oreilles vectorisées beiges

Le son binaural, la révolution sonore qui va faire chavirer vos oreilles

© MadVector via Getty Images

Marre qu'on vous bombarde d'images ? Découvrez le son binaural - ou son 3D - une technique de sonorisation hypnotisante qui restitue votre écoute naturelle en 3 dimensions. Arrivée à maturité, la technologie fascine déjà artistes et médias.

Immersion sonore, son 3D, son binaural… Quel que soit le nom que l'on donne à cette technique d’enregistrement hyper-réaliste, son but reste le même : restituer notre perception naturelle du son, c'est à dire la restituer en trois dimensions. À la Maison de la Radio, c’est dans une petite salle truffée d’enceintes et d’écrans sophistiqués que nous avons testé ce son enveloppant, qui vient de partout… et de nulle part à la fois.  

Imaginez-vous dans un bar bondé et saturé de bruits. Vous allez naturellement sélectionner certains sons ou conversations de votre environnement. Le son immersif fait pareil, chose que le son stéréo est incapable de faire.

Sculpter le son

« En fait, le son spatialisé vous permet de faire ce que vos oreilles font déjà », vulgarise Hervé Déjardin, ingénieur son de Radio France, spécialiste du son 3D. Depuis 2013, le groupe de radios publiques expérimente de nouveaux formats sonores au sein de sa Direction du Numérique avec le site Hyperradio. Imaginez-vous dans un bar bondé et saturé de bruits. Vous allez naturellement sélectionner certains sons ou conversations de votre environnement. Le son immersif fait pareil, chose que le son stéréo est incapable de faire ».

 
 
 
 
 
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Aux côtés d'Hervé Déjardin, Romain Delahaye, alias Molécule, un musicien électro particulièrement versé dans l’expérimentation sonore. Actuellement en tournée pour son album 22.7, l’artiste a travaillé avec Hervé et la société L-Acoustics pour obtenir le live musical le plus immersif possible : « Acousmatic 360° ». 

Pour la petite histoire, le terme « acousmatique » (du grec, « écouter », « entendre » ) renvoie à la façon dont Pythagore dispensait ses cours de philosophie : derrière un rideau et dans le noir, pour que ses étudiants s’imprègnent de son discours sans distraction visuelle. À la croisée de la musique, de la photo, du documentaire et du live audiovisuel, le projet transmédia de Romain Delahaye se prête particulièrement au son 3D. En 2017, il partait en direction du Groenland et passait 5 semaines en immersion dans un village de chasseurs. Il y enregistrera les bruits de la banquise en « son binaural natif » et composera entièrement son album sur place. En découlent des pistes musicales étonnamment sensorielles, qu’il distille désormais en salle, et comme Pythagore... dans le noir.

Son idée ? Remettre le son au cœur du spectacle en créant « une toile sonore autour du public ». En live, Romain n’est pas seul. Au centre de la salle, entouré d’un essaim d’enceintes et du public, il y a aussi Hervé qui s’occupe de spatialiser sa musique. Le technicien cherche à manipuler la « morphologie » du son, à lui conférer des émotions spécifiques. « Si un son me fait penser au bruit d’un moustique, je vais pouvoir l’approfondir dans ce sens, le faire bouger, lui attribuer la sensation agaçante qui va avec », décrit Hervé Déjardin. Qu’importe votre position dans la salle, vous êtes sûr d’en profiter de façon optimale. Cotonneux, enveloppant, transcendant… ce sont les sensations décrites par les spectateurs qui ont assisté à la performance de Molécule, à l’Élysée Montmartre, au Rex Club ou à la Gaîté Lyrique, le 6 avril dernier. Prochain arrêt ? Le Printemps de Bourges, le 18 avril prochain.

L’image, la vidéo, le son… aujourd’hui, tout converge vers l’immersif.

