreprises qui se lancent dans la recherche de nouvelles molécules », dit-il. « Il faut beaucoup de sérendipités pour trouver une nouvelle molécule avec une nouvelle senteur. » Et beaucoup des nouvelles molécules inventées échouent lamentablement car elles ne sentent finalement pas si bon, ou ne sont ni sûres, ni biodégradables. Par exemple, il existe peu de molécules pouvant reproduire l’odeur de l’océan, de nouvelles senteurs seraient donc hautement souhaitables, illustre Christophe Laudamiel.

La technologie d’Osmo pourrait se révéler très utile aussi pour trouver un nouveau repoussant à moustiques. Celui qui est le plus utilisé aujourd’hui – le DEET – a quelques défauts : il irrite la peau, et les moustiques pourraient devenir plus résistants. Grâce à leur technologie, Osmo a réussi à trouver 10 alternatives au DEET, qui serait au moins aussi efficace selon les calculs de l’intelligence artificielle. L’article scientifique expliquant cette expérimentation est en cours de publication.

Donner l’odorat aux ordinateurs

À court terme, Osmo souhaite donc concevoir des molécules pour l'industrie d'arômes et de parfums sans allergènes et biodégradables. Mais la vision à long terme de la startup est bien plus ambitieuse. Elle souhaite donner « aux ordinateurs un odorat », c'est-à-dire « numériser » les odeurs. De quoi créer une sorte de « Shazam des odeurs ». Cela nécessite de surmonter des défis techniques de taille : être capable de capturer, conserver et diffuser une odeur via un smartphone. Cela prendrait des années selon les fondateurs. 

Et puis pourquoi après tout vouloir donner aux ordinateurs l’odorat ? Parce que les odeurs ont la capacité exceptionnelle de déclencher des souvenirs, répondent les créateurs d’Osmo. « Nous n'avons pas encore réussi à capturer numériquement ce qui est sans doute notre sens le plus important du point de vue de l'évolution, à savoir notre odorat », explique Josh Wolfe, l’un des cofondateurs. 

Marine Protais

À la rubrique "Tech à suivre" de L'ADN depuis 2019. J'écris sur notre rapport ambigu au numérique, les bizarreries produites par les intelligences artificielles et les biotechnologies.
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