Sur Twitter, un compte fait la promotion des théories incel à coups de lignes vertes tracées sur des photos. Le but ? Mesurer la virilité de la posture des hommes. Ou l'insidieuse attitude de domination des femmes.
Prenez la photo d'un couple hétérosexuel - si possible des célébrités - et commencez à tracer des lignes qui suivent les inclinaisons de leurs corps ou la position de leurs membres. Si le corps de l'homme tire une ligne bien droite et que celle de la femme penche vers lui, alors vous pouvez être certain que ce dernier est un vrai « mâle alpha » . Si c'est l'inverse qui se produit, l'homme est alors relégué au rang de bêta et se place dans une position de soumission vis-à-vis de sa compagne.
« Demandez à Rivelino »
Cette « théorie » des lignes vertes qui apparaît çà et là sur certains sites média comme NewsWeek, provient d'un seul et même compte Twitter : Rivelino. Suivi par plus de 159k abonnés, ce compte ne se contente pas seulement de tirer des traits, il suranalyse les images pour mettre en évidence des preuves de masculinité ou de soumission. Vous croisez les jambes ou votre main bloque la vue sur votre entrejambe ? Vous êtes frappé du syndrome du cock shame ou honte du pénis. Si une femme fait face à l'objectif, alors nous entrons dans le syndrome du pussy facing the world, un signe de confiance et de domination féminine. Le positionnement des mains, la direction du regard, l'inclinaison de la tête… Tous ces détails sont scrutés jusqu'à l'absurde pour donner une analyse gestuelle censée déterminer qui est l'élément dominant du couple.
À côté de ces analyses d'image, Rivelino offre aussi un service de conseil personnalisé pour vos problèmes de couple. Dans sa rubrique « Ask Rivelino » , il suggère aux femmes de sortir avec des hommes âgés de 5 à 10 ans de plus pour que ces derniers les « trouvent plus belles » et « puissent gérer leur chaos émotionnel » avec plus de maturité. Il conseille aussi aux hommes de pratiquer le negging, ces faux compliments qui rabaissent les femmes tout en donnant l'impression d'être gentil ou bien de choisir des partenaires en les faisant passer le test de la « good girl ». Si cette dernière possède un père très fort et aimant, n'a pas de tatouage, a de longs doigts et aime faire la cuisine... il s'agit de la perle rare.
Est-ce que c'est pour rire ?
Quand on découvre le compte de Rivelino pour la première fois, on est en droit de se demander si tout ça est bien sérieux. La rhétorique qu'il use dans ses analyses d'images et ses conseils de drague sont une synthèse parfaite entre les méthodes de manipulation enseignées par les pick-up artists et l'idéologie incel. Mais cela n'empêche pas plusieurs internautes de se demander s'il ne s'agit pas là d'un compte troll qui interpelle les masculinistes pour mieux les moquer. Ce questionnement n'est pas nouveau sur le Web et est connu sous le nom de la loi de Poe. D'après cette dernière, il est impossible de faire la différence entre un propos réellement outrancier et une exagération volontaire à des fins parodiques sans indication claire de son auteur.
En affirmant avec aplomb que son bullshit basé sur des lignes vertes vaut vérité scientifique, Rivelino surfe sur cette ambiguïté. Or ce n'est pas parce que cette méthode de communication s'apparente à du trolling qu'elle n'est pas moins sérieuse et dangereuse. C'est exactement cette méthode qu'a utilisée Donald Trump pour arriver jusqu'à la Maison-Blanche. C'est aussi cette méthode qui a permis à Alexandre Benalla, Laurent Alexandre ou bien Joakin Son Forget d'acquérir une certaine forme de célébrité sur Twitter. En jouant ainsi sur l'outrance et le côté parodique des propos, on peut alors plus facilement faire passer la fameuse « red pill », la pilule rouge permettant de transformer n'importe quel homme un peu mal à l'aise face aux filles en masculiniste radical et dangereux.
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