Un baiser sulfureux en calèche dans Ma Chronique des Bridgerton

Netflix est-il un meilleur prof de sexualité que la pornographie ?

© Netflix, La Chronique des Bridgerton

Les séries sex-positives de Netflix comme Sex Education ou Big Mouth peuvent-elles vraiment éduquer à la sexualité ?

Sex EducationBig MouthElite... Ces séries Netflix populaires se sont imposées comme les nouvelles voix d'une sexualité libérée, inclusive, et surtout, décomplexée. En abordant des sujets comme le consentement, l’identité sexuelle ou les premières fois, elles promettent de bousculer les tabous et de répondre à des questions que l’école ou les parents esquivent encore souvent. Certaines fictions comme Euphoria ou Elite repoussent les limites avec des scènes très explicites, parfois controversées. Mais alors que l’imagerie pornographique semble prendre de plus en plus de place dans l’entrée dans la sexualité, ces fictions semblent aussi servir de support éducationnel dans ce domaine.

Quand Netflix parle sexe, tout le monde écoute

Dans un récent article du site The Cut, on apprenait que des mères de Los Angeles avaient concocté une playlist de scènes érotiques tirées des séries comme La Chronique des Bridgerton, pour apprendre à leurs enfants comment se déroule le fameux « câlin magique », depuis les premiers baisers jusqu’à l’orgasme final. D'autres regardent la série avec leurs enfants pour développer une vision critique de ces scènes de sexe. Alors suffit-il de mettre les enfants devant Netflix pour « faire le job » ?

« Ces séries sont symptomatiques d’un changement culturel majeur », explique Victor-Arthur Piégay, maître de conférences en Études Culturelles à l’Université de Lorraine. « Elles osent aborder des thèmes que l’éducation nationale peine encore à intégrer pleinement. Leur contenu explicite est la marque de fabrique de la culture jeunesse aujourd’hui : un excès constant, qu’il s’agisse de violence ou de sexualité ». Les ados ont donc accès à des scènes olé olé, mais est-ce que Netflix éduque vraiment, ou bien ne fait que vendre du fantasme ?

Pour Victor-Arthur, les ados ont tout à fait le droit d’avoir leurs « fictions excitantes », dont le concept théorisé par le Maître de conférences en Littérature comparée, Sébastien Hubier, désigne des récits qui jouent avec les limites pour émoustiller le spectateur. « Ces séries satisfont une curiosité légitime, mais elles ne doivent pas être perçues comme des modèles comportementaux. Il faut que cela reste de l’ordre d’un rapport intime avec la fiction, et non que celle-ci soit employée à des fins éducatives. »

Le porno, Netflix et la zone grise

Dans cette équation, il est impossible d’ignorer un autre acteur majeur : la pornographie. En France, 2,3 millions de mineurs consultent chaque mois des sites pour adultes, représentant 30 % de leur audience totale. L’âge moyen d’exposition à ces contenus ? Autour de 13 ans. Face à cela, Netflix semble offrir une alternative plus « responsable » tout en brouillant un peu plus les pistes. Les séries comme Elite utilisent largement des codes esthétiques pornographiques pour filmer certaines scènes, mais permettent aussi aux récits d’installer des relations et des émotions complexes comparativement aux « scénarios » caricaturaux des scènes classées X.

Pour Victor-Arthur, regarder Sex Education en famille pour ouvrir le dialogue reste pourtant une idée bancale. « La sexualité, telle qu’elle est représentée dans ces séries, doit rester dans le domaine intime », indique-t-il. « Le visionnage familial peut vite devenir maladroit, voire contre-productif. » Pour lui, ces séries ne remplacent ni les discussions parent/enfant, ni une éducation sexuelle formelle encadrée par des professionnels. « Elles peuvent amorcer une réflexion, servir de support de discussion dans un cadre structuré, mais elles ne doivent pas être perçues comme un substitut éducatif. Elles doivent rester des compléments et non des piliers de l’éducation sexuelle. » En d’autres termes, ces plateformes font bien de casser les tabous, mais la vraie éducation reste une affaire infiniment plus complexe qu'un simple binge-watching.

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