Un lapin virtuel décidera-t-il à votre place qui sera votre futur.e partenaire ? C’est la possibilité explorée par l’une des œuvres de l’exposition Futures of Love. À voir aux magasins généraux, à Pantin, du 21 juin au 20 octobre 2019.
Comment rencontrerons-nous l’amour dans quelques années ? Natalia Alfutova, artiste russe, a peut-être la réponse. Son œuvre Rabbit Heart est la première de l’exposition Futures of Love aux Magasins généraux de Pantin. L’artiste nous invite à remplir un formulaire avec notre prénom, nom, adresse e-mail et l’autorisation de récolter les données de nos profils Facebook et Instagram. Je m’exécute.
Quelques minutes après, me voilà transformée en petit lapin joufflu (et chauve) se dandinant dans une prairie virtuelle projetée sur un écran géant. Je suis entourée d’autres lapins anthropomorphes étranges : les autres visiteurs eux-aussi métamorphosés pour l’occasion. Mon lapin entame la conversation avec un autre avatar. Nos sujets de prédilection ? Beignets de crevette et excréments, si j’en crois les émojis qui s’affichent dans les bulles au-dessus de nos avatars. D’autres se battent ou dansent. C’est l’algorithme qui décide de nos affinités selon les données récoltées sur nos personnalités.
« Nous déléguons une grande partie de nos actions aux machines, explique Natalia Alfutova. Certains centres d’appels fonctionnent sans humains, bientôt les voitures conduiront sans chauffeur… J’ai imaginé comment cela se traduirait dans le cadre des relations amoureuses ». Je regarde mon petit lapin embrasser langoureusement un autre, l’avatar d’une visiteuse qui se trouve juste à côté de moi. Sourires polis et gênés.
Les algorithmes orientent déjà nos choix amoureux
Futur dystopique ? Pas tant que ça. Tinder, d’ailleurs partenaire exclusif de l’exposition, a déjà confié nos choix amoureux à des robots. Du moins en partie. Son algorithme nous oriente vers les personnes susceptibles de mieux nous correspondre, selon leur proximité géographique notamment. D’autres technologies laissent davantage la place au hasard, mais nous imposent aussi un partenaire. C’est le cas des chat rooms comme Chatroulette ou Chat Random. La peintre Celia Hempton s’en est inspirée. Dans sa série de petites peintures à l’huile, elle représente les interlocuteurs que lui a proposés la plateforme Chat Random. Des corps nus, d’hommes bien souvent, en train de se masturber. Ils semblent peints d’un trait précipité. Le titre de chaque tableau indique leur prénom, leur localisation et la date du chat.
Celia Hempton, Peter, India, 14th April 2014, 2014
Quelques mètres plus loin, le visiteur est invité à s’installer sur un lit et à enfiler un casque de réalité virtuelle. Me voilà projetée dans une scène de sexe, où mon partenaire change d’apparence toutes les dix secondes, générées au hasard par un algorithme. L’œuvre du Britannique Ed Fornieles baptisée The Truth Table Experience, se présente comme une critique des plateformes qui nous enferment dans nos préférences et prédisent nos comportements. Les fameuses bulles de filtrage.
Un filtre d’amour venu du Darknet
L’exposition s’intéresse aux relations sous algorithme, mais aussi à 7 autres grands thèmes dont l’amour virtuel, l’amour robotique, la fluidité des genres, l’amour chimique… Le tout est organisé sous la forme d’un labyrinthe qui s’étale sur 1 000 mètres carrés. Dans l’une des alcôves, l’installation vidéo Please Love Party de Pierre Pauze, artiste français, s’interroge sur la composition chimique de l’amour. Grâce à des composants trouvés sur le Darknet, l’artiste a concocté un filtre d’amour à base d’ocytocine, la molécule de l’attachement émotionnel, et de phényléthylamine, une amphétamine naturelle qui provoque l’euphorie. Il filme une pseudo expérience scientifique pour laquelle il réunit un groupe de personnes dans un hangar. Elles sont invitées à danser sur fond de musique techno et de voix synthétiques. Les participants boivent le breuvage préparé par l’artiste. Le spectateur observe leurs danses et leurs attitudes à l’affût d’éventuels sentiments amoureux naissants.
Les dernières salles de l’exposition se détachent du monde des technologies pour proposer des questionnements plus métaphysiques : la définition de l’amour, les différentes formes que ce sentiment prend dans la nature… On revient à des représentations animales, mais assez loin des petits lapins virtuels du début : la reproduction des méduses sous forme de sculptures par Jeanne Briand, ou celle des escargots filmés par Cindy Coutant.
Jeanne Briand, FLUID(S) OF A LOVE SCENE: Jelly Parade, 2019
Futures of Love, du 21 juin au 20 octobre, magasins généraux à Pantin. Entrée libre.
Fermeture du 5 au 26 août.
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