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Cash Investigation lève le voile sur un mouchard peu connu : la carte Vitale

© Montage Nicolas Cazaux

L’émission d’investigation de France TV plonge dans le commerce de la donnée. Élise Lucet et son équipe s’intéressent notamment au business entre les pharmaciens et la société américaine IQVIA, le plus gros revendeur de données médicales.

Ce n’est pas un scoop, un mouchard se trouve à vos côtés : votre smartphone bien sûr. Les données qu’il collecte via différentes applications sont compilées par des professionnels de la donnée, puis revendues (chères) à d'autres entreprises pour faire de la publicité ciblée, proposer des tarifs différenciés selon le profil du client, anticiper leurs comportements... Ce business juteux est très bien exploré par le dernier numéro de Cash Investigation « Nos données personnelles valent de l'or », diffusé jeudi 20 mai 2021 sur France 2 (et déjà disponible sur le site de France TV). L’émission part d’exemples grand public – une application de suivi de grossesse et le site Doctissimo – pour arriver à l’univers plus obscur des data brokers, ces dizaines de sociétés méconnues qui font leurs choux gras en récoltant, compilant et revendant nos informations personnelles

La récolte de données se fait aussi hors ligne

Mais l’enquête s’intéresse aussi à un captage de données moins attendu. Celui-ci se fait off line, dans un lieu que l’on ne soupçonne pas forcément : la pharmacie. On vous a prescrit un traitement pour un cancer ? Ou pour une dépression ? Ces informations sont potentiellement transmises automatiquement, et bien souvent sans votre consentement, à la société américaine IQVIA. 

IQVIA est le plus gros data broker spécialiste des données de santé. Cette entreprise dont le chiffre d’affaires annuel s’élève à 10 milliards d’euros récupère les données des patients pour les revendre aux entreprises pharmaceutiques. En France, cette société est déjà implantée dans 10 000 officines. Cela correspond aux données de 40 millions de Français, pointe Cash Investigation

IQVIA s’invite chez les pharmacies en leur fournissant gratuitement un logiciel de logistique. Les pharmaciens y entrent des infos sur leurs clients (numéro de sécurité sociale, médecin traitant, médicaments délivrés…). Et le logiciel transmet ensuite des données en continu à IQVIA. Grâce à la carte Vitale, qui joue le rôle de traceur, l'entreprise peut suivre les achats d’un individu de pharmacie en pharmacie. En échange de ce partage, le pharmacien gagne 6 euros par mois. Il a aussi accès à des graphiques sur ses ventes, lui permettant d’ajuster ses stocks.

Sauf que les pharmaciens sont peu renseignés sur la destination et l'utilisation de ses données, informent rarement leur clientèle de cette collecte (la CNIL les oblige pourtant à le faire) et n’avaient jusqu’à récemment pas la possibilité d’arrêter individuellement ce transfert de données si un client exerçait son droit de refus. Notons qu’IQVIA a rajouté une fonctionnalité à cet effet il y a quelques mois.

L’anonymisation, une promesse difficile à tenir

Jean-Marc Aubert, président de la filiale française d’IQVIA interrogé par Élise Lucet, tente de rassurer le téléspectateur. Il assure tout mettre en place pour anonymiser les données sensibles récoltées. Au cours de son enquête, l’équipe de Cash Investigation montre pourtant que ce processus d’anonymisation vendu par les data brokers est bien souvent un leurre. Yves-Alexandre de Montjoie, chercheur à l’Imperial College de Londres spécialiste du sujet, explique que six informations sur un individu suffisent à le retrouver parmi une base de données pourtant anonymisée.

Marine Protais

À la rubrique "Tech à suivre" de L'ADN depuis 2019. J'écris sur notre rapport ambigu au numérique, les bizarreries produites par les intelligences artificielles et les biotechnologies.
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