Une boulangère en pleine concentration

Pourquoi vous devriez vous inspirer de votre boulangère pour rester à la pointe de l'innovation ?

S’inspirer d’une boulangère de quartier pour rester à la pointe de l’innovation, il faut le faire. Pourtant, c’est la stratégie réussie de BNP Paribas PACE. Interview de Chloé Beauvallet, Directrice marketing client.

Vous travaillez pour un département un peu particulier chez BNP Paribas…

Chloé Beauvallet : Je suis directrice marketing client pour PACE – Partners in Action for Customer Experience. L’objectif de cette entité transverse est d’accélérer la transformation du groupe, non plus au prisme de la marque mais de l’expérience client. Nous sommes sur des sujets opérationnels : l’idée n’est pas de pondre des concepts marketing fumeux, mais de recruter des gens capables de proposer des solutions applicables.

Parler de données, surtout dans le secteur financier, ça peut parfois effrayer…

C.B.: C’est sûr qu’il y a un enjeu très particulier sur la confidentialité – mais au même titre que dans d’autres entreprises où j’ai pu travailler ! Les parieurs PMU n’auraient pas envie qu’il y ait des fuites. Et quand j’étais chez CANAL+, l’Etat français voulait accéder aux données des abonnés pour leur faire payer la redevance. C’est loin d’être un non-sujet… Dans la banque comme ailleurs, le niveau d’acceptabilité des Français a changé. On est de plus en plus tatillons et précautionneux, car mieux informés. Il faut se rappeler que la sécurité, c’est la base de notre métier : on a été créés pour ça, sécuriser l’argent des individus. Il peut exister un certain paradoxe : d’un côté, les gens sont méfiants vis-à-vis des banques et de la finance, de l’autre ils font confiance à des organisations comme la nôtre. Ce qui fait la différence, c’est l’interface, qu’elle soit digitale ou pas.

Justement, comment réussissez-vous à concilier la course à l’innovation et la sécurisation en ce qui concerne vos interfaces digitales ? D’un côté, il ne faut pas prendre de retard… De l’autre, il ne faut pas précipiter les choses pour ne pas risquer la sécurité des utilisateurs.

C.B. : Toutes les marques courent après l’expérience client digitale ultime. La réalité, c’est qu’il y a toujours des éléments qui sont perfectibles. Ce qu’il faut, c’est assumer son côté imparfait et démontrer sa capacité d’écoute en rectifiant le tir quand c’est nécessaire. Les bonnes intentions sont partout : aucune société ne dira que l’expérience client n’a aucune importance. Mais la façon dont on rend cette volonté applicable, afin de s’assurer que tout soit lisible… ça, c’est plus compliqué. C’est difficile de tout réconcilier. L’important, c’est de hiérarchiser et ne pas oublier qu’un client ne nous remerciera pas à chaque fois. Ça peut être compliqué à accepter… Mais c’est comme ça ! Par exemple, un client ne remerciera pas une chaîne hôtelière pour avoir installé un lit dans sa chambre. C’est le service minimum ! Même si c’est la priorité…

Est-ce que les millennials bousculent ces priorités ?

C.B. : Il y a tout un tas d’études qui expliquent qu’en réalité… Les besoins des millennials ne sont pas si différents de ceux de leurs aînés. Eux aussi, quand ils pensent à la maison qu’ils achèteront plus tard, ils imaginent être conseillés par une vraie personne. La hiérarchie des interactions avec la banque est la même – ce sont les exigences et les usages digitaux qui peuvent changer. On a tendance à vouloir voir des effets générationnels là où il n’y en a pas. La banque est liée à des moments de vie : que l’on devienne entrepreneur, que l’on achète une maison ou que l’on vive un coup dur, à 20 ou 60 ans, on se pose les mêmes questions.

Comment conjuguer les interactions dans les agences bancaires et celles qui ont lieu en ligne ?

C.B. : En doutant et en cherchant. Il y a des gens qui vont avoir besoin de contacts incarnés limités avec les banques – je ne crois pas au 100% digital – et d’autres qui en auront besoin beaucoup plus souvent. Le niveau de besoin est radicalement différent d’une personne à l’autre. L’important est de ne pas prédéfinir le niveau d’importance. On a l’humilité de penser que c’est au client d’estimer ce besoin.

Ça demande beaucoup de personnalisation… Est-ce que ça ne complexifie pas un peu les choses ?

C.B. : Ça complexifie mais en réalité, on revient aux bases. C’est comme ça que se comporte une boulangère dans un petit village. Il faut que l’on essaye de transposer à des volumes gigantesques le bon sens d’une relation client ancestrale. La complexité n’est pas de le penser, mais d’opérer. Comment rejouer l’unicité de l’interaction à chaque fois ? Comment on la recrée sur le digital ? Ça demande d’interpréter des data qui sont très personnelles, et de mettre en place un changement nourri de l’intelligence humaine.

Dit comme ça, ça paraît évident. Pourquoi est-ce que tout le monde n’y arrive pas ?

C.B. : Ce qui intéressant dans les dysfonctionnements des entreprises aujourd’hui, c’est qu’on a tendance à oublier les clients que nous sommes. On fait vivre à nos clients des choses qu'on ne supporterait pas nous-même !


Propos recueillis dans le cadre du Teradata Analytics Universe 2018, à Las Vegas. En savoir plus.  

Crédit photo : Unsplash

Mélanie Roosen

Mélanie Roosen est rédactrice en chef web pour L'ADN. Ses sujets de prédilection ? L'innovation et l'engagement des entreprises, qu'il s'agisse de problématiques RH, RSE, de leurs missions, leur organisation, leur stratégie ou leur modèle économique.
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  1. Avatar Mina dit :

    Je pense que les clients BNP en effet apprécieront. Je suis cliente depuis plus de 20 ans et ce que j'ai constaté c'est que BNP a automatisé la relation client jusqu'à la vider complètement de sens (ah ça c'est sûr qu'il va falloir prendre des leçons chez le petit boulanger. C'est bien dommage que Mme Beauvallet (Directrice marketing client) ne mentionne pas que les chargés de compte (qui n'ont de "conseillers" que le nom!) ont maintenant plusieurs centaines de clients à gérer et qu'ils sont notés comme de vulgaires fast-food après chaque "contact". Le suivi client et la relation a proprement dite n'existent plus et de toutes les façons le turn over des conseillers est tellement haut qu'il est difficile d'en garder un d'une année à l'autre. Pour résumer, la stratégie BNP c'est faire de la banque en ligne au prix de la banque de proximité. Le seul hic c'est que ce ne sont pas les plus performants en ligne ni en proximité...!

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