Fake news, trolls néo-nazis, algorithmes racistes, émissions de CO2 à gogo... Quelles sont les entreprises tech les plus maléfiques ? Slate dresse la liste.
Le média américain Slate a demandé à un panel d'experts* (journalistes, universitaires, militants, porte-parole...) de voter pour établir la liste (The Evil List) des entreprises tech les plus maléfiques du globe. Résultats : des têtes de file qu'on ne peine plus à identifier, mais aussi quelques surprises... Ou quand les monstres de la tech se révèlent au grand jour.
Les habitués : Facebook and compagnie
Comme le dit Slate, le défi est de taille : il s 'agit de réussir à « bien distinguer le bruit de fond des menaces réelles ». Pour cela, le média a fait appel à une série d'experts triés sur le volet. Les votants, choisis pour avoir suivi de près et durant des années le secteur de la tech, ont épinglé 30 entreprises sur la base de torts divers et variés, du non respect de l'environnement ou de la privacy jusqu'à l'entremêlement avec les pouvoirs politiques (coucou Apple, coucou Microsoft ! )
Parmi les chefs d'accusation : répandre de fausses informations sur le climat et faire du lobbying pour prévenir en 1998 la signature du protocole de Kyoto par les États-Unis (Exxon Mobil), censurer les Américains d'origine chinoise lorsqu'ils parlent de ce qui se passe à Honk-Kong (Tencent via WeChat), faciliter la mise en place de la reconnaissance faciale par le gouvernement chinois dans le cadre du déploiement du système SkyNet (Megvii, entreprise chinoise spécialisée dans l'intelligence artificielle et le deep learning, via l'application Face++), ou encore collecter de manière intempestive des métadonnées à des fins publicitaires (LiveRamp, anciennement Acxiom).
Bien sûr, le top 10 ne manque pas de nominer les très pressentis (dans l'ordre du plus au moins maléfique), Amazon (le numéro 1 ! ), Facebook, Uber, Apple, Microsoft, Twitter et Exxon Mobil.
Soulignons qu'étonnamment, Google n'a pas trouvé sa place dans le classement. L'entreprise co-fondée par Larry Page et Sergey Brin a pourtant troqué lors de son affiliation à Alphabet en 2015 son code de conduite initial « don't be evil » contre le moins catégorique « do the right thing »... Cela n'empêche pas pour autant l'entreprise de faire bonne figure, notamment sur le sujet de l'écologie.
Ceux qu'on connaît moins
Le classement dévoile aussi le nom de quelques entreprises moins connues du grand public, aux sphères d'influence plus diffuses et souterraines :
Palantir. Son nom ne vous dit peut-être rien, et pourtant la start-up Palantir était au coeur du scandale Cambridge Analytica. Co-fondée aux États-Unis en 2003 par le douteux Peter Thiel (conseiller de Donal Trump, mentor libertarien de Mark Zuckerberg et cofondateur de PayPal), Palantir collecte et analyse des données pour différentes entités : agences gouvernementales, fonds d'investissements, géants pharmaceutiques. Lorsqu'en 2018 Google met fin à sa collaboration avec le Pentagone sous la pression de certains employés, argumentant que le programme Maven déployé en collaboration avec l'agence pour créer une IA pourrait conduire à certains débordements militaires, Palantir s'est empressé de récupérer le dossier. Le programme entendait analyser les images captées par les drones de l'armée...
Pour la petite histoire, Palantir porte ce nom en référence à l’écrivain britannique J. R. R. Tolkien, qui utilise le terme (les « Palantíri », «Palantír » au singulier) pour désigner des artefacts magiques, « pierres de vision » dont le nom signifie « voir au loin » en langue elfique.
ByteDance. Lancée en 2012 à Beijing, ByteDance a développé Jinri Toutiao, une app de curation de contenu d'actualité conçue à base d'IA. L'application est aujourd'hui accusée d'oeuvrer dans le sens de la censure gouvernementale. En bonus : ByteDance est aussi la boîte derrière TikTok, la nouvelle app préférée des ados. Aux États-Unis, TikTok serait aussi dans le collimateur des votants : début janvier, la startup israélienne Watchful.ai a découvert dans le code de l'app TikTok une fonctionnalité secrète pour créer des deepfakes... Sympa!
23andMe. Fondée en 2006 à Mountain View en Californie, 23andMe est une entreprise spécialisée dans les biotechnologies. Elle propose aux particuliers une analyse de leur code génétique. Pourquoi les votants la craignent ? L'entreprise pourrait à court terme être obligée de donner accès au code génétique de ses utilisateurs. D'après le New York Times, le détective Michael Fields affirmait fin 2019 que la cour de Floride lui aurait accordé un mandat pour fouiller l'intégralité de la base de donnée GEDmatch, qui contient l'ADN de plus d'un million de personnes...
Et vous, vous mettez qui sur votre Evil List?
* Morgan G. Ames, University of California–Berkeley; S.A. Applin, Centre for Social Anthropology and Computing; Lindsey Barrett, Institute for Public Representation, Georgetown University Law Center; Karissa Bell, Mashable; Alyssa Bereznak, the Ringer; Sam Biddle, the Intercept; Meredith Broussard, New York University; Ryan Calo, University of Washington School of Law; Corinne Cath-Speth, Oxford Internet Institute; Danielle Citron, Boston University School of Law; Julie Cohen, Georgetown University Law Center; Noam Cohen, Wired; Jade E. Davis, Columbia University; Renee DiResta, Stanford Internet Observatory; Cory Doctorow, Boing Boing and the Electronic Frontier Foundation; Charles Duan, R Street Institute; Veena Dubal, University of California, Hastings College of the Law; Ashley Feinberg, Slate; Mary Anne Franks, University of Miami Law School; Chris Gillard, Macomb Community College and hypervisible.com; David Golumbia, Virginia Commonwealth University; Megan Graham, University of California, Berkeley School of Law; Sydette Harry, University of Southern California Annenberg Innovation Lab; Rob Horning, Real Life; Jane Hu, Slate contributor; Mark Hurst, Creative Good; Kate Klonick, St. Johns University School of Law; Brian Krebs, Krebsonsecurity.com; Sarah Lamdan, CUNY School of Law; Tiffany C. Li, Boston University School of Law; Brian Merchant, OneZero; Edward Niedermeyer, The Autonocast; Mutale Nkonde, Berkman Klein Center for Internet & Society at Harvard University; Andrea O’Sullivan, Mercatus Center; Whitney Phillips, Syracuse University; Felix Salmon, Axios and Slate Money; Matthew Stoller, Open Markets Institute; Siva Vaidhyanathan, University of Virginia; Jordan Weissmann, Slate; Harlan Yu, Upturn.
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