L'immersion sonore tire son épingle du show

Loin d’être nouvelle, la technique du son spatialisé existe depuis les années 80, « et même encore avant ! », rectifie Hervé Déjardin. « Dans les années 30, Walt Disney avait déjà demandé à ses ingénieurs de travailler sur Fantasound, un genre d’ancêtre du son surround pour le dessin animé Fantasia (premier dessin animé à avoir été diffusé en stéréo, ndlr) ». À la fin des années 70, la saga Star Wars popularise le son Dolby Stereo (un système censé réduire les bruits parasites et visant un effet sonore plus immersif et enveloppant, ndlr). Son succès banalisera l’utilisation du son multicanal au cinéma, de quoi préparer le terrain pour l’arrivée du son numérique…

« L’image, la vidéo, le son… aujourd’hui, tout converge vers l’immersif » , explique Frédéric Blanc-Garin, ingénieur du son chez L-Acoustics. Avec sa technologie audio L-ISA, un système de son multicanal doté d’une forte résolution spatiale, la société française promet une immersion totale par le son, notamment lors de concerts. « Quand on parle de notre technologie ou de sonorisation immersive, personne ne sait ce que c’est, alors que dans les faits, plus de 6 millions de spectateurs dans le monde l’on déjà testée », assure l’ingénieur, preuves à l’appui.

Le 6 avril dernier, le célèbre groupe de rock Aerosmith s’emparait de la technologie L-Acoustics lors d’un concert à Las Vegas. Mixé en temps réel, le son produit par les musiciens a pu être joué dans 64 directions différentes et distillait 96 objets sonores différents, révèle un article de The Hollywood Reporter. Doté d’une capacité de 5 400 places, le Park Theater où se jouait le live a pu accueillir 230 enceintes positionnées à 360°, là où un concert dans un stade en utilise entre 40 et 50, précise le média. Avec un tel déploiement de moyens, on veut bien y croire, l’immersion doit être totale.

 
 
 
 
 
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Ennio Morricone, Lady Gaga, Bon Iver, Childish Gambino, Christine and the Queens… De nombreux artistes internationaux ont d’ailleurs déjà testé la technologie de la société. Des festivals aussi, comme Coachella et Tomorrowland. En France, Jazz à la Villette, l’Orchestre National de Lille ou encore le Puy du Fou l’ont également expérimentée.

Design spatial : de nouveaux enjeux artistiques et narratifs 

Mais alors… est-ce que les salles de concerts vont devoir s’adapter, et les ingénieurs du son aussi ? Oui, mais pas que. Les artistes transdisciplinaires pourront puiser de nouvelles inspirations dans l'immersion sonore. En novembre 2018, nous vous parlions de l’installation sensorielle « Hearing Gravity » du Français Antoine Bertin. Gonflée au son 3D et plongeant le visiteur dans un trou noir factice, l’expérience a pour but de le désorienter via une sonorisation hyper-réaliste, laquelle n’aurait jamais eu le même impact en son stéréo.

Podcasts, documentaires, ciné-concerts, reportages sonores… côté médias, les applications du son 3D sont aussi nombreuses. Avec sa série Séquences, l’Hyperradio de Radio France propose déjà une collection de 12 sessions live conçues pour une écoute binaurale ou en 5.1 (le son d’un home cinema). Elle édite aussi « de grands classiques » du son spatialisé, faciles à dénicher sur YouTube.

Sur Arte Radio, on tombe enfin sur différentes déambulations sonores qui nous plongent tantôt dans une ruche d’abeilles, tantôt dans les coulisses du Centre Pompidou. Une immersion par le son qui en dit souvent aussi long qu’une image.

« Demain, pourquoi ne pas choisir la voix de votre journaliste ou présentateur préféré, ou au contraire lui couper le sifflet en privilégiant l’ambiance sonore d’un reportage ? », imagine Hervé Déjardin. Il y a tellement d’applications possibles… ». À l'issue de sa démonstration, l'ingénieur rêve même d' « un bon Tarantino en son spatialisé ».

Selon lui, c’est sûr, dans les années qui viennent, notre monde d'images sera habillé de sons.


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Margaux Dussert

Diplômée en marketing et publicité à l’ISCOM après une Hypokhâgne, Margaux Dussert a rejoint L’ADN en 2017. Elle est en charge des sujets liés à la culture et la créativité.

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commentaires

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  1. Avatar Redge dit :

    Ca fait plus de 10 ans qu'on parle de cette techno, et les applications sont encore très rares. Les plus avancées sont sur la méditation et l'ASMR, Spotify en est rempli !

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