
Outre-Atlantique, 44 % de la génération Alpha (7-9 ans) possèdent déjà leurs propres tablettes. Dans le top 5 de leurs applications les plus fréquentées, un tiers d'entre eux surfent sur X… Pour le pire.
Un constat qui inquiète, sachant qu’aux États-Unis, plus de la moitié des adolescents (51 %) signalent avoir déjà été exposés à de la pornographie par accident, simplement en cliquant sur un lien. Selon les experts, le nombre de crimes de pédopiégeage (grooming en anglais) – pratique qui consiste à l'utilisation d'applications ou de sites internet par des pédophiles, pour entrer en contact avec des enfants, afin de les rencontrer ensuite dans la vie réelle – est une pratique en constante progression ces dernières années. Au Royaume-Uni, le nombre de crimes de pédopiégeage a grimpé de plus de 80 % entre 2017 et 2022.
L'accès aux médias sociaux commence très jeune
Selon un rapport de Qustodio* (fabricant de logiciels de contrôle parental), 31 % des 7 à 9 ans ont accès à X, 28 % à Reddit et 26 % sont sur Facebook. Tensions internationales, guerres en Ukraine, Gaza, dissolution… Mais qu'est-ce qui peut bien pousser les enfants à scroller sur X ? Qustodio émet l'hypothèse que X pourrait attirer l'attention de ce jeune public grâce à son intégration à la recherche Google, qui présente les publications du réseau social directement dans ses résultats. Poussés par la curiosité, les Alphas surferaient ensuite sur les discussions en lien avec leur requête Google. Les datas de Qustodio ont également permis d'observer que dans la majorité des cas, X ne faisait pas partie des applications bloquées par les parents. « La théorie est que ces enfants ont accès à des applications comme X et Reddit, car leurs parents ne savent pas grand-chose à leur sujet ou ne pensent pas à les bloquer parce qu'elles ne sont pas aussi populaires et ne sont pas censées intéresser les enfants, à la différence de réseaux sociaux tels que TikTok ou Snapchat », indique Yasmin London, experte mondiale en sécurité en ligne chez Qoria, société mère de Qustodio.

Des règles de sécurité insuffisantes
Une ignorance des parents qui pourrait exposer leurs enfants à des contenus inappropriés tels que des fake news, des discours de haine ou encore de la pornographie. En effet, la dernière mise à jour concernant les « contenus pour adultes » de X nous laisse présager d'une plateforme encore plus trash. Si jusqu'ici les règles de X n'approuvaient pas « explicitement » la publication de contenu à caractère sexuel, depuis mai 2024, c'est officiellement autorisé. Pourquoi une telle évolution ? Au nom de la liberté d'expression, telle que défendue par Musk. « Nous pensons que les utilisateurs devraient pouvoir créer, diffuser et visionner des contenus sexuels dès lors qu’ils sont produits et distribués de façon consensuelle », explique la plateforme dans la section « Contenus adultes » de son règlement. » Outre le risque d'être exposé à des images et des vidéos nuisibles, la messagerie directe de la plateforme est également susceptible d'être utilisée pour promouvoir des contenus inappropriés.
Auditionnée en février 2024 par le Sénat américain sur l’échec des principales plateformes à protéger les enfants sur Internet, Linda Yaccarino, PDG de X, avait affirmé que le réseau social X n’était pas la plateforme de choix des enfants et des adolescents. « Les enfants de moins de 13 ans ne peuvent pas ouvrir de compte et moins de 1 % des utilisateurs ont entre 13 et 17 ans », avait-elle expliqué. Mais, si sur le papier la plateforme impose un âge minimum de 13 ans, la règle est facilement contournable et contournée. Et si X propose aux parents un certain nombre d'options pour sécuriser l'expérience de leur enfant, dans les faits, aucune de ces fonctionnalités n'est protégée par mot de passe, offrant ainsi la possibilité aux enfants de modifier les paramètres de leur compte à tout moment. Au-delà, rappelons que X est également accessible sans même se connecter, ce qui rend les paramètres basés sur le compte inefficaces.
X : Elon Musk a créé les conditions d'une « tempête parfaite »
Quid de la modération ? Rappelons que lors de la prise en main de Twitter par Elon Musk, le milliardaire avait effectué des sérieuses coupes dans les effectifs et remis en ligne de nombreux comptes suspendus pour conduite haineuse. De récentes données obtenues par le régulateur australien montrent ainsi que 1 213 spécialistes du personnel de modération, y compris des sous-traitants, ont quitté X depuis son rachat par Elon Musk. Les conditions d'une « tempête parfaite », selon Julie Inman Grant, commissaire à la sécurité électronique australienne. « Il est presque inévitable que toute plateforme de médias sociaux devienne plus toxique et moins sûre pour les utilisateurs si l'on combine des réductions significatives de la sécurité et du personnel chargé des politiques publiques locales avec des milliers de réintégrations de comptes d'utilisateurs précédemment bannis », a-t-elle déclaré. Face à la fuite des annonceurs, en mars 2024, Musk a annoncé vouloir recruter 100 personnes afin de créer un « centre d'excellence en matière de confiance et de sécurité ». Un chiffre dérisoire compte tenu de l'ampleur du travail. D'autant plus que selon un ancien employé (qui a souhaité rester anonyme) interrogé par The Media Leader, Musk devra faire face à des difficultés de recrutement. « Les responsables de la confiance et de la sécurité sont très prudents et méthodiques. Ces gens ne voudront pas travailler pour Musk. »
Méthodologie : Rapport basé sur des données d'utilisation anonymes d'environ 180 000 familles avec enfants.
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