Ilmage IA d'une jeune femme aux cheveux verts pales entourée de champignons géants aux couleurs psychédéliques

Les thérapies psychédéliques peuvent-elles nous sauver de la crise de la santé mentale ?

Face au manque d'innovation pharmaceutique dans le traitement des dépressions lourdes ou de l'addiction, une initiative européenne citoyenne tente de mettre en lumière les recherches liées aux thérapies psychédéliques.

Autrefois cantonné à la sphère des hippies, fans de New Age, teufeurs et autres psychonautes, l'usage de substances psychédéliques fait peu à peu son chemin dans le domaine de la recherche médicale et des soins pour les personnes souffrant de troubles anxieux, de dépressions ou d'addiction. Mais les choses avancent très lentement, malgré la crise de santé mentale que les pays occidentaux, et notamment l’Europe, traversent.

Pour plus de recherche psychédélique en Europe

Pour accélérer un accès sûr et légal à des thérapies psychédéliques innovantes, une initiative citoyenne européenne intitulée PsychedeliCare a été lancée le 14 janvier dernier. Son objectif ? Recueillir un million de signatures de citoyens européens pour porter le sujet de la recherche ainsi que des soins psychédéliques auprès de la Commission et inciter cette dernière à explorer réellement ce qui pourrait être une branche thérapeutique prometteuse.

« Ce qui est frappant, c’est le manque de progrès au niveau des traitements médicamenteux», explique Alexis Arragon, coordinateur de l'initiative pour la France. « Depuis 30 ans, il n’y a pratiquement pas eu de nouvelles molécules découvertes : on utilise toujours les mêmes traitements, parfois reformulés, mais dont l’efficacité reste limitée. De nombreuses personnes souffrent de ce qu’on appelle une "dépression résistante", qui ne répond pas aux traitements existants. L’idée de cette initiative repose sur des données scientifiques connues depuis les années 1960-1970 : les psychédéliques ont démontré une efficacité thérapeutique pour traiter un large éventail de troubles mentaux. Pourtant, pour des raisons politiques et culturelles, la recherche sur ces substances a été stoppée, et leur financement a été coupé. La société a classé les psychédéliques dans la catégorie des drogues interdites, en les diabolisant, sans tenir compte de leur potentiel thérapeutique. »

Les bienfaits des thérapies par MDMA

Qualifiés de « pandémie silencieuse » par l’eurodéputée Dolors Montserrat, les troubles liés à la dépression ou l'anxiété touchent 46 % des Européens et coûteraient jusqu'à 4 points de PIB à l'économie. Pour répondre à ces maladies, la pharmacopée psychédélique renferme de petits miracles. « Parmi les substances les plus prometteuses, on retrouve le LSD, qui a montré des résultats dans le traitement de la dépression et de l’alcoolisme, ou encore la psilocybine, issue des champignons hallucinogènes, qui permet d’atténuer les troubles anxieux et le stress post-traumatique avec une phase de soin plus courte (environ 6 h contre 12 h pour le LSD). En Australie, la MDMA a récemment été autorisée dans un cadre thérapeutique pour soigner les vétérans souffrant de chocs psychologiques sévères. Aux États-Unis, ces mêmes vétérans, souvent laissés-pour-compte par le système de santé, sont devenus les principaux porte-voix du mouvement pour la légalisation de ces thérapies. »

L'usage des psychédéliques s'inscrit aussi dans l'amélioration du bien-être en fin de vie. « En soins palliatifs, les options actuelles se limitent à la kétamine et aux opiacés comme la morphine, avec une efficacité souvent insuffisante », poursuit Alexis. « Dans les pays où l’usage des psychédéliques est autorisé à titre compassionnel, comme le Canada, on observe un véritable "avant" et "après" : les patients sont plus apaisés, acceptent mieux leur condition et nécessitent moins de soins intensifs. Leur douleur peut même diminuer. Cette sérénité se reflète aussi dans leurs relations avec leurs proches et le personnel soignant, améliorant l’accompagnement en fin de vie. Pour ces patients, l’urgence est réelle, car il n’y a plus rien à perdre. »

La France de la prohibition éternelle

Restent les mentalités, notamment celles des politiques, à changer. En France, nous avons carrément un train de retard par rapport au reste du monde tant la prohibition y est enracinée. « La France a pris ses distances avec les psychédéliques bien avant les interdictions internationales », explique Alexis. « Dès 1966, le LSD y est prohibé (avant la prise de position de l'ONU de 1971), notamment par crainte d’une appropriation par la jeunesse contestataire, dans un climat pré-Mai 68. Le rejet français trouve aussi ses racines dans des essais cliniques mal conçus. À l’hôpital Sainte-Anne, des patients recevaient du LSD dans des conditions désastreuses : lumière aveuglante, chambres impersonnelles, aucun accompagnement. L’expérience fut mal vécue et jugée sans intérêt thérapeutique. Pendant que d’autres pays relançaient la recherche, la France est restée à l’écart et, aujourd’hui, peine à rattraper son retard malgré une explosion des publications scientifiques à l’international. »

Pour contourner ces tabous culturels, l'initiative citoyenne ne se penche justement pas sur une demande de reclassification des substances psychédéliques, mais axe plutôt son discours sur l'urgence vis-à-vis de la santé mentale ; une stratégie qui semble avoir porté ses fruits lors de sa présentation le 6 février dernier au Parlement européen. « Activistes, chercheurs, citoyens et même députés européens, de tous bords politiques, se sont mobilisés, précise Alexis. L’intérêt était palpable, signe que la santé mentale est un enjeu qui dépasse les clivages traditionnels. »

David-Julien Rahmil

David-Julien Rahmil

Squatteur de la rubrique Médias Mutants et Monde Créatif, j'explore les tréfonds du web et vous explique comment Internet nous rend toujours plus zinzin. Promis, demain, j'arrête Twitter.

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