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Environnement et sobriété foncière : c'est quoi la « zéro artificialisation nette » ?

© Rochak Shukla

Chaque année en France, 5 terrains de football par heure sont consommés en moyenne. Face à ça, une solution se profile.

Selon le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, 24 000 hectares d’espaces agricoles, naturels et forestiers sont consommés chaque année dans notre pays. Les conséquences sont écologiques (biodiversité, risque de ruissellement, limitation du stockage carbone...), mais aussi socio-économiques (coûts des équipements publics, augmentation des temps de déplacement, hausse de la facture énergétique, dévitalisation des territoires, diminution du potentiel de production agricole...). Face à cette réalité, la France entend atteindre le zéro artificialisation nette des sols (ZAN) en 2050, objectif instauré par la loi Climat & résilience de 2021, avec un objectif intermédiaire de réduction de moitié de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers dans les dix prochaines années.

À l'occasion de la parution de trois décrets portant sur le ZAN au Journal officiel (28 novembre) on fait le point. Qu'est donc le ZAN ?

C'est quoi le ZAN ?

Le ZAN est à la fois un objectif et un outil de l’aménagement. Il implique de ne plus se focaliser sur l’occupation du sol, mais d'intégrer ses fonctions écologiques (biologiques, hydriques climatiques, agronomiques). Le ZAN participe ainsi à la promotion du principe de sobriété, qui ne touche pas seulement la consommation des sols, mais de nombreux autres types de ressources : économies d'énergie, agriculture alternative, matériaux moins émetteurs de CO2, baisse de la consommation de viande... Toute artificialisation des sols sera-t-elle interdite ? Pas nécessairement. En revanche l’artificialisation de nouveaux espaces sera conditionnée à une « renaturation à proportion égale ­d’espaces artificialisés ». Si l’esprit du ZAN et de la sobriété foncière dont il découle n’est pas radicalement nouveau, son introduction dans la Loi Climat et Résilience comme « objectif contraignant de l’aménagement » est toutefois inédite.

Le ZAN, une spécificité française ?

S’il est exclusivement français sous la forme définit par la loi Climat et Résilience, il participe d’un élan convergent d’initiatives mondiales promouvant la sobriété foncière. Bien qu'elle ne soit pas nommée en tant que telle, on retrouve l'idée de sobriété foncière dans les réflexions de chercheurs ou de philosophes européens et nord-américains dès le XIXème siècle. Dans le contexte de l’apparition spectaculaire des premiers dégâts liés à l’industrialisation et à l’urbanisation des économies avancées, ils débattent du dilemme entre aménagement des territoires et protection de l’environnement. Au-delà de ses spécificités culturelles et politiques, la France n’est pas particulièrement pionnière de sobriété foncière avec le ZAN. Comme l'indique une récente étude comparative des politiques de sobriété foncière publiée par la Fabrique de la Cité, think tank des transitions urbaines, la France suit des modèles de politiques publiques impulsés par des entités multilatérales ou supranationales, comme l’Union européenne ou les agences onusiennes.

L’Union européenne, grande promotrice de la sobriété foncière ?

À travers plusieurs séries d'initiatives et de dispositifs mis en place à partir de 1972 pour limiter la consommation du foncier ( « La Charte européenne des Sols » ), l'Europe s'est imposée au fil des années comme un acteur majeur dans la promotion de la sobriété foncière. Si l'Union européenne dispose bien d'une compétence en matière d'environnement, les politiques publiques d'aménagement du territoire sont encore aujourd'hui des prérogatives régaliennes ce qui complique l'émergence d'un cadre commun et ambitieux.

La sobriété foncière en Angleterre : le modèle historique ?

L'Angleterre est à l'origine des premiers modèles de sobriété foncière avec un contrôle strict de l'étalement foncier, notamment consacré par le Green Belts Acts de 1938 qui interdit toute extension urbaine qui ne serait pas en contiguïté d'une agglomération existante. Ce sont également les Garden Cities théorisées par l'urbaniste Ebenezer Howard à la fin du XIXème siècle qui ont inspiré le concept de « banlieue-jardin », la « suburb » ou encore le « lotissement pavillonnaire ». L'Angleterre fait pourtant aujourd'hui face à des problématiques d'acceptabilité majeures. Citoyens et élus sont en effet de plus en plus nombreux à se mobiliser contre la densification urbaine au nom de la qualité de leur cadre de vie. Un phénomène qui exacerbe les écarts entre banlieues aisées et quartiers pauvres.

La sobriété foncière en Suisse : un modèle vertueux ?

Pays montagneux, la Suisse présente un peuplement très concentré. En effet, plus des deux-tiers de ses 8,7 millions habitants vivent sur le Plateau suisse, portion plane qui représente seulement 30 % du territoire national. En parallèle, la Suisse a édicté un régime de sobriété foncière ambitieux dès 1979 avec la Loi d'Aménagement du Territoire, qui impose aux cantons « une utilisation mesurée du sol et le respect d'une séparation entre les parties constructibles et non constructibles du territoire ». Cette législation couplée à la concentration de sa population au sein d’un territoire contraint a généré l’image d’un pays économe en ressources foncières. La Loi d'Aménagement du Territoire a pourtant été révisée en 2022 pour répondre aux besoins en artificialisation d'un pays marqué par une croissance économique et démographique vigoureuse doublée d'une crise structurelle du logement d'une ampleur inédite en Europe.

Le cas complexe du modèle d’aménagement japonais

Onzième pays le plus peuplé au monde, le Japon ne se classe que 62ème par la taille de son territoire. Pays montagneux à près de 80 %, la majorité de sa population se concentre dans un nombre très réduit de plaines littorales et de bassins intérieurs, accroissant la pression de l’artificialisation sur un foncier rare. Pourtant, le Japon connaît de très grands contrastes de peuplement. À titre d'exemple, le département de Hokkaido, la grande île du nord, présente une densité de seulement 65 habitants par km2 et se trouve en situation de dépeuplement, tandis que celle du département de Tokyo, la plus élevée, dépasse les 6 300 habitants au km2. Ces singularités géographiques et démographiques ont largement participé au mythe du « manque de place ». L'aménagement du territoire nippon s'explique notamment en raison de la structuration de l'urbanisation autour des voies ferrées exploitées par les compagnies privées qui opèrent dans le pays. Par ailleurs, l'archipel fait face depuis plusieurs dizaines d'années à une décroissance démographique exceptionnelle que les pouvoirs publics ne parviennent pas à enrayer. Dès lors, la question de la sobriété foncière au Japon tend davantage à se confondre avec des enjeux de désartificialisation plutôt que d'expansion urbaine.

Peggy Baron

Chaque jour je m'installe à la terrasse de l'actu et je regarde le monde en effervescence. J'écris aussi bien sur les cafards cyborg que sur le monde du travail, sans oublier l'environnement et les tendances conso.

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commentaires

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  1. Avatar Anonyme dit :

    "20 000 hectares d’espaces agricoles, naturels et forestiers sont consommés chaque heure dans notre pays". Ils s'agit plutôt de 20 000 ha par an. Vérifiez vos sources !
    https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/fs_2023_-_na_128_artificialisation_des_sols_-_novembre_0.pdf

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