Une jeune femme avec une couronne végétale sur la tête

Millennials : ne parlez plus de « digital » mais de « sustainable » natives

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« Il n’y aura peut-être pas de prochaine génération. » Cette phrase, glaçante, la jeune Oumaima Daiboun la prononce avec fatalité sur la scène des Sustainable Brands. De quoi nous inciter à urgemment repenser tous nos systèmes, y compris celui de l’éducation, souvent laissé pour compte.

« Comment mieux équiper la prochaine génération pour qu’elle puisse réussir là où nous avons échoué ? » - « Désolée, mais il n’y aura peut-être pas de prochaine génération. » Oumaima Daiboun est tout juste diplômée. Ses trois masters et son jeune âge ne la protègent pas des constats effrayants que font les experts : le monde risque de toucher à sa fin si nous continuons à agir, à consommer, à penser, à nous éduquer comme nous le faisons.

Sur la scène des Sustainable Brands, elle a l’aplomb et la révolte nécessaires pour côtoyer un autre résigné, Jeff King. Sur le papier, ils n’ont pas grand-chose en commun. Elle est jeune, lui moins. Elle a quitté le Maroc pour la France, il est à la tête d’une école toute particulière en Californie.

Leur combat est pourtant le même : faire en sorte que le développement durable ne soit plus une option. Sinon, c’est simple : on est foutus.

Première étape : reconnaître que l’on a échoué

La question posée par Alexandre Kouchner en introduction du débat a le mérite de reconnaître que les générations précédentes ont échoué. « C’est une bonne chose, pour Oumaima Daiboun. Ça montre que le développement durable ne peut pas se cantonner à des plans stratégiques et à des visions 2030. Le sujet doit être porté par la société dans son ensemble, comme un principe. » Aujourd’hui chargée d’accompagnement chez Enactus France, elle développe les projets de jeunes entrepreneurs qui se mettent au service de la société. En face d’elle, Jeff King, Directeur de l’école Muse en Californie. Pour elle comme pour lui, ce changement de paradigme demande de s’intéresser de près à ceux qui feront demain : les jeunes.

« Je ne pense pas que les parents – ou les professionnels – aient conscience des enjeux portés par l’éducation, poursuit Jeff King. On le voit bien dans ce type de conférence : l’éducation n’est jamais un sujet prioritaire. »

Alphabétisation écologique

Pourtant, à l’écouter, c’est absolument fondamental. La Muse School qu’il dirige est d’ailleurs complètement construite autour des enjeux écologiques. L’objectif ? « Inspirer et préparer les jeunes à vivre en harmonie avec eux-mêmes, entre eux, et avec la planète ». Non, ce n’est pas le motto de l’école des Bisounours, promis. C’est un programme sérieux et architecturé sur des enseignements théoriques… et pratiques.

L’école est conçue comme un laboratoire d’apprentissage où les ateliers se font en pleine nature – pour la célébrer ou pour la restaurer. L’enjeu est riche : faire de l’écologie un sujet aussi important que les maths ou la lecture. Et donc procéder à une véritable « alphabétisation écologique » chez les plus jeunes.

Et ça marche ? Visiblement, si l’on en croit Jeff King. « Les enfants de 5 ans qui sont scolarisés chez nous savent que consommer au moins un repas 100% végétal par jour réduit considérablement leur consommation d’eau. Ceux qui ont 7 ans savent combien de requins sont tués tous les jours par la pêche intensive. Combien d’adultes peuvent en dire autant ?  »

Déformater les cerveaux

Jeff King veut « déconstruire » les pensées des enfants – pas de lavage de cerveau ici, on vous rassure. Au contraire. « Dès l’enfance, on met des schémas tout pré-construits dans la tête des enfants. J’essaye de faire en sorte que ce ne soit pas le cas. De leur expliquer ce qu’est le développement durable, pour que ça fasse partie intégrante de leur identité. Il faut que cette génération soit sustainable native. » L’idée, c’est que les enfants puissent aussi influencer le comportement de leurs parents. « Quand un gamin demande à sa mère pourquoi leur famille ne composte pas, où explique à son père que le poisson qu’il mange est rempli de plastique… ça peut provoquer un changement. »

Ce changement de comportement, Oumaima Daiboun, l’a elle-même expérimenté. « J’ai été formée au marketing – à vendre plus, à mieux communiquer sur les ventes, à trouver de nouvelles techniques de vente. C’est une discipline dangereuse. Pourtant, aujourd’hui je travaille dans une ONG, j’aide les jeunes entrepreneurs à poursuivre une mission sociétale. C’est parce qu’à un moment donné, dans mon parcours, j’ai été bluffée par la capacité d’innovation et les idées brillantes des jeunes pour rendre le monde meilleur. Nous sommes conscients que nous habitons tous la même planète. On a tous le même objectif. Donc autant travailler ensemble pour y arriver. Parce qu’on n’a plus beaucoup de temps. »

Le pouvoir de l’éducation

Tout le monde n’a pas la chance d’avoir une Muse School dans son quartier – ni les moyens d’y envoyer sa progéniture, chaque année coûtant entre 21 000 et 33 000 dollars. Alors on fait comment ?

Pour Oumaima Daiboun, il faut changer radicalement. Et ça doit passer par une étape d'évangélisation, notamment dans les pays en développement. « Je suis née et ai été élevée au Maroc. Là-bas, les préoccupations principales sont la croissance du pays, son industrialisation. C’est plus difficile de comprendre que l’écologie, c’est important. J’aimerais y retourner pour changer les choses, je crois profondément au pouvoir de l’éducation. »

Jeff King, de son côté, ne pense pas qu’il faille se contenter de l’existant. « Militez auprès du système scolaire de votre ville. Si vous ne pouvez pas créer votre propre école, changez le système en place. C’est vrai – on va tous mourir. Si on ne dit pas à nos enfants comment changer, ce sera peut-être dans d’atroces souffrances. »

Ambiance…

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Mélanie Roosen

Mélanie Roosen est rédactrice en chef web pour L'ADN. Ses sujets de prédilection ? L'innovation et l'engagement des entreprises, qu'il s'agisse de problématiques RH, RSE, de leurs missions, leur organisation, leur stratégie ou leur modèle économique.
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