une main insérant une pièce de monnaie dans un smartphone

Un moteur de recherche sur abonnement ? L’idée d’un ex de Google pour contrer les GAFA

© Morning Brew via Unsplash

Après avoir passé plusieurs années à la tête de la branche publicité de Google, Sridhar Ramaswamy lance Neeva, un moteur de recherche payant et sans pub.

Serions-nous prêts à payer un abonnement pour faire des recherches sur le web ? L’idée peut paraître absurde tant nous sommes habitués à utiliser ce service gratuitement. Un ex de Google (sachez qu’on les appelle les Xooglers, et qu’ils ont même un site web) en fait pourtant le pari. Sridhar Ramaswamy lance Neeva, un moteur de recherche sans publicité et respectueux de la vie privée de ses utilisateurs… mais payant. Le prix de l’abonnement reste à fixer, l’application n’étant disponible qu’en version bêta. Mais il sera a priori en-dessous de 10 dollars par mois, précise le New York Times.

Sridhar Ramaswamy n’est pas n’importe quel Xoogler (oui, on aime bien ce mot). Il dirigeait la branche publicité de Google, donc le modèle économique classique des moteurs de recherche, ça le connaît. Il quitte l’entreprise en 2017 suite au scandale d’une chaîne YouTube d’un père maltraitant ses deux filles (ToyFreaks, fermée depuis), et avec laquelle Google gagnait des millions grâce aux pubs d’annonceurs comme The Deutsch Bank ou Adidas. « La goutte d’eau » qui fait déborder le vase. Sridhar Ramaswamy prend alors conscience qu’un modèle essentiellement basé sur la publicité a ses limites, et décide de faire autre chose de sa vie, explique le New York Times.

Neeva part de l’adage bien connu « si c’est gratuit, c’est vous le produit ». À l'inverse : si vous payez, vous redevenez un client et reprenez le contrôle. Sans annonceurs pour altérer le résultat des recherches, Neeva promet de servir davantage l’intérêt de l’utilisateur. Finies les trois ou quatre publicités qui précèdent le premier résultat pertinent. L’idée est plutôt séduisante. Mais selon Ars Technica elle est difficilement vendable. Le grand public s'est désormais habitué aux services gratuits, et se moque pas mal de la protection de sa vie privée, résume le média.

Google gagne toujours

Par ailleurs, des alternatives à Google existent déjà : Duck Duck Go, Qwant... Et elles sont gratuites. Certes, leur modèle s’appuie aussi sur la publicité, mais non ciblée, donc sans récolte des données personnelles des utilisateurs. Et même en restant gratuits, ces sites peinent à séduire. Google capte toujours 90% des requêtes faites en ligne.

Ceci dit, Neeva est un peu plus qu’une copie de Google : l’application permet également de chercher une info parmi ses mails, ses dossiers enregistrés sur le cloud, ses contacts et messages. Suffisant pour inciter les utilisateurs à payer chaque mois ?

Le web sur abonnement comme alternative aux GAFA

Autre problème pointé par Ars Technica : la politique de confidentialité de Neeva ne serait pas aussi clean que ça. La société publie sur son site « une déclaration des droits digitaux » un peu pompeuse, mais lorsque l’on regarde de plus près ses règles de confidentialité, c'est moins clair. Neeva dit ne partager aucune donnée personnelle de ses utilisateurs sauf... dans certains cas. Et parmi ces cas il est précisé que Neeva peut partager des données avec ses partenaires, sans que l’on sache qui sont ses partenaires, ni ce qu’ils vont faire de ces données.

Bref, tout n’est sans doute pas à garder dans Neeva, mais l’idée d’un web sur abonnement comme alternative aux GAFA reste intéressante. D’autres entrepreneurs suivent d’ailleurs cette logique. Comme Tariq Krim en France et son service Dissident.ai, sorte d’agrégateur de bases de données, librairies musicales, comptes Medium, Soundcloud et autres, que nous avions testé l’an dernier.

Marine Protais

À la rubrique "Tech à suivre" de L'ADN depuis 2019. J'écris sur notre rapport ambigu au numérique, les bizarreries produites par les intelligences artificielles et les biotechnologies.
commentaires

Participer à la conversation

  1. Avatar René dit :

    J'aime la demarche de cet ancien patron chez Google au plan publicitaire. Il promet un moteur de recherche sans publicité. Suivi sa conversation sur Arte avec un philosophe amateur de Kant et les suites offertes. Enfin, on sort du marais des gratuits confidentiels, mais crapuleux.

  2. Avatar Niko dit :

    Je voudrais rectifier un point, dans votre article.

    Dans la vidéo d'Arte sur les Lumières, dont René parle (https://www.arte.tv/fr/videos/090614-003-A/les-lumieres-au-xxie-siecle) à partir de 30min 21sec, Sridhar Ramaswamy nous fait le récit des raisons pour lesquelles il a quitté Google.
    Il ne fait aucunement un lien direct entre l'affaire ToyFreak et son départ de Google, comme vous le laisser entendre : " Il quitte l’entreprise en 2017 suite au scandale d’une chaîne YouTube d’un père maltraitant ses deux filles (ToyFreaks, fermée depuis)".
    Du moins, c'est comme cela que je comprends vos écrits.
    Ou bien vouliez -vous dire "à la suite de" sur le plan de la chronologie des faits ?
    En revanche, je n'exclut absolument pas le fait que l'affaire ToyFreak est influée sur sa décision de quitter le groupe.
    Cela est peut-être une réalité dans son cheminement personnel de la prise de décision, mais il n'en fait pas état.

Laisser un commentaire