des fleurs poussant à travers du goudron

Comment aller vers une économie résiliente dans un monde privé de croissance ?

© flyparade via Getty Images

Le think-tank The Shift Project présente les grandes lignes de son plan de transformation pour décarboner l’économie française et assurer sa résilience. La première étape : renoncer collectivement à l’idée de croissance.

« Le retour au monde d’avant sera impossible », prévient d’emblée Jean-Marc Jancovici. Pour le président du think-tank The Shift Project, qui œuvre en faveur d’une économie libérée de la contrainte carbone, la perspective d’une reprise sous les auspices de la croissance est illusoire. « La croissance est une valeur physique, et la physique va nous interdire d’en avoir. Il nous faut donc réfléchir à comment relancer l’économie dans un monde sans croissance ou raisonner dans un cadre où la croissance n’est pas nécessaire. »

The Limits to Growth

Le diagnostic n'est pas neuf. Le Club de Rome l'avait établi dès 1972 dans le rapport (The Limits to Growth) qui pointait déjà les contraintes physiques qui régissent l’activité économique. Pour le comprendre, il faut imaginer que l’économie est un réseau, un peu comme le réseau sanguin, qui alimente des organes représentant les différentes structures comme l’Etat, les entreprises, les collectivités etc. Le carburant de ce réseau c’est l’énergie, en l’occurrence, le sang de l’économie mondiale est le pétrole. Pour le think-tank qui alerte depuis longtemps sur les difficultés de l’approvisionnement en pétrole et la nécessité de sortir des énergies fossiles, le « monde d’après » sera donc un monde sous forte contrainte physique. Du côté de l'énergie, la pandémie mondiale contracte la production de pétrole. Le sang peine à circuler d'une part, et il se raréfie d'autre part, puisque les réserves mondiales s'amenuisent. Côté climat, la trajectoire dessinée par les accords de Paris demande de diminuer drastiquement les émissions carbone. La réflexion sur la sortie de crise doit donc nécessairement s’articuler autour d’une double contrainte énergétique et climatique.

Couverture du rapport The Limits to growth du Club de Rome

Du diagnostic à la thérapie, créer la conversation

Le plan de transformation du Shift Project pose donc les jalons d’une relance sans croissance, et plus spécifiquement d’une relance où la croissance n’est pas un pré-requis. « Notre ambition est de proposer un cheminement de transformation concrète pour lancer une conversation documentée et précise sur le sujet de la transition énergétique et de la relance économique », précise Matthieu Auzanneau, qui dirige le think-tank. Avant de rappeler que le contexte de crise sanitaire, économique et social actuel rend cette discussion incontournable, que ce soit dans la parole politique (allocution du président Macron du 12 mars), chez les dirigeants et dirigeantes d'entreprise (tribune du Monde du 3 mai) ou encore chez les associations environnementales qui se sont regroupées pour rédiger un Appel commun à la reconstruction.

Pour tous et toutes, cette crise doit permettre de marquer un tournant pour nos modèles de développement. « On observe un consensus sur le diagnostic, entre le gouvernement, les patrons, les syndicats, mais ce qu’il nous manque c’est une thérapie », souligne Matthieu Auzanneau.

Atterrissage et planification

Le document de 50 pages, rendu public le 6 mai, précise les contours de la thérapie façon Shift Project. « La méthode que nous voulons échafauder s’intéresse à l’économie concrète : pas "euros", "croissance" et "dette", mais "métiers","tonnes", "joules" ; pas "Combien ça coûte ? ", mais "Que fait-on ? " », peut-on y lire.
En ligne de mire, les secteurs-clés de l’économie comme l’agriculture, le bâtiment, l’énergie, l’industrie, les transports, la santé, les services, mais aussi la culture et les médias. Pour chacun de ces secteurs, les experts et expertes du Shift Project formulent des propositions concrètes de décarbonisation de manière à guider l’élaboration des politiques de sortie de crise. Un « crash-programme » de relance décarbonée qui insiste particulièrement sur les solutions en matière d’emploi et de formation.

Tenir ses engagements face à l’Histoire

Un problème bien posé est déjà à moitié résolu, se plaît à rappeler Jean-Marc Jancovici. Le rare (et fragile) consensus sur les éléments de la définition offre de quoi se réjouir, mais les réponses à apporter au problème divergent radicalement. « Dans un contexte marqué par la concurrence entre les moyens d’action, nous avons fait le choix de prendre le plus efficace, c’est-à-dire celui qui demande le moins de ressources physiques », affirme-t-il. Avant d’ajouter : « sur la question du climat et de la transition énergétique, le bullshit s’est déplacé de la manière de poser le problème à la manière de le résoudre ». (Rappelons toutefois que les positions de Jean-Marc Jancovici sur la question du nucléaire ne font elles-mêmes pas consensus.)

« Notre proposition ouvre des voies de sortie de crise qui nous mènent sur la bonne trajectoire, celle définie par les accords de Paris », complète Matthieu Auzanneau. Avant de rappeler l’importance de cet engagement et le rôle symbolique de la France tenue de « tenir ses engagements face à l’Histoire. » « Notre stratégie est d’amorcer un processus mimétique : en montrant que l’on commence à faire des choses, l’idée est de donner envie aux autres pays d’en faire de même. »


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Nastasia Hadjadji

Journaliste, Nastasia Hadjadji a débuté sa carrière comme pigiste pour la télévision et le web et couvre aujourd'hui les sujets en lien avec la nouvelle économie digitale et l'actualité des idées. Elle est diplômée de Sciences Po Bordeaux.

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