Kevin

On en est là : une marque vous offre 2000 $ pour que vous regardiez ses pubs

2 000 dollars en cash pour regarder un panneau publicitaire. Le deal est alléchant… Mais dans les faits, ça ne fonctionne pas. À New York, une marque de sous-vêtements a fait le test, et le verdict est sans appel : nous ne faisons plus attention à rien !

La bataille de l’attention fait rage et à l’ère du tout numérique, il semble que nous n’ayons plus le temps – ou la capacité – à voir ce qui nous entoure. Première victime collatérale : la publicité, qui doit rivaliser d’ingéniosité pour se faire remarquer.

Le plus souvent, d’ailleurs, elle cherche à se déguiser : brand content ou brand publishing, la pub fait tout pour ne plus ressembler à de la pub, surtout sur internet.

Mais IRL, c’est tout aussi compliqué de sortir du lot.

La marque américaine Fruit of the Loom a fait le choix inverse. Consciente que les New-Yorkais ne remarquent plus les 4x3 qui envahissent l’espace urbain, elle a caché à différents endroits de la ville des liasses de 1 851$ (clin d’œil à l’histoire de la marque, qui a été créée en 1851). Pour y accéder, il suffisait de lire un panneau publicitaire. Ça paraît tout bête, pourtant seules 6 personnes ont pris la peine de le faire - sur les 9 millions qui peuplent la ville.

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Le constat est sans appel : « nous en sommes là », admet K.T. Thayer, Directeur de Création au sein de l’agence Crispin Porter & Bogusky, en charge de la campagne. « Vous croyez certainement que vous remarquerez une affiche en 4x3 devant laquelle vous passez tous les jours et qui vous dit comment gagner presque 2 000 dollars ». En fait non.

Et si vous pensez que c’est parce que les panneaux publicitaires sont un moyen de communiquer obsolète, détrompez-vous. La marque a investi d’autres supports : petites annonces, abribus… Et les écrans. Sur les réseaux sociaux ou en bannière mobile, notre attention est mise à rude épreuve. « Cette campagne relève de l’expérience sociale », poursuit Josh Shelton, Directeur de création associé chez CP&B. « L’objectif n’a jamais été de donner de l’argent aux gens. (…) Il y a d’autres publicités qui sont en place, et nous avons hâte de va voir ce qu’il va se passer. ».

Sommes-nous tellement incapables de nous concentrer sur notre environnement qu’il nous est impossible de remarquer les choses importantes ?

Yves Citton, théoricien de la littérature et penseur suisse des temps modernes, nous déculpabilise un peu. Pour lui, « ce n’est pas nous qui sommes plus distraits, ou plus déficients qu’avant, ce n’est pas un problème moral qui ferait que l’on ne sait plus se concentrer – mais c’est qu’il existe une telle quantité d’opportunités que l’on passe notre temps à chercher celle qui pourrait nous combler au mieux » (fun fact : la dynamique est vraie pour la pub, mais aussi pour notre vie amoureuse comme le révélait un documentaire consacré à Tinder). Problème : nous ne sommes pas faits pour gérer cette offre surabondante.

Ce qui vaut pour la com’, vaut aussi pour les infos ou la culture. « Nous pouvons trouver des solutions », continue Yves Citton. « Nous devons réfléchir au lien complexe et ambivalent entre attention et curiosité ». Parce que si vous n’arrivez pas à vous concentrer deux secondes sur le message d’une publicité, imaginez les dérives que cela entraîne au niveau de l’éducation, par exemple. C’est tout l’enjeu du projet ATOLE du neuroscientifique Jean-Philippe Lachaux, qui a pour vocation d’apprendre aux enfants à se concentrer à l’école. Et ça pourrait faire des miracles.

Quant à savoir s’il faut que les publicitaires flippent ou se réjouissent, c’est dur à dire. Limiter les messages pour communiquer à bon escient ou profiter des trouvailles des neurosciences pour tirer son épingle du jeu : à chacun sa stratégie…

Mélanie Roosen

Mélanie Roosen est rédactrice en chef web pour L'ADN. Ses sujets de prédilection ? L'innovation et l'engagement des entreprises, qu'il s'agisse de problématiques RH, RSE, de leurs missions, leur organisation, leur stratégie ou leur modèle économique.

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commentaires

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  1. Avatar Domigoup dit :

    Article intéressant mais qui me laisse perplexe : n’y est accusé que la capacité d’attention. Et si le fond du problème résidait, non dans la capacité mais dans la confiance accordée aux messagex véhiculés par la publicité ? Cf pub vs rédactionnel

  2. Avatar MH dit :

    Je suis tout à fait d'accord avec le précédent message.
    Si quelqu'un nous dit qu'on va gagner 2000 euros, on supprime la pub car ça doit être une arnaque.

  3. Avatar Gyarados dit :

    Et si c'était moins un problème d'attention et tout simplement un ras le bol de la publicité en elle même ? La publicité s'immisce dans tous les espaces et si certains arrivent à faire preuve de créativité pour arracher un sourire, la plupart restent de la pollution visuelle. Y a juste à voir le succès des extensions pour bloquer les publicités pour se rendre compte que le problème est moins dû à l'inattention qu'à l'ubiquité de la publicité.

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