Gros plan d'une application de rencontre sur smartphone

Matcher son partenaire selon son ADN, l’idée polémique d’un chercheur d’Harvard

© Tero Vesalainen via Getty Images

Un Tinder basé sur l’ADN pour éviter de transmettre de mauvais gènes à ses futurs enfants. Cette idée du généticien George Church fait craindre des dérives eugénistes.

Rencontrer une personne qui partage ses idées politiques, son régime alimentaire, sa passion pour le yoga ou en fonction de son signe astrologique… C’est déjà possible grâce au large panel d’applis de rencontre. Bientôt, il sera également envisageable de matcher un partenaire dont l’ADN est compatible avec le vôtre pour éviter de transmettre une maladie génétique à votre progéniture. C’est le projet controversé de George Church, un généticien d’Harvard.

Dans une interview télévisée accordée à l’émission 60 minutes de la chaîne CBS, il explique que la start-up Digid8 qu’il a cofondée travaille sur une application de rencontre basée sur l’ADN. « Vous ne verrez pas les personnes avec qui vous n’êtes pas compatibles, seulement celles avec qui vous l’êtes », précise le chercheur.

« Tinder pour les Nazis »

Le but du généticien est d’éviter certaines maladies héréditaires graves, qui peuvent se transmettre lorsque deux parents sont porteurs d’un gène défectueux. « Il y a environ 7 000 maladies héréditaires, cela concerne 5 % de la population mondiale, elles coûtent environ un billion de dollars chaque année », justifie George Church dans l’interview.

Suite à la diffusion de ce reportage dimanche 8 décembre, le généticien a vite été accusé d’eugénisme sur les réseaux sociaux. Certains twittos n’ont pas hésité à comparer son projet à un « Tinder pour les Nazis ». Plusieurs communautés, dont les personnes malentendantes et transgenres, se sont senties offensées par l’application. L’idée de George Church fait aussi bondir certains membres de la communauté scientifique, comme la généticienne Karen James.

Eugénisme ou droit à l'information ?

Le chercheur est lui-même atteint de narcolepsie, une maladie qui peut avoir des origines génétiques. Il se dit conscient de la dérive d’une telle sélection par les gènes. Suite à la polémique suscitée par la diffusion de l’émission, George Church a publié une foire aux questions pour tenter de répondre aux inquiétudes des internautes. Sa réponse sur l’eugénisme est assez ambigüe. « Nous sommes opposés à l'eugénisme qui consiste à se mêler des choix des familles ayant une vie et des enfants sains par le meurtre, la stérilisation forcée, l'emprisonnement, etc. (…) D'un autre côté, nous soutenons les actions comme celle de l’organisation Dor Yeshorim (fondée en 1983), qui permet aux familles de s'informer et d'éviter que les nourrissons soient atteints de la maladie de Tay-Sachs (déficit intellectuel sévère) et d'autres maladies de même gravité. »

Le scientifique a également accordé une interview au MIT Technology Review. On y apprend notamment que ce système s’apparentera à une sorte de filtre à combiner à une autre appli de rencontre. Par ailleurs, la start-up ne signalera pas si un utilisateur est porteur d’un gène d’une maladie grave – elle le masquera simplement si l'autre utilisateur est aussi porteur.

Le DNA dating, déjà une tendance

George Church n’est pas le premier à avoir eu l’idée d’utiliser l’ADN comme base pour une application de rencontre. Les tests vendus par 23andMe ou MyHeritage ont donné naissance à un nouveau type d’applications de « DNA dating » . Pheramor met par exemple en relation des personnes dont les ADN sont très différents, signe selon l’application que leur pouvoir d’attraction est fort, une théorie qui n’a jamais été réellement prouvée scientifiquement.

Rappelons qu’en France, effectuer un test ADN récréatif est interdit par la loi, mais que 10 000 personnes y ont toutefois déjà eu recours.

Marine Protais

À la rubrique "Tech à suivre" de L'ADN depuis 2019. J'écris sur notre rapport ambigu au numérique, les bizarreries produites par les intelligences artificielles et les biotechnologies.
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