
Listes Close Friends, newsletters payantes, microcercles d’influence... Le luxe de seconde main redevient un cercle très privé, qui se pratique sur invitation.
Le shopping de seconde main est-il devenu un sport de niche ? Car c’est aujourd’hui à l’ombre des réseaux sociaux que se négocient les meilleures affaires de seconde main. Loin des plateformes de revente accessibles à tous, le luxe d’occasion se reconfigure en 2026 dans de nouveaux cercles privés : « close friends » sur Instagram, Substacks payants, ventes éphémères réservées aux happy fews… Pas de doute, l’exclusivité est de retour sur le segment !
Lizzie Wheeler incarne parfaitement cette tendance. Derrière son compte Instagram @shit.u.should.buy, la styliste new-yorkaise a bâti son petit empire selon un double modèle. D'un côté, Wheeler joue les curatrices prescriptrices : elle passe des heures à fouiller les sites de revente (The RealReal, eBay, Poshmark) pour dénicher des pépites, partagées ensuite à ses 1 300 followers via des liens affiliés. Au magazine américain The Cut, elle révèle générer entre 10 000 et 12 000 dollars de ventes mensuelles via ces recommandations – dont elle touche une commission estimée entre 1 000 et 2 000 dollars. Pas mal pour un « hobby » !
Sa réponse est souvent un NON
Le second volet constitue une sorte de salon privé : 100 personnes triées sur le volet ont accès à ses Close Friends (qui ne sont d'ailleurs pas forcément ses amis proches), où elle vend directement ses propres pièces ou celles de ses clientes : des Chanel à 95 dollars, des jupes Pucci vintage, écoulées en quelques minutes. Les meilleures trouvailles ? Réservées aux abonnés de sa newsletter payante à 7 dollars par mois. « Ce sont toujours les mêmes filles qui essaient de me convaincre de les ajouter », confie-t-elle au site spécialisé WhoWhatWear. Et parce que nous vivons décidément dans un monde de brutes, sa réponse est souvent un NON retentissant. L'exclusivité, le FOMO, voilà précisément ce qui fait tourner la machine... Quand elle a posté une sélection de pièces Escada (marque allemande culte des 90s) vintage, tout s'est vendu en une heure.
Sur Pickle, l'application de location / vente entre pairs lancée en 2021, les influenceurs transforment eux aussi leurs garde-robes en fonds de commerce. Les créatrices les plus suivies empochent jusqu'à 3000 dollars par mois en louant leurs tenues virales – celles-là mêmes que leurs followers ont vu défiler sur TikTok la semaine précédente. « Les clientes nous disent : "J'adore cette tenue, peux-tu l'ajouter à ton closet Pickle ? " », explique au journal Julia O'Mara, cofondatrice de la plateforme.
Ligne de revenus pour jeunes éditrices sous-payées
Enfin, le shopping parasocial se reconstitue aussi sous forme de ventes privées improvisées. Une rédactrice d'un grand magazine féminin – qui préfère rester anonyme – raconte à WhoWhatWear avoir vendu assez de pièces en 20 minutes, le temps d'une balade entre le Lower East Side et SoHo, pour payer une tournée de bar au Fanelli Café. « Si je veux aller dîner cette semaine, je poste quelque chose de bien pricé et j'ai 300 dollars en poche en quelques heures », assume-t-elle. Pour beaucoup de jeunes éditrices sous-payées de l'industrie mode, ces ventes discrètes (un essayage haul pendant l’heure du déjeuner ici, un Dyson Airwrap reçu en cadeau là…) sont devenues une ligne de revenus (pour ne pas dire une bouée de sauvetage) non négligeable : entre 400 et 700 dollars par semaine, parfois plus qu'un salaire mensuel.
Alors, sur quels piliers prospère ce nouveau marché gris ? D’abord la confiance du lien parasocial (on achète à quelqu'un qu'on admire), mais aussi la curation (parce que le doomscrolling sur les plateformes classiques, ça va cinq minutes), des prix possiblement plus justes – à Vogue Business, Wheeler estime que sur les plateformes traditionnelles, les prix sont gonflés d'environ 20 à 30% – et surtout l'exclusivité. « Ce sont des pièces élites qui viennent de situations d'élites », résume Wheeler. La rareté redevient un marqueur de distinction. Résultat : le luxe de seconde main, jadis alternatif et démocratique, est redevenu un jeu d'initiés – le genre qui se joue en glissant dans les DMs de sa styliste préférée – et en croisant les doigts pour rejoindre le cénacle de ses Close Friends.
